MACSEN&SOANE | that's freaking me out

Les rues peu éclairées, le froid automnal et le brouillard. J’y avançais en tentant de faire le moins de bruit possible. J’étais pas spécialement du genre peureuse, mais seule, sans un bruit à part des pas que j’entendais se rapprocher doucement, y avait de quoi s’en faire. J’avais aucune idée de ce qui ça pouvait être. Ni même de quoi. Un homme, une femme, un chien, un crapaud, un monstre. Il était cinq heures du matin et les rues étaient vides. Ou en tout cas, c’est ce que je pensais. Je venais de sortir de chez un ami, une bonne soirée arrosée. Quelques joints. Et je me demandais si ce que j’entendais, c’était réel. Ou si c’était dans ma tête. Aucune idée. Mais ça me faisait en partie flipper. J’avais les boules. Malgré tout, je restais prête à bondir sur le malotru pour le défigurer s’il daignait s’approcher de moi. Mieux valait-il pour lui que ce ne soit pas le cas car l’alcool, la drogue et la fatigue font un très mauvais ménage et rendent souvent parano. Je m’étais planquée dans une ruelle étroite, sans issue à première vue, ou en tout cas c’est ce qui me semblait vu le brouillard. J’étais là, entre deux bennes à ordures, accroupie, à guetter au loin. A écouter les pas s’approcher de plus en plus. Les poings serrés, j’étais clairement à deux doigts de me pisser dessus. J’avais envie de crier, de dire à cette chose de dégager illico presto avant que je ne m’énerve. Mais j’étais certaine que ça risquait d’être la pire idée qui soit…

Cela faisait bien longtemps que Macsen n’avait pas passé une si bonne soirée. Sa nouvelle colocation venait tout juste de faire leur première petite-soirée, ce n’était pas encore une crémaillère officielle mais pas loin. L’américain venait de raccompagner deux de ses invités qui étaient bien trop bourré pour rentrer saine et sauve chez elles. Il avait juste fait l’aller-retour, ses écouteurs maintenant dans ses oreilles pour que le voyage soit beaucoup moins long. Heureusement, qu’elles ne vivent pas dans un autre coin de la ville, cela aurait été encore plus ennuyant. Mac repéra finalement une silhouette en face de lui, elle semblait quelque peu apeurée de la situation. Elle était en danger ? L’américain fronça les sourcils avant de la voir tourner dans une ruelle, il s’approcha de celle-ci. Son écouteur quitta son oreille alors qu’il regardait autour de lui. « Mademoiselle ? … Vous allez bien ? » demanda-t-il en passant une main dans sa nuque alors que son regard circulait dans cette ruelle lugubre. « Vous avez un problème peut-être ? Je vous ai vu un peu paniquer… » dit-il tout bas. Il ne savait pas trop s’il devait se taire ou tout simplement faire demi-tour. C’est peut-être lui qui faisait flipper après tout… Un mec tatoué avec une capuche sur la tête, cela n’aidait pas à mettre en confiance, c’est certain. Macsen fit un pas en arrière, prêt à partir pour éviter toute crise d’hystérie ou d’insulte en tout genre « violeur, voleur » et tout le blabla. Il devrait se montrer moins « racaille » la prochaine fois.

Je me chiais littéralement dessus tant j’avais peur. Je me demandais qui pouvait bien me suivre comme un ninja à 5h du mat. J’étais prête à lui bondir au visage pour le défigurer et fuir pour me mettre enfin en sécurité dans mon lit. Enfin, encore fallait-il que je trouve mon appart. Et ça, c’était autre chose encore. En entendant la première syllabe sortir de la bouche de l’inconnu, j’avais d’ailleurs bondi au milieu de la ruelle d’un « YAAAAAAAAAAH ! », les poings serrés prêts à dégainer sur le visage du bonhomme. Même en étant passée pro en mma, j’étais pas certaine de réussir à lui foutre des coups suffisamment bien placés pour pouvoir repartir saine et sauve. Mais fallait y croire. Sinon, c’était foutu d’avance. Quoiqu’il en soit, en entendant ses quelques mots, j’avais soufflé. « Tu me veux rien ? Pourquoi tu me suis depuis avant alors si tu comptais pas m’agresser ? » Les sourcils toujours froncés avec mes poings en avant, je redescendais peu à peu la garde. « T’es qui ? » braillai-je tout en restant assez loin pour éviter de me faire attraper bêtement si c’était un piège qu’il me tendait.

