MELCHIOR SACHS ► matthew daddario

« MAIS QU'EST-CE QUE ... ?! Tu vas me retirer ça immédiatement jeune homme ! Non mais dans quel monde vit-on ! Si tes parents apprennent que... » « Mais Maggie, tu ne leur diras rien hein ? C'est tout petit, ça se voit même pas si je met mon t-shirt comme ça. » fit-il en arrangeant le vêtement afin de cacher au maximum le tatouage qu'il s'était fait au bras. Mais la femme tira sa manche, encore sous le choc de la nouvelle. « Tu vas y retourner et l'enlever ! » « C'est un tatouage, je ne peux pas l'enlever ! » « Et bien tu retires le bras entier, je n'ai que faire ! Trouve une solution ! » « Qu'est-ce que t'as encore fait Melchior... » Mission réussie. Il s'était passé exactement ce qu'il pensait qu'il allait se passer. A la vue de leur réaction, ça en valait la peine d'avoir souffert pendant des heures sur une chaise ! Oui, c'est qu'il était malicieux Melchior, à embêter ses grands-parents avec des choses qu'ils détestaient par dessus tout, mais sur ce coup, c'était plus fort que lui. Que voulez-vous, après tout, il avait beau être un petit génie, c'était aussi un adolescent. Et maintenant, il était sûr d'avoir sa gouvernante à ses trousses pour le reste de l'année.
Se retenant de rire de toutes ses forces devant la réaction de la gouvernante, Melchior passa dans la cuisine, ses vieux toujours à ses basques, quand son regard tomba sur une lettre posée en évidence sur la table. Elle lui était adressée. Lorsqu'il récupéra l'enveloppe, un silence régna dans la pièce et quelque chose lui disait qu'il allait regretter d'avoir voulu savoir ce que disait cette lettre. Il leva les yeux vers Maggie, puis Alice qui restaient là, debout, silencieuses, attendant que le jeune adolescent n'ouvre l'enveloppe. « C'est Harvard... » La lettre à la main, son cœur cognait fort dans sa poitrine. La pression montait à une vitesse fulgurante en lui et Dieu sait que Melchior ne stressait que dans de rares occasions. Il lui fallait sa lettre d'acceptation, ses parents ne souhaitaient de le voir lui et sa sœur que dans cette université et nulle part ailleurs. Il prit une grande inspiration et avec beaucoup de courage, il ouvrit l'enveloppe.



La sonnette de la porte d'entrée retentit et les deux jeunes Sachs se levèrent aussitôt du lit sur lequel ils s'étaient assoupis devant la télévision et descendirent aussi vite qu'ils ne s'étaient levés dans le hall. Melchior passa une main sur son costume afin de le défroisser et réarrangea le col de sa chemise, tout en descendant les marches. Alice était bien plus rapide et avait déjà rejoint le comité déjà présent pour faire bonne figure. Les jumeaux avaient fait les deux heures de trajet afin de rejoindre la maison familiale pour une réception organisée par le patriarche. Tous ses collaborateurs et leur famille s'étaient réunis. Monsieur Richard Sachs serrait des mains, la carrure droite d'un homme qui savait gérer toutes situations. Parfois, s'il ne paraissait pas aussi froid, il l'admirait parce qu'il ne se laissait jamais déstabiliser par quoique ce soit, il avait un plan pout tout. Sa mère, elle, discutait avec les femmes présentes chez les convives et n'avait pas omis de dire à quel point elle était fière de ses progénitures qui étudiaient à Harvard. Ce genre de réception avait le don de le mettre mal à l'aise et le jeune homme s'impatienta sur le nœud qui lui serrait la gorge et l'empêchait littéralement de respirer, ce qui l'agaçait encore plus. « Ca s'appelle un nœud pap', c'est fait pour ça. » Son père s'approcha de lui afin de l'aider à arranger son col, le voyant en difficulté. Les deux hommes se mirent à rire. Monsieur Sachs se revoyait beaucoup en son propre fils et quelque part, cela pouvait être normal. Il lui donna une gentille frappe dans le dos. « Allez, c'est pas si terrible que ça... » Melchior haussa les épaules. Oui, c'était censé ne pas être si terrible que ça. Et comme s'il lisait dans ses pensées, Richard posa une main sur l'épaule de son fils. « Je sais que c'est pas ce qu'il y a de plus amusant, mais j'ai besoin de toi aujourd'hui. Tu vas devoir tu vas devoir t'y faire, un jour ce sera peut être toi qui devra organiser tout ça. »



