are you real ? (jusia)

Cela faisait déjà quelques jours que j'étais arrivée à Boston. Le changement entre le Japon et les USA était toujours très difficile, mais je n'avais pas le choix. Je devais être présente sur Cambridge pour mes études et je devais profiter de mon opportunité d'avoir été accepté à Harvard. Après tout, mes parents me payaient mes études et je ne pouvais pas jeter l'argent par les fenêtres. J'étais donc officiellement de retour et je restais surtout enfermée chez moi à dépoussiérer mon appartement. C'est ce que je disais, c'était mon excuse, mais en réalité, j'avais surtout peur de croiser des personnes que je n'aurais pas spécialement eu envie de voir. Jules, par exemple. À mon arrivée, je m'étais rendue à la Mather House pour lui rendre visite, mais à la place, j'étais tombée sur une femme, une blonde. Il m'avait remplacé et je devais passer à autre chose, ne plus penser à lui. Pour cela, j'avais accepté de suivre quelques amies au People's Republik, une boîte de nuit non loin du campus. La musique y était bonne, tout comme les cocktails et l'ambiance. J'allais passer une bonne soirée, j'en étais certaine. J'allais pouvoir me défouler sans problème et surtout ne penser à rien. Au début de la soirée, une amie avait décidé de me présenter un garçon qui allait pouvoir me faire oublier tous mes malheurs avec un remède magique : un joint. J'avais jamais tiré sur ces trucs malgré que plusieurs personnes de mon entourage le fasse. On m'avait promis que ça n'allait pas me faire de mal et que je pouvais boire de l'alcool sans problème et je l'avais cru, sans me poser de question.

Je me déhanchais sur la piste de danse. Habituellement, j'aurais fait attention à l'image que je renvoyais, mais là, j'étais trop défoncée pour me rendre compte de quoi que ce soit. Je dansais simplement sur mes hauts talons et dans ma robe noir à bustier. Mes cheveux bougeaient en rythme sur mes épaules, suivant le mouvement que faisaient mes hanches. J'étais bien... jusqu'à ce que je lui rentre dedans et que mon monde s'écroule à l'instant où mon regard croisa le sien.

Les boîtes de nuit, c'était pas trop le délire de Jules de base, lui qui était habitué aux petites soirées entre potes dans un bar ou bien de plus grande ampleur version mather, autant dire que l'envie de se rendre en ville pour se frotter à des inconnues et crever de chaud ne lui donnait pas tellement envie. Mais ce soir pourtant, c'était bien là-bas qu'il se trouvait, avec des amis à lui qui avaient insisté pour qu'il vienne. Et comme toujours, il avait fini par dire oui. Parce qu'ils avaient de bons arguments et qu'ils savaient se montrer convaincants, bien sûr. Et puis, sortir était sûrement le meilleur remède à sa mauvaise humeur permanente. Mauvaise humeur qui n'avait fait que s'accentuer depuis qu'il avait appris le retour d'Anastasia à Harvard. Par Orysia d'ailleurs et puis... c'était tout. Il n'avait pas cherché à la voir ni la contacter et si ça pouvait en étonner certains, le mather n'avait pas envie de la voir. Jules, rancunier ? Pas du tout. Apprendre qu'elle était de retour le surprenait, parce qu'il n'avait pas pensé la revoir une seule seconde depuis son départ et voilà qu'au bout de deux mois, elle revenait comme une fleur. Bah si elle croyait qu'il allait se réjouir et lui sauter dans les bras, la blonde se trompait complètement. Qu'on le traite de connard, il s'en fichait comme pas deux, mais qu'on le prenne pour un con, jamais. C'était Jules tout de même, alors fallait pas déconner hein. Peut-être qu'Anastasia ne le connaissait pas si bien que ça pour penser qu'il veuille la revoir. Ouais, ça devait sûrement être ça. Enfin bref, il comptait sur cette soirée pour se changer les idées pendant que sa meilleure amie gardait gentiment sa chambre - trop adorable. Et alors qu'il abandonnait le groupe d'amis pour traverser la foule et aller s'en fumer une à l'extérieur, il sentit quelqu'un le percuter. Tournant la tête, il mit un instant avant de comprendre qu'il s'agissait d'Ana, la seule et l'unique. Immobile, le regard fixé sur la jeune femme en silence, ouais on peut dire que Jules avait ce que l'on appelle un bug. C'est qu'il ne s'attendait pas à ça, mais vraiment pas pour le coup. Et qu'il ne savait pas trop quoi faire et encore moins dire. Est-ce qu'une part de lui était heureuse de la revoir ? Peut-être, sûrement même. Mais en cet instant, c'était la rancune, la haine qui prenait le dessus. Alors il se contenta simplement de la détailler rapidement avant de tourner les talons et de se diriger vers la porte de sortie la plus proche pour aller fumer cette clope dont il avait tellement besoin. Aucune parole ne sortit de sa bouche, avec ce bruit, pas sûr qu'elle n'entende quoi que ce soit et puis surtout, ça n'était pas nécessaire.