Macsen n’a jamais pensé pouvoir faire peur à une fille aussi facilement. Du moins, c’est ce qu’il a pensé quand il la vit aussi méfiante, se retournant légèrement de temps en temps. Son ambition n’était pas de la tuer loin de là, il ne la connaissait ni d’Eve, ni d’Adam. Il préféra tout de même s’assurer qu’elle allait bien, peut-être qu’elle était suivie par quelqu’un d’autre après tout. Il sursauta quand il la vit se foutre devant lui en hurlant alors qu’il lui demandait si elle allait bien. Elle faisait presque peur comme cela mais il était tout de même très amusé de la situation. « Je ne te suivais pas, nous sommes dans un coin public… Je rentrais tout simplement chez moi. » dit-il en secouant la tête. Il est vrai qu’il avait lui aussi ses droits de circuler dans la rue. Après, elle avait de quoi être aussi sur ses gardes, avec tout ce qui se passe dans le monde… Les viols, les meurtres, les enlèvements, le Traffic d’humain… Il serait également sur ses gardes s’il était une femme. « Je suis Macsen Doyle-Fernandez, étudiant en journalisme et relation international en troisième année à Harvard. Je vis un peu plus loin dans la rue. » dit-il en lui donnant le maximum d’information possible. Cela l’a rassurera sûrement de savoir tout ça n’est-ce pas ?

Il devait me prendre pour une folle, et c’était un peu le cas au moment où je lui faisais face. L’alcool et les joints ne font pas bon ménage, c’est bien connu, et pourtant j’ai tenté l’aventure une énième fois. Mauvaise idée. Je le regrettais parce que ça me rendait mal. Parano. Et j’avais envie de gerber. Je sentais mon estomac travailler comme un dingue. Je comprenais même pas pourquoi j’avais pas encore tout dégobillé et de quelle manière j’arrivais à tout garder en moi. Anormale ou exceptionnelle, j’en savais trop rien, mais c’était chelou et je le regrettais. Les poings en avant prête à frapper mon agresseur, je les baissais lentement lorsqu’il me répondit. Rentrer chez lui, la seule chose qu’il faisait en réalité. Je me sentais un peu conne mais je savais toujours pas si je devais le croire. J’en avais presque oublié que même s’il était cinq heures du matin, la rue ne m’appartenait pas. J’haussais les épaules sans dire un mot, jusqu’à ce qu’il se présente à moi. « Macsen ? Et tu fais quoi dehors à cette heure-ci ? » le questionnai-je comme si j’étais sa mère. Comme si moi, au moment où je lui parlais, je n’étais pas dehors, seule, abandonnée à moi-même. « T’es trop louche. » lançai-je en plissant les yeux en guise de méfiance. Réaction un peu idiote, certes. « Tu permets que je dégage de cette impasse au moins ? Genre, recule un peu pour que je passe, je veux pas que tu m’attrapes sans que je m’y attende laisse-moi au moins me défendre si jamais ! » Je lui fis signe de la main de dégager du chemin de sorte que je ne passe pas trop près de lui. Parce que de toute manière, j’étais mal barrée dans mon impasse si je voulais m’en sortir. C’est toujours là que les gens finissent mal dans les films. Même les animaux.

Elle était presque parano, elle l’était totalement en réalité. Il est vrai que Macsen pouvait faire peur par moment à cause de ses nombreux tatouages mais cela faisait également son charme. Elle n’avait pas l’air bien, son teint était plutôt pale. Il haussa les épaules à la première question de la demoiselle, il avait l’impression de passer un interrogatoire tiens. « J’ai raccompagné deux amies qui étaient venu en soirée chez moi. Elles vivent là-bas. » dit-il en soupirant doucement. Il ne supportait pas de devoir s’expliquer à chaque fois, il aurait mieux fait de suivre son chemin tiens. Surtout qu’elle lui ordonnait de se reculer pour qu’elle puisse passer après lui avoir dit qu’il était louche. Elle n’avait pas besoin de lui dire, il l’avait bien compris. « Tu pourrais être plus agréable aussi. » dit-il en levant les yeux au ciel. Il se recule pour la laisser passer et mis ses mains dans ses poches. « Je vais partir en premier, ça sera clairement mieux comme cela ! Rentre bien ! » dit-il en détournant les talons. C’est bien de vouloir aider mais on le remerciait un peu comme une merde pour le coup et il appréciait moyen.

