Comme presque tous les soirs et surtout alors que le week-end s’annonçait, j’avais décidé de sortir. C’était une constante chez moi, je passais mon temps à faire la fête, à profiter de la vie. C’était bien plus facile de le faire que de me pencher sur mes problèmes. Pour autant, j’avais aussi pleinement conscience des risques que je prenais en le faisant. J’étais beaucoup trop dangereuse pour moi-même et je m’en fichais clairement. Il fallait juste que je m’amuse. Encore que, pouvait-on vraiment parler d’amusement ? J’avais plusieurs fois fini dans des états pas vraiment super géniaux… C’était même en train de devenir une constante. Et je me retrouvais ensuite à dormir chez un inconnu qui avait eu la bonté de me ramener chez lui, pour on ne savait quoi faire bien sûr. Et le must du must, j’avais réveillé un ami en pleine nuit pour qu’il m’ouvre sa pâtisserie. Mais je m’en fichais. Je me comportais en gamine pourrie gâtée et j’assumais totalement ce penchant. J’étais devenue une vraie peste en seulement quelques mois après mon arrivée à Harvard et je ne voulais absolument plus changer. J’adorais ce sentiment de puissance qui me portait quand je me comportais comme une garce. J’adore voir ces personnes se ratatiner sur elles-mêmes dès que je prenais mon ton hautain pour lancer une vacherie. C’était le sentiment que je pouvais encore contrôler quelque chose.
Cela faisait déjà un petit moment que j’étais là et j’avais bu quelques verres. Je commençais tout juste à me sentir vraiment bien. J’absorbais tout ce qu’il se passait autour de moi, me sentant enfin revivre. Il n’y avait que les soirées où tout ce bruit, tout cet alcool, et parfois même la drogue, me permettait de pouvoir mettre en sourdine tout ce qui me rongeait et me rendait aussi garce. Alors j’en profitais.
Un verre à la main, je remarquais un jeune homme (encore que, jeune, il était toujours bien plus vieux que moi selon mon avis), qui me fixait épisodiquement depuis quelques minutes. C’était la première fois que je le croisais ici et j’étais intriguée. Je m’approchais de lui et lui balançais, très glaciale et sûre de moi : « Tu veux ma photo ? ». Et je devins plus agressive en ajoutant « Cela fait plusieurs fois que je te vois me regarder. Cherche pas, je suis trop au-dessus de tes capacités ».
J’avais conscience qu’il ne m’avait rien fait et pire, que j’étais une vraie garce alors que peut-être il ne me fixait pas du tout. Mais entre l’alcool et mon comportement insupportable, je n’avais pas pu me retenir.