Cela faisait une petite heure qu'il était pendu au téléphone avec Maggie, la gouvernante de la famille, la femme qu'il considérait comme une deuxième mère, celle qui avait veillé toute son enfance à ce qu'il ait tout ce qui lui faut pour être heureux. Ce n'était pas parce qu'il l'avait eu le weekend dernier qu'elle n'avait plus rien à lui dire et en oubliait de prendre de ses nouvelles aussi régulièrement. Encore heureux que le jeune homme avait choisi un forfait mobile à la hauteur de la capacité de parole de Maggie. Mais enfin, au moins, elle faisait passer le temps. Le trajet pour New York paraissait moins long. Maggie lui demanda dans la foulée s'il acceptait de recevoir sa jeune nièce chez lui, puisqu'elle entamerait elle aussi l'année à Harvard, mais n'ayant pas encore de logement. Est-ce qu'il avait une tête à devoir jouer les babysitters ? Non. Et puis, cohabiter avec sa jeune fille... Mais enfin, il ne pouvait pas refuser ça à Maggie alors c'est avec toute l'expression la plus faussement sincère qu'il accepta avec plaisir. « Oui oui, pas de problème » finit-il par annoncer. Les mots étaient sortis avant même qu'il n'ait eu le temps de réfléchir et de changer d'avis. « Non mais attends, me dis pas que tu es au volant ! » « Mais c'est rien... » « Non c'est pas rien ! Bon bon.. je raccroche tout de suite ! » « Mag, je te dis que c'est b... » Il braqua le volant violemment à gauche pour éviter un véhicule au dernier moment tout en klaxonnant. « Hey ! Regarde devant toi mec ! » Il maudissait le conducteur à voix basse, lui jetant un regard furieux au passage tandis que sa gouvernante était toujours à l'autre bout du fil. Mais lorsque ses yeux se reposent sur la route, il était trop tard. D'un coup c'est le noir total. Lorsqu'il entrouvrit les yeux, il crut entendre les sirènes des pompiers, mais il n'aurait su dire. Il ne sentait, ni ne pouvait plus bouger son corps encore assommé par l'accident.

Deux jours plus tard, de retour à Cambridge, c'est les jambes dans le plâtre qu'il se trouvait. « Essayez de vous reposer maintenant, je repasserai demain vous voir. » Le médecin sortit de la chambre, et il ne restait plus que lui-même pour saisir l'ensemble des informations qu'il venait d'avoir. La douleur l'empêchait de réfléchir décemment. Les yeux rivés sur ses jambes malgré la couverture, il s'efforçait de les faire bouger, ne serait-ce qu'un orteil. Il devait y aller tout doucement lui avait dit le médecin, mais au point où il en était, il n'en avait plus rien à faire de ce qu'il lui disait. Rester cloué sur ce lit d’hôpital, très peu pour lui. Ses études, son poste en service l'attendaient, et son diplôme dans deux ans aussi. A peine reposa-t-il la tête contre son oreiller, que la porte s'ouvrit dans un élan. « Quel idiot celui-là ! Ne me refais plus jamais ça d'accord ! J'ai failli mourir rien qu'en traversant le couloir ! » Alice, elle qui détestait l’hôpital et son ambiance morbide. Melchior devait tout de même saluer son courage pour venir lui rendre visite. Elle le dévisageait de haut en bas, le jeune homme comprit qu'il devait être en piteux état. « C'est bien... Cette année à Cambridge, on va avoir droit à un interne estropié... »