BUSHNELL • " You can kid the world, but not your sister "

Les yeux rivés sur son portable, Sloan ne semblait pas vouloir détacher son attention de son message. Ses doigts pianotaient sur l'écran avec une facilité déconcertante, le sms qu'il était en train de rédiger captait toute son attention. Tranquillement installé dans son canapé, il avait posé ses pieds sur la table basse, juste à côté de sa bière à moitié pleine. Le jeune homme avait mit le chauffage à fond dans le salon, il était bien loin du froid de novembre qui s'abattait en ce moment même sur Boston. Vêtu d'un t-shirt blanc FUCK DONALD et d'un bas de survêtement bleu en raccord avec la couleur du drapeau Américain, il était peinard dans le canapé en attendant sa petite soeur. Cette dernière n'allait pas tarder, ils allaient passer la soirée ensemble, dans le nouveau duplex de l'aîné Bushnell. La colocataire de Sloan, Dahlila, n'était pas là pour la soirée, ils allaient être au calme, il en avait terriblement besoin. Les récents événements furent assez mouvementés pour le beau brun qui enchaînait les merdes. Il y a deux jours était son anniversaire et il avait plus déprimé qu'autre chose. Certes il avait organisé une grosse beuverie à son hôtel mais le retour à la réalité fut plus dur que prévu. L'absence de sa mère le peiner bien plus qu'il ne voulait bien l'admettre, la séparation avec Charline et la pression que Georges lui mettait était des facteurs qui l'empêchaient clairement de se reconstruire correctement. L'Eliot avait besoin de temps pour digérer tout ça mais sa routine ne lui laissait aucun répit, il devait se débrouiller pour suivre le rythme et se montrer fort en toute circonstances. Simplement là, c'était son premier anniversaire sans sa mère dont il était très proche, il le vivait très mal et n'avait personne pour en discuter. Très secret sur sa vie privé, il ne se dévoilait à personne et même à ses amis les plus proches, n'en parlait pas vraiment. Le silence régnait en maître dans son salon. Sloan termina son message qu'il envoya à Charlène avant de balancer son portable sur la table basse. Il s'affala dans le canapé et ferma les yeux avant de soupirer longuement. Il supportait de moins en moins la solitude et la présence de sa soeur était plus qu'essentielle. Il avait besoin de la retrouver, besoin d'elle. Il prit sa bière et l'apporta à la bouche pour en boire une grosse gorgée. Il posa lourdement la canette sur la table basse avant de tourner la tête en direction de l'entrée lorsque le bruit de la sonnette se fit entendre. Un léger sourire vint illuminer son visage tandis qu'il se leva avec difficulté du canapé. L'Eliot traversa le salon sans trop se presser avant d'arriver jusqu'à la porte qu'il ouvrit avec la même énergie débordante. « Salut Nénette. » dit-il en la taquinant gentiment. Il ouvrit la porte en grand et se décala pour la laisser entrer. Il semblait faire si froid dehors, un frisson lui parcouru le corps. « Bordel il caille dehors ! » lança-t-il bêtement avant de reporter son attention sur sa petite soeur. « Bienvenue chez moi la frangine. » lança-t-il sur un ton amusé. Ouais son duplex envoyait du lourd, il en était fier ce petit con.

Putain de temps de merde. maugréa-t-elle alors qu'elle marchait le long du boulevard, resserrant son écharpe autour de son cou pour se protéger du vent venant mordre sa peau sans répit. Elle savait qu'elle aurait du prendre sa voiture, elle le savait. Mais au lieu de ça, elle s'était dit qu'elle pouvait bien couvrir les quelques rues qui la séparaient de sa destination à pied. Idée de l'année Linette, sérieusement. Frileuse comme pas deux, elle avait l'automne en horreur. L'automne et ses interminables journées à s'en geler les os. Parfois aussi froid que l'hiver mais la neige en moins, aucun intérêt en soit. Râlant pour elle-même et appréciant le confort de ses converses, elle accéléra le pas pour venir doubler un à un ces badauds qui n'avaient que ça à faire de rester planter au milieu du trottoir sans avancer. Ses écouteurs enfoncés dans ses oreilles diffusaient les Three Days Grace à l'image de son humeur alors qu'elle vérifiait une dernière fois l'adresse sur ton portable. Ce soir, elle passait la soirée avec le seul avec lequel elle avait envie d'être ce soir, Sloan. Sloan et son nouvel appart dont il ne cessait de lui parler depuis qu'il avait emménager, avec la soeur de Charline qui plus est. Linette ne savait pas quoi penser de ce dernier détail, se méfiant des femmes approchant son frère comme de la peste. Mais ces derniers temps, elle se sentait de plus en plus mal à l'aise partout où elle allait, se sentant à l'étroit parmi tous ces autres qui ne parvenait pas à lui faire oublier tout ce qu'elle portait en elle. Son grand frère était le seul qui comprenait un tant soit peu ce qu'elle vivait, surtout depuis le décès de leur mère et tout ce que cela avait révélé. Enfin, elle arriva devant l'immeuble et parvint à se frayer un chemin jusqu'à la dite porte avant de sonner, frappant ses pieds glacés contre le sol avec impatience. Magne Sloan. Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit sur l'Eliot (à son plus grand damn) qui lui servait de frère, de repère. A qui l'dis-tu, j'sens plus mes pieds moi ! Ne se faisant pas prier pour rentrer, elle vint rapidement passer ses bras fins autour du cou du brun avant de déposer un baiser encore frais sur sa joue, heureuse qu'elle était de le retrouver. Retirant ses chaussures d'un geste, elle prit enfin le temps de poser son regard bleu autour d'elle en s'avançant dans le salon. Ça va, je pense que j'pourrais m'y habituer. dit-elle d'une moue faussement nonchalante avant d'afficher un grand sourire sur ses lèvres alors qu'elle laissait son poids plume tomber sur le canapé. Non, c'était même sur, elle allait très bien s'y habituer.