Il était là. Debout devant moi. Il était toujours aussi beau avec son regard vert et ses cheveux en bataille certainement coiffés d'un simple coup de main. Il était devant moi et il ne se passait absolument rien. Malgré le bruit assourdissant des lieux et la foule qui nous entourait, j'avais l'impression que ce n'était que lui et moi dans un silence absolu. Il était beau avec son regard surpris. C'était beau jusqu'à ce que tout cela se transforme en colère. Il m'en voulait et je le comprenais. Je lui en voulais aussi d'ailleurs. Pourtant, j'étais là et je ne bougeais plus. J'étais heureuse de le voir, de le revoir et mon cœur se manifestait de plus en plus, battant aussi vite qu'il le pouvait, certainement plus vite que le rythme de la musique qui résonnait dans mes oreilles. J'aurais aimé tendre ma main vers lui en espérant qu'il l'attrape, mais je savais très bien que ça ne serait pas le cas. Je ne préférais pas m'y risquer et me faire du mal. J'avais eu raison puisque dans la seconde qui suivait, il tournait les talons pour s'échapper. Je le détestais, mais pourtant, je me surprenais à lui courir après. Je ne sais pas si c'est l'alcool ou la drogue, mais ma fierté avait été mise de côté. Je le suivais dehors, venant serrer les dents et me frotter les bras quand le froid vint rencontrer ma peau. « Jules attends ! » que je m'écriais désespérément derrière lui, ayant du mal à le suivre à cause de mes talons et ma jambe.

Il lui en voulait. D'être partie comme ça, sans raison. Sans même le prévenir, si ce n'est un simple message d'adieu. Elle avait fui et il lui en voulait. C'était assez drôle dans le fond quand on y pensait, parce que c'était cette même blonde qui lui avait reproché de vouloir fuir les situations un peu trop compliquées à gérer. Alors qu'au final, c'était elle qui était partie. Et qui revenait deux mois plus tard pour des raisons que le mather ignorait. La seule chose que Jules avait compris et retenue du sms de la jeune femme, c'est qu'il était apparemment la cause de son départ. Et c'était sûrement ça le pire en fait. Parce que ça lui rappelait qu'il avait vécu une situation assez similaire à une époque. Et qu'il était apparemment destiné à que tout se termine toujours de la sorte. Sauf que cette fois, Jules ne comprenait pas. Avait-il fait quelque chose de mal, si ce n'est être lui ? Non, pas qu'il se souvienne du moins... Alors ouais, lui qui n'avait toujours pas digéré le départ d'Ana n'était pas prêt à la retrouver. Ça l'avait affecté bien plus qu'il n'aurait pu l'imaginer et le mather ne savait même pas pourquoi. Et là, la seule chose dont il avait envie en cet instant, c'était de s'en aller. Éviter l'affront, c'était ce qu'il savait faire de mieux après tout. Alors il tourna les talons et se dirigea vers l'extérieur sans même se retourner pour aller se poser contre un mur et fumer cette fameuse cigarette qui était plus que nécessaire. "Tu tiens debout, félicitations."  lança-t-il sans le moindre enthousiasme dans sa voix tandis qu'il laissait la fumée s'échapper de ses lèvres. Aucun sourire, son visage était impassible, inexpressif et pourtant à l'intérieur, on ne pouvait pas dire qu'il en soit de même. Mais Ana le connaissait assez pour savoir que ce n'était pas son genre de gueuler à tout va et d'exprimer ce qu'il pouvait ressentir. Non, au lieu de ça, lui préférait jouer la carte du je m'en foutiste qui lui collait à la peau. Les yeux rivés droit devant sur l'obscurité qui régnait tout autour, le mather ne lui adressa pas un regard. Ça faisait trop mal de toute façon.

C'était difficile, ce brutal retour à la réalité. Je comprenais pourquoi les mathers prenaient plaisir à fumer quelques joints et à boire beaucoup d'alcool. Avec mes problèmes du moment, j'étais bien contente d'avoir de la drogue dans le sang pour me sentir plus légère et mieux vivre ce que j'étais en train de me prendre dans la gueule. Je ne savais pas pourquoi j'avais suivi le jeune homme. Peut-être que je m'attendais à autre chose de sa part ? À quoi je pourrais m'attendre en même temps, hein ? C'est pas comme si je lui avais dit adieu par sms... Peut-être que j'avais espéré un geste de sa part. Certainement. Ce soir, je comprenais que c'était mort, Jules en avait absolument rien à foutre et il me le faisait bien comprendre. « Tu tiens debout, félicitations. » À quoi tu t'attendais Ana ? Passe à autre chose maintenant. Plus facile à dire qu'à faire et pourtant, sans rien ajouter, je tournais les talons pour retourner à ma soirée.

FIN DU RP