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I may be hard to take but you can call me fake because i'm vulnerable. So vulnerable, without you.
Prague. Elle m'a vu mourir plus de fois que les allées d'un cimetière. Ma tête, vaporeuse, éclate à mesure que les jours passent. Moi-même, j'ai la sensation de me décomposer, d'exploser, en mille particules éparses. Rien n'a de sens, pas même moi, pas même ce que je fais. Pourquoi je suis parti de Boston ? J'ai beau creuser, la seule réponse plausible est que je suis un lâche. Je suis lâche, je me résigne à cette idée. J'ai fuis ce qu'il y avait à fuir en pensant que si je restais j'allais crever, et pourtant, je ne me suis jamais senti aussi mort que depuis que je suis parti. Assis sur cette banquette de velours, les yeux troublés par la fumée, je me dépèche au bar, un whisky, du papier. Une lettre écrite à Gabrielle, j'me suis senti pleurer. J'crois que le barman m'a vu, il m'a demandé si ça allait. Comme seule réponse, mes airs suffisants, cette arrogance, et ces billets lachés lestement sur le comptoir avant de déguerpir. Et puis Prague me regarde souffrir. Souffrir l'absence des autres, souffrir ma propre absence. Mes pensées se sont vidées du superflux, je remarque avec amertume que l'essentiel fait bien plus mal. Bien plus mal, parce qu'il sait où taper. Là, dans la poitrine, à répétition, à longueur de journée. Je n'ai pas seulement abandonné les autres, je me suis abandonné moi-même. La lettre pour Gabrielle serrée dans mon poigné, je traine, une clope au bec, comme un damné. J'voudrais que ça s'arrête, ça ne veut pas s'arrêter. Qu'importe où je vais, je ne me sens jamais à ma place, toujours à côté. Je ne sais pas ce que je cherche, ni comment faire disparaitre le vide au fond de moi. Je marche sans canne depuis des semaines, et je jurerais ne jamais avoir autant titubé. L'alcool fait son effet dans ma tête, ceux qui y sont trop habitué le savent, il n'y a plus rien de beau, de marrant, ou de léger quand on boit trop. Tout sonne grave, comme une vague sur la grêve, tout devient plus néfaste, pollué par la blase. Lara cogne dans ma tête, sans que je ne sache pourquoi. Sans que je ne veuille admettre que je sais pourquoi. J'ai récité les mots que je lui avais écrit par coeur, comme pour relever les erreurs, me mettre à regretter. De ne pas avoir laisser d'adresse, ou peut-être que j'ai bien fait. Pourquoi c'est elle qui vient dans ma tête quand je me mets à trembler ? C'est insupportable. Mon corps habite Prague, mon esprit n'y est pas. Alors pour la première fois, je m'arrête sous ce lampadaire. Sors de mon portefeuille ma puce américaine et l'enfonce dans mon téléphone. Il sonne, sonne, sonne. Des dizaines de messages, des appels en absence. J'étouffe dans mon thorax, je crois que j'angoisse. Mon souffle s'échappe en buée, j'arrache mon gant avec mes dents, et me met à chercher. Le répertoir, le nom de Lara. J'hésite un millier de fois. Je résiste un millier de fois. J'succombe une fois. Et merde, c'en est trop. Même si je n'ai pas cherché à avoir de réponse, je ne me fais pas à ce silence. J'me sens vulnérable, j'voudrais égoistement qu'elle le soit avec moi. Il est 2 heure 40, je suis ivre, désemparé, et probablement stupide. Mais j'appuie sur le bouton vert en fermant fort les yeux.
Le téléphone sonne.
Le téléphone sonne.
(Invité)