Avoir un enfant, c'est se départager, c'est devenir une autre pour un tout, le monde prend un nouveau tournant, comme si rien d'autre ne pouvait compter. A l'instant même où je l'ai eu dans mes bras je me suis simplement dit que c'était là le sens de la vie. Il est des sentiments que l'on ne peut expliquer. Des choses que les mots n'arrivent pas à combler. J'ai toujours eu cette tendance, celle de me dire que j'étais trop égoïste pour pouvoir aimer, je pensais que je n'y parviendrai pas, que rien ne pourrait remplacer l'argent et mon affection sans faille pour ce dernier. J'étais cette petite fille pourrie gâtée, cette femme vénale, cette putain sans aucune égale. Et puis il y a eu Clay, il y a eu cette manière dont il a persisté,sa tendance à vouloir me rendre plus humaine, à me faire comprendre qu'il n'y a pas que la haine qui coule dans mes veines. Et si j'ai cru en l'amour en me fondant dans quelques je t'aime, je n'avais pas réalisé d'à quel point ce sentiment peut être décuplé. Tobias est la plus belle chose que je n'ai jamais faite, la seule de joli qui vient de moi, l'unique un brin féerique.
Et j'ai eu mal, et je me suis déchirée, mais à le regarder dormir paisiblement dans ce berceau, je sais que ça en valait la peine, que c'est plus fort que toutes que toutes les souffrances ressenties et diluviennes. « Mademoiselle Malcolm ? » Trop absorbée dans l'apprentissage de ses traits, je n'ai pas remarqué l'aide soignante qui vient d'entrer dans la chambre que nous occupons pour quelques jours encore. Je relève le regard, à moitié allongée dans mon lit que je n'ai pas réellement le droit de quitter. Devant elle se trouve un fauteuil roulant, et directement je comprends. « Il faut vous examiner. » Je hoche la tête, je le sais. « Et Tobias ? » Parce que je n'aime pas l'idée de le laisser seul, sans moi. « Il a rendez vous avec le pédiatre, ne vous en faites pas. » Et j'aurais voulu attendre Clay pour qu'il aille avec lui, mais le matin les visites ne sont pas autorisées, alors j’acquiesce au moment où je me redresse, elle vient m'aider, tandis qu'une infirmière arrive pour prendre mon fils dans ses bras. Une seconde, il râle d'être dérangé et ça m'arrache un sourire … Mon tout petit. Je m'installe tant bien que mal dans le fauteuil et me laisse pousser.
Après quelques couloirs, nous arrivons devant la porte, à la volée elle est ouverte par celle qui m'accompagne, mais alors que la salle aurait du être vide, c'est face à mon passé que je me retrouve. Kaylee. Ca tambourine en mon intérieur et je me raccroche aux accoudoirs du fauteuil. C'est par flash que ça me revient, notre insouciance, les soirées, notre … amitié. Mes fiançailles, il y a maintenant des années, et cette nuit où j'ai tout bousillé, parce que je suis – pour le faire – tellement douée. Trop d'alcool et son copain, c'était un équation implacable. ❝ Anna? ❞ Et son silence à la suite de cela. Ca fait des jours et des mois qu'elle ne s'était pas adressé à moi. Mes paumes vont finalement se poser sur mon ventre dont la rondeur me manque. J'en grimace quand j'incline le visage pour mieux la détailler, si je ne lui ai pas couru après suite à son absence, il n'en reste pas moins que je sais notre relation des plus chaotiques. « Je suis le fantôme du passé. » Je lui dis finalement railleuse, ouais, clairement moqueuse, avant de plisser les paupières pour mieux la jauger. Si mon visage est sûrement marqué par la fatigue, je reconnais dans le sien l'anxiété, la même que j'ai ressenti en mai dernier. Comprenant qu'elle n'est pas là pour des broutilles, je soupire en un mesquin sourire. « T'es de combien ? »