and there's a storm you're starting now (fb shilar)

(PRISE D'OTAGE) | Peur, panique. Quelques mots, tambour contre les parois de ton étroite boîte crânienne qui ne peut pas encaisser. Supporter plus que ce qu’elle ne contient déjà. Overdose de pensée, bousculade de tes émotions. Peur, panique. Qu’est ce que t’es censé faire, ou dire ? T’en sais rien. Piqué, droit comme bâton planté dans le sol. Bitume qui te paraît moue. Marécage où tu piétines à côté de ces gens. Peuple en souffrance. L’impatience d’avoir des nouvelles, petites informations, savoir qui est mort, qui n’a pas survécu. Tahar, l’égoïste, t’es la, pour elle, ses cheveux en cascade sur ses épaules fragiles. Ses yeux désertiques qui t’embarquent si loin en un battement de cils. Son caractère de feu que tu oublies. Enterré sous cette peur, cette panique. L’ombre d’une émotion qui parcourt ton visage, des portes s’ouvre. Visages qui fuient, courants, pressés de quitter l’enfer. Rejoindre leur proche. Tu ne devrais pas être là, pour elle, non. T’es pas son proche, t’es qui, pour elle ? Peut être rien, juste un souvenir au passé, conjugué au passé simple dans la ville aux lumières. En retrait, intimidé. Tahar, effacé, énervé. Ton corps immobile impassible de tes émotions qui font les cent pas dans une ronde continuelle à l’intérieur de ton âme même. Chariot qui s’avance, plusieurs pompiers autour. Cortège qui s’avance vers l’ambulance non loin de toi. Un regard qui se pose sur ce corps inerte, cheveux des ténèbres, souillés le long de ce brancard qui traverse quelques mètres avant que tu t’avances précipitamment devant. Un home t’interpelle rapidement vous la connaissez ? D’un geste las, par évidence tu réponds, bien sûr tu la connais. Il n’y a que toi qui puisses la connaître autant. Seulement toi qui peux être dans un état pareil. Son corps inerte, souillé. Tu t’en veux ; t’es mains commencent presque à trembler, appuyées contre un bout de la rambarde de fers qui longe son corps que tu voudrais seulement prendre dans tes bras. Crier, tu voudrais gueuler. Tu te tais, victime de cette situation, presque autant qu’elle, peut être bien plus. Je vais venir, si je vais monter avec elle ! Médecins réticents, sans que tu cherches a comprendre pourquoi. Shiloh, Shiloh Al-Kuwari. Presque pour essayer de convaincre, que c’est bien elle, putain. Elle, Shiloh couchée sur ce modeste chariot. Qu’est ce qu’il s’est passé, qu’est ce qu’elle a ? Tes yeux qui parcourent son corps entier, finalement tombé dans le néant de ses yeux inertes, fixent le vide. Croiser son regard qui a perdu son intensité.

Rouge. Tout est si rouge. Noir. Dévastation, désolation. Tu restes immobile dans ce paysage de l’horreur. Rétines paralysées par ces visions cauchemardesques. Souffle imperceptible, semblable à celui des morts qui t’entourent. L’impression que la vie s’échappe de ton corps aussi. Ta poitrine, sur laquelle tes yeux refusent de se poser. Et puis tout autour de toi, les cris, les pleurs. Ils résonnent dans tes oreilles mais tu ne les entends pas. Tu ne les comprends pas, déconnectée. Perdue dans le tableau de cette scène surréaliste alors que tu reprends à peine conscience. Neurones encore englués, embourbés dans un marécage sanguinolent. Tu les mobilises pourtant pour combler ce trou noir. Il faut que tu te rappelles. Comment tout a commencé. L’instant où tout a basculé.

Dans ce sanctuaire estudiantin, il n'y a que l’odeur des vieux livres, le toucher du papier, le silence de la connaissance. Et soudain, le chaos. Il ne te faut pas longtemps pour comprendre ce qui est en train de se passer. Tu devines, tu sens. Le feu des armes prêt à jaillir. La peur qui s'instille en chacun. Une Faucheuse qui rôde entre les allées, prête à frapper. Autour de toi, tous pareils. Veines glacées, cœurs serrés. Mais pire encore. Ton impuissance. T’es démunie, sans recours, ils le savent. Et puis surtout, ce qu’ils veulent de toi. Ta soumission. Jamais. Toi l’indomptable, jamais. Même s’il faut en payer le prix. Révolte de tout ton être, fureur que tu peines à contenir. Obéir ou mourir, tu refuses ainsi de choisir. Folie qui appelle la balle foudroyante. Elle perfore tes chairs, se loge près de ton cœur. Ses derniers battements, peut-être. Douleur vive, le carmin qui s'échappe lentement de ton enveloppe. Happée par les méandres de l’inconscience, tu t’y abandonnes.

Cinq minutes. Cinq heures. Inconnue. Tes yeux s’ouvrent et tu te remémores ainsi les événements. Tu replonges peu après.

Cette fois-ci, tu ne touches plus le sol. Mouvement étranger qui t’entraîne  dans les couloirs. Défilement, cliquetis, soubresauts. Les secours, tu comprends. Ils remarquent ton réveil. Ton nom ? T’arrives pas à le dire. T’aimerais parler mais rien ne se passe. Muette. Laisser faire, alors qu’on t’embarque dans une ambulance. Brusquement tu réalises. Un visage que tu connais que trop bien. T’aurais aimé ne pas le voir. Pas là, pas aujourd’hui, pas dans cet état. Son expression qui en dit long. Cœur déjà si affaibli, que sa présence sollicite davantage. Tu refuses, encore une fois. Ta tête qui se détourne alors que ta main se lève pitoyablement. Quelques centimètres pour marquer ton rejet. Ou ton appel au secours.