toi, moi et les pina coladas (denysia)

Ana de retour… Je l’avais appris par un message sur mon compte form et ça avait été aussitôt le déclic pour que j’écrive à la jeune femme. Rencontrée cet été, j’avais tout de suite accroché avec elle. Accroché dans tous les sens du terme. Et si au début, on s’était retrouvé dans le même lit, la demoiselle avait vite mis un frein à tout cela, et pour cause, elle avait quelqu’un en tête. A l’époque, je n’avais pas cherché à jouer les curieux, respectant la distance imposée par la jeune femme mais depuis, avec un autre commentaire découvert sur mon formspring j’avais compris que ce mec n’était pas un inconnu, c’était l’un de mes amis, Jules. Malaise immédiat, mais malaise vite envolé puisqu’Ana avait été claire : il n’y avait plus rien entre eux deux. Pas de quoi être gêné de l’inviter chez moi ce soir donc ? Oui, parce qu’après quelques textos, je lui avais dit de venir me voir, lui glissant donc ma nouvelle adresse, celle de ce grand loft que je partageais avec trois autres étudiants. Mes colocs étaient de sortie ce soir, on avait l’endroit pour nous. Rhum, ananas et crème de coco sur la table, shaker en main, glace pillée, prêt pour la confection des pina coladas promises à mon amie. J’avais enfilé une élégante chemise blanche et un jean foncé pour l’occasion et je me dépêchai d’aller ouvrir en entendant des coups à la porte. « Hey ! » la saluai-je avec enthousiasme en lui faisant la bise. « T’as l’air en forme. » commentai-je en m’écartant pour la regarder et constater qu’elle était ravissante. « Entre, fais comme chez toi ! » l’invitai-je alors en refermant ensuite derrière elle. « Je te fais faire le tour du propriétaire ? » proposai-je avant d’enchainer : « Ca me fait vraiment plaisir de te voir ! »

« Oh raconte, tu as fait quoi de beau là bas ? » J’avais presque des étoiles dans les yeux lorsqu’elle me répondit que le Japon lui avait fait du bien. Pas que le Japon m’attirait spécialement, quoi que, je ne refuserais aucun voyage, aucune excursion, aucune découverte. Mais ce n’était pas spécialement une soif du monde Nippon qui m’habitait, non, c’était plus globalement une soif d’ailleurs. Une soif d’évasion. Comme tous les globetrotteurs, les voyageurs, les baroudeurs, qu’on clouait à un endroit, j’avais mes chaussures de rando qui me démangeait et l’envie de repartir à l’aventure. Pour l’heure, j’étais ici, sur le sol américain, et j’avais des études à boucler, si je ne voulais pas avoir à faire à un grand frère en colère. Je saisis donc la veste de la demoiselle, l’accrochant à un porte manteau avant de me lancer dans une petite visite du loft. « Ici c’est la pièce de vie, grand séjour comme tu peux le voir. On va peut être faire une grosse pendaison de crémaillère, je t’inviterais sans faute, mais pour le moment c’est en pour parler. On habite avec une dunster et avec un étudiant qui a repiqué son année, on a du promettre d’être sage avec ma pote de la mather house. » Une dunster, un student, et deux mathers. Un joli petit quatuor. Un bon melting pot. Mais ça impliquait d’accorder nos violons sur certains points. « Toi tu habites où ? » la questionnai-je avant de l’entraîner vers une autre pièce. « Là c’est la cuisine, où tu peux voir que les ananas, la noix de coco et le rhum n’attendent que nous. » commentai-je alors. « T’as soif d’ailleurs ? On pourra poursuivre la visite après un premier petit cocktail. » proposai-je en avançant vers tout l’attirail que j’avais étalé sur la table. « Laisse moi te prouver que je suis meilleur barman que danseuse hawaïenne. »