Je lui demandais de s’expliquer et lui ordonnais de bouger de mon chemin. Je me prenais clairement pour sa mère, en fait. J’aurais sûrement pas apprécié du tout qu’on me parle de la sorte mais quelque part c’était plus fort que moi, j’arrivais pas à m’en empêcher. « Mouais » lançai-je alors qu’il m’expliquait qu’il avait fait une fête chez lui et qu’il avait accompagné des amis à lui. « Quelle fête ? On invite toujours Soane. » Est-ce que parler de soi à la troisième personne était l’un des symptômes du mélange que j’avais fait ce soir ? Ou est-ce que je sortais de sa soirée, en fait ? Parce qu’après tout, je savais jamais trop où je mettais les pieds du moment qu’il y avait de l’alcool à profusion. Et puis, je lui demandais de dégager. Comme on dit de bouger à un chien, pour faire bref. Encore heureux qu’il l’avait mal pris. « Je m’en fous je suis très agréable là ! » Ou pas. Mais je m’en rendais pas vraiment compte en réalité, c’était la faute de l’alcool ce soir même si habituellement c’était pas spécialement le cas. Et c’est pas une excuse bidon ! « Voilà, t’as raison, je veux pas crever aussi jeune, salut ! » Je l’avais regardé tourner les talons alors que j’avais fini par sortir de l’impasse. Ok, j’étais sortie. Mais là, j’avais senti un truc anormal. Un truc qui travaillait dans mon estomac encore plus. Et un truc qui remontait lentement – ou rapidement mais vu ma notion du temps, je vivais l’instant présent comme un mec sous LSD – dans ma gorge. Un truc qui… Trop tard. Je m’étais vidée subitement dans un bruit des plus dégueulasses. J’avais gerbé, en plein milieu du trottoir. Et alors que je pensais en avoir fini après près d’une minute de vomissements, en relevant ma tête, c’était revenu. J’allais sûrement être vouée à dégobiller mes tripes en plein milieu de la rue avec le levé du soleil. C’était la mort.

Elle commençait un peu à le gonfler pour le coup. La politesse ne devait pas être dans ses meures mais là, elle poussait un peu trop loin. Elle lui donnait des ordres et maintenant elle se permettait de remettre en question ses paroles. Une vraie peste. « A croire que tu n’es pas invité à toutes les fêtes. » Il n’apprécierait pas la voir chez lui tiens. Elle lui tapait sur le système et Macsen attendait qu’une chose, la laisser dans sa merde et partir. C’est ce qu’il prit comme initiative d’ailleurs. Il tournait les talons la laissant se parler seule puisqu’il n’écoutait déjà plus ce qu’elle disait. Il l’entendait vomir au loin, cela le faisait sourire. C’était plutôt bien fait pour sa tronche, Dieu la punissait d’être aussi mal aimable avec quelqu’un qui souhaitait aider. « Tu ferais mieux d’aller te coucher ! Ca te fera du bien ! » dit-il en gueulant pour qu’elle puisse l’entendre là où elle est. Qu’elle ne compte pas sur lui pour la ramener chez elle. Vu son amabilité qu’elle aille se faire voir.

Je m’étais sentie si mal que j’avais fini par gerber mes tripes en pleine rue. Ragoutant. Et j’étais certaine que l’autre débile à qui j’avais pu avoir à faire s’amusait de me situation. J’attendais qu’il se casse car qu’importe que j’aille mal, j’étais bien loin d’avoir besoin de lui pour m’en sortir ce soir ou un autre soir d’ailleurs. « Dégage ! » avais-je braillé entre deux jets. Si je l’emmerdais tellement, pourquoi il restait là, au juste ? C’était à n’y rien comprendre, c’était une contradiction à lui tout seul. Il m’envoyait balader et pourtant il me conseillait de me coucher. Evidemment, c’était ce que je cherchais à faire depuis ma sortie de la soirée, mais pas sûr que je retrouverais rapidement le chemin pour retourner chez moi. Et impossible de compter sur mon frère pour ça, il devait sûrement partager le lit d’une étudiante une fois encore. J’avais fini par tendre un doigt d’honneur vers l’arrière, en sa direction, à son intention. Et j’espérais qu’il se le carrerait bien au fond de sa tête. La gentille Soane avait frappé ce soir !

Elle était tellement enfantine, cela faisait presque pitié. Pourtant, Macsen ne pouvait pas s’engager à la laisser tout de seule tout de même. Elle pouvait très bien tomber sur un malade ambulant, ce qu’elle voyait en lui en réalité. « Arrête de chialer et magne toi ! Tu n’es clairement pas mon type de fille donc je suis pas prêt de toucher ! » il préférait les blondes et autant dire qu’elle était loin d’être blonde. Il la regardait de loin, sans s’approcher pour autant. Il allait la raccompagner chez elle tout en gardant une distance de sécurité. Elle risque d’être heureuse comme cela. « Je te raccompagne en gardant une distance de sécurité. J’ai pas envie de me faire arrêter pour non-assistance en personne en danger si un psychopathe venait vraiment par arriver. » Une chose est sûre, après cela il ne risque pas de s’approcher d’elle une nouvelle fois. Il aurait mieux fait de rester quelques minutes de plus devant le bâtiment de ses amies, cela lui aurait empêcher de se retrouver face à cette mégère malpolie.