Le temps était plutôt catastrophique en ce moment, on était loin du soleil et de la chaleur de cet été. Heureusement pour lui, sa condition de beau-fils de riche lui permettait aisément de mettre le chauffage à fond dans son nouvel appartement. Il faisait bon et Sloan pouvait dire un grand merci à Georges pour tout ça. C’était grâce à lui qu’il pouvait accéder au luxe et à ce monde si convoité. Même s’il ne trouvait pas forcément sa place dans cet univers si faux, si superficiel. Le beau brun ignorait comment sa sœur réagissait face à tout ça, si elle profitait ou non de l’argent que pouvait lui fournir son beau-père. C’était une notion qu’ils n’abordaient jamais entre homme, ils ne parlaient, en général, que des dossiers et des affaires. Georges restait assez secret et n’évoquait jamais le sujet petite sœur, il ne parlait pas non plus de ses sentiments et de ses ressentis. Au final, leur relation était assez superficielle, ils n’avaient pas d’échanges comme pourraient avoir un père et son fils. Autant avant, quand sa maman était encore en vie, ils avaient un semblant de proximité, autant là, on dirait deux hommes d’affaires liés par un projet de plusieurs millions de Dollars. C’était froid et le ton montait parfois entre eux, laissant l’Eliot perplexe quant à ses choix de carrière et d’avenir. Pour être tout à fait honnête, le deal que Georges lui avait proposé quelques années auparavant lui vendait du rêve mais plus il avançait dans le temps et plus il se rendait compte de l’impact que cela pouvait avoir sur lui. Développant une nature plutôt bipolaire, le jeune homme s’était perdu en chemin, il comprenait que dans cette histoire, il perdait bien plus qu’une personnalité. Il s’était énormément éloigné de Linette et ça le pesait beaucoup. Conscient qu’il n’était pas un frère exemplaire, il essayait néanmoins de faire des efforts et de rattraper le temps perdu. C’était assez spécial entre eux, ils étaient aussi fusionnels que distants. Elle devait avoir une multitude de reproches à lui faire et  elle avait sans doute raison mais Sloan a toujours été du genre à faire les mauvais choix dans sa vie. Il avait accepté le deal dans l’optique de mettre toutes les chances de son côté pour faire carrière. Il favorisait sa vie professionnelle, laissant sa vie personnelle en chantier, en chaos le plus complet. Lorsque la sonnette de la porte se fit entendre, il ne mit pas longtemps avant d’aller ouvrir, impatient de retrouver celle qui représente aujourd’hui, sa dernière famille. Linette était là, devant lui, rayonnante comme toujours. Elle semblait congelée la pauvre. « Vas-y rentre, il fait bon ici. » dit-il naturellement. La blondinette s’avança vers lui et vint déposer un chaste baiser sur sa joue, comblant son frère d’attention. L’Eliot aimait ça, de base très tactile, il aimait les marques d’affection et en portait beaucoup. Il était ainsi, il essayait de profiter au maximum de la présence des autres pour n’avoir aucun regret par la suite. Et en matière de regrets, il s’y connaissait pas mal, notamment avec sa mère. Sloan été resté plus d’un mois à son chevet lorsqu’elle était dans le coma. Tous les soirs il était venu la voir, histoire de lui parler et de lui dire les choses qu’il n’a jamais pu lui dire. Il restait environ une heure à ses côtés, lui racontait tout et n’importe quoi dans l’espoir qu’un jour, elle lui réponde. Malheureusement pour lui, ce jour n’arriva jamais et elle perdit la vie sans même lui dire au revoir. Il en avait énormément souffert et ne voulait pas reproduire le même schéma avec ses proches. Ce soir Linette était venu le voir et il comptait bien en profiter un maximum. La sœur Bushnell entra dans l’appartement et enleva ses chaussures afin de se mettre à l’aise. Il ferma la porte et la suivit de prés. Elle semblait apprécier son nouvel appartement. En même temps, il faudrait être difficile pour ne pas aimer un tel logement. Le salon était gigantesque et ressemblait à un grand studio, aussi luxueux que spacieux. La baie vitrée donnait une vue imprenable sur le reste de la ville et même s’il ne faisait pas beau, on pouvait deviner la beauté du paysage. « Tu m’étonnes, t’as vu un peu la classe ! T’es ici chez toi Nenette. » lui lança-t-il en rigolant. Nenette, il adorait l’appeler comme ça. Sloan s’avança, à son tour, dans le salon et prit place dans l’un des trois confortables fauteuils qui ornaient la pièce. Il s’affala dedans et posa ses pieds sur la table basse, en mode normal. Là où il y a de la gène, il n’y a pas de plaisir. Il semblait être un fervent adepte de ce dicton qui prenait ici, tout son sens. Son portable s’illumina sur la table basse, aussi il pensait à la réponse de Charlène. Son regard se porta sur son téléphone avant de dériver sur sa sœur. « T’inquiète, la sœur Granger n’est pas là pour la soirée, on va être tranquille. » dit-il en rigolant légèrement. Le beau brun se pencha lourdement en avant et attrapa sa bière avant de s’affaler de nouveau dans son fauteuil, il bu une gorgée avant de plisser les yeux. « T’en veux une ? » lui demanda-t-il calmement. Linette était ici chez elle et si elle voulait quelque chose, rien ne l’empêchait d’aller directement se servir. Sloan avait quelques questions à lui poser, des questions qui lui brûlaient les lèvres depuis quelques jours déjà.