  Besoin d’exotisme, d’étouffer ma soif d’ailleurs par procuration, en l’écoutant me raconter son séjour… Moi le nomade globe trotteur tout fraichement sédentarisé, je devais avouer que ça me manquait terriblement de voyager. « Faudrait que j’y aille un jour… » Je ne connaissais pas Tokyo, mais en grand assoiffé de découverte, curieux et ouvert à toutes les cultures, j’étais vraiment séduit par l’idée de m’y rendre un jour. On entama en discutant un petit tour du loft où j’avais posé mes bagages récemment. J’évoquais et invitais Ana à l’hypothétique pendaison de crémaillère, ce qui amusa aussitôt mon interlocutrice. « Voilà, t’as tout compris. » rigolai-je à mon tour avant de la questionner. Elle habitait un peu plus loin, en coloc également, un prof. « Ok, bon pas de grosses chouilles chez toi non plus alors ça veut dire ? » conclus-je avec un petit sourire. Même si, selon ses dires, le trentenaire qui partageait son appart avec elle était cool. Me dirigeant vers la cuisine, et puisque mes colocs plus sages étaient absents, je proposais une pause cocktail à mon amie, ventant au passage mes qualités de barman. « Deal ! » acceptai-je lorsqu’elle me lança un défi. Je m’exécutai aussitôt, joueur, attrapant le shaker et commençai à verser l’alcool : rhum blanc, rhum ambré. Le soft ensuite : jus d’ananas, lait de coco, glace pillée… Et hop, je fis mon petit numéro, jouant avec le shaker, le secouant au dessus de ma tête avant d’en déverser le contenu dans nos deux verres, décorés chacun d’une petite ombrelle colorée. Je levai mon verre pour trinquer avant de porter la boisson à mes lèvres. Hum, j’y étais allé un peu fort sur le rhum… J’allais peut être perdre en fait. Je saisis ensuite le mini parasol en papier de mon verre et m’approchant d’Ana, je le lui glissai dans les cheveux en attendant son verdict quand à ma recette : « Et dis pas que t’aimes pas juste pour me voir danser hein, ça serait de la triche sinon… »

  On parlait voyage, on parlait crémaillère. Denys le roi des projets, le dernier du concret par contre… Il n’y aurait peut être jamais de visite du Japon, peut être jamais de crémaillère non plus. Mais j’étais de ceux qui se complaisaient à imaginer un futur rempli de plans passionnants. Et puis surtout, renoncer à ma vie de nomade avait été dur, alors hors de question de renoncer aussi à mon côté fêtard. Je n’avais pas choisi la confrérie des verts pour rien. Anastasia avait ce côté là également, je le savais car je l’avais rencontrée en soirée au Sc et donc elle n’excluait pas l’idée d’une pendaison de crémaillère pour son propre appartement, même si elle le partageait avec un prof du campus. Et pas question d’attendre ces hypothétiques occasion de festoyer, on allait commencer à profiter dès maintenant. Je m’attelais à mes cocktails sauf que le verdict tomba : la danse pour moi. Ok, j’avais été fort sur le rhum, mea culpa…  Elle m’accusa en riant de chercher à la saouler et je levai les mains pour me défendre de toute mauvaise intention : « C’est pas ma faute si tu ne tiens pas la route… Je le trouve pas si fort que ça ce cocktail moi, regarde la preuve. » Je levai mon verre pour le vider de moitié d’une traite, comme si c’était de la limonade, me retenant de grimacer sous l’effet du rhum qui réchauffait ma gorge. « Ca se boit comme du petit lait. » Allez, ça allait m’aider pour ma petite danse ça. Je posai d’ailleurs mon verre à moitié vide sur la table pour commencer mon show. Attrapant l’un des torchons de cuisine pour l’enrouler autour de ma taille, en mode paréo, me faisant ainsi une sorte de jupe hawaïenne, j’entamai ensuite ma danse. Petite vague avec mes mains et pas chassé d’un côté, petite vague et pas chassé de l’autre. « J’aurais fait une super vahinée pas vrai ? »

 J’étais mauvais en cocktail ok, mais en toute mauvaise foi, je refusais de l’avouer. Prêt à tout pour sauver ma réputation de barman, me voilà à avaler la moitié de ma pina comme s’il s’agissait d’un verre d’eau, me concentrant pour ne pas trop grimacer sous l’effet de l’alcool brulant ma gorge, provoquant l’hilarité de mon amie. « Ok, ok, j’avoue… » rigolai-je alors. « A la mather on prend l’habitude de charger les verres tu vois… » Même si ma toute nouvelle confrérie n’était pas qu’un rassemblement de soulards, bien sûr, la notoriété des verres en matière de fiesta n’était pas une invention, je le réalisais bien depuis que je les avais rejoints. Reconnaissant ma défaite donc, me voilà affublé d’un torchon autour de la taille en guise de jupette, dansant en remuant les hanches et les mains, le rire de la jeune femme continuant ainsi de résonner dans ma cuisine. Ana se joignit finalement à moi avant de commenter nos prouesses de vahiné. « Ca, ça veut dire que t’as envie d’aller en boîte et d’enflammer le dance floor avec moi. » Bon je n’avais rien d’un grand danseur, mais encore quelques cocktails du genre et j’allais devenir un vrai Danny Zuko à coups sûrs. « Je te remets une pina colada et après on sort ? » proposai-je en terminant mon verre. « Promis, je le fais plus light. » soufflai-je en attrapant la bouteille de rhum avec laquelle j’avais tendance à avoir un peu la main lourde.