comme de par hasard (le crétin de la forêt)

J'ai pas eu de réponses à mon texto mais ce n'est pas bien grave, je me dirige quand même vers le McDonald's du campus. Si Denys est là, tant mieux, s'il n'est pas là et bien... tant pis ? Je le rejoindrais plus tard pour faire la fête toute la nuit ! Oui bien sûr, on y croit. Je pense surtout que je vais être hors service avant la fin de la soirée et ça ne me fait ni chaud ni froid. Ces derniers temps, malgré les remontrances et les menaces d'Isaiha, je sors pour oublier, pour oublier que la vie c'est de la merde et que l'homme à qui je tiens plus que tout s'est barré de l'autre côté de l'océan. Je pue à ce point, c'est ça ? Je pourrais le croire quand on voit qu'il ne s'est absolument rien passé avec Maxence quand on a dormi ensemble, qu'il ne me regarde limite plus et que mes interactions avec le sexe masculin se limitent à "bonjour, au revoir" et concerne mes professeurs uniquement. Je n'arrive pas vraiment à me mettre dans le bain, à m'intégrer comme je le voudrais mais je sais bien que c'est ma faute aussi, en quelque sorte. Je m'insère dans la file d'attente pour commander mon repas de ce soir et je soupire fortement. Je tire sur ma robe en laine pour la faire descendre sur mes cuisses. Robe et bottines, mais qu'est-ce qu'il se passe en moi là ? J'arrive rapidement à la caisse et souris. " Bonjour. Je vais prendre un Happy Meal avec des nuggets, des potatoes, des petites tomates, les fruits à croquer et le jouet fille, bien entendu " Je souris largement et opte pour une boisson gazeuse. " Et avec ça... Je vais prendre un petit wrap et... " Mes yeux glissent sur les affiches derrière la brune. Tout me donne envie pour tout dire.

Un mac do ? La dernière fois que j’y étais allé, c’était avec So, et disons que ça ne s’était pas bien terminé… Pas bien du tout… Peut être que se rendre sur un lieu qui m’était propice aux disputes n’était pas une bonne idée, surtout quand il s’agissait de passer la soirée avec Casey avec qui j’entretenais des relations plutôt électriques depuis notre première rencontre. Mais je n’y réfléchis pas vraiment en fait, je saisis ma veste et quittai la mather house direction le fast food. Peut être était-ce parce que Priam me manquait, que je voulais pouvoir discuter du garçon avec quelqu’un qui le connaissait et l’appréciait, peut être était-ce simplement parce que ses insultes me faisaient marrer, on se faisait pas traiter de crétin de la forêt tous les jours, mais j’avais envie de voir la bouille de ma sdf préférée alors me voilà devant le bâtiment de la célèbre enseigne. Je poussai les portes, repérai rapidement la jeune femme qui, devant le guichet, était en train de passer sa commande. Et je me raclai la gorge pour la couper dans sa commande : « Tu m’avais pas dit que tu venais avec ton gamin… » la taquinai-je en référence au happy meal qu’elle venait de réclamer, me penchant pour regarder à ses pieds, faisant style de chercher un enfant dans ses jambes, avant de relever le visage et de rire de bon cœur. « Je vais prendre la même chose qu’elle, mais avec un jouet garçon bien sûr. » précisai-je finalement. Parce qu’en fait, le vrai gosse, c’était moi. « Tu vas bien ? » demandai-je alors, plus sérieusement, à la demoiselle.  

Je ne savais même pas pourquoi j'avais presque envie que Denys débarque à ce moment même. C'était de la folie quand on y pensait. Notre relation était pire qu'houleuse et pourtant, j'avais terriblement envie de passer du temps avec lui. Était-ce parce qu'il me rappelait Priam et sa douceur ? Aucune idée mais je me retrouve là, comme une idiote, à sourire quand j'entends sa voix raisonner. Ce type est un crétin, il n'y a plus aucun doute sur la marchandise. " Il t'en a parlé ?! " Lançais-je, complètement choquée et ahurie, les yeux gros comme le monde. Il a pris le temps de parler de cette relation sexuelle avec moi a son meilleur ami ?! " C'est toi le gamin que j'attendais en fait, pour tout dire " Lançais-je ensuite en me moquant complètement de lui. Un tel répondant ne me ressemblait pas mais j'avais besoin d'être critique et chiante à souhait pour me destresser, pour relativiser ... Et puis, aucune envie qu'il croit que je l'aime bien. " Je vais prendre un croque McDo en plus et ça sera tout " Soufflais-je avec un léger sourire. " Ça va et toi ? " Demandai-je avec un léger sourire.

J’entrais juste à temps pour entendre la commande enfantine de la demoiselle et aussitôt je la taquinais sur la faisant style de cherches les petiots pour qui elle aurait commandé le fameux happy meal, sauf que sa réaction m’interpella, et je ne compris absolument pas ce à quoi elle faisait référence. « Qui ça ? Et parler de quoi ? » questionnai-je, perdu avant qu’elle ne rebondisse sur mes mots, m’envoyant à la figure que j’étais le gamin qu’elle attendait. « Denys Zacharias, 8 ans et toutes mes dents. » m’auto-décrivis-je avec un petit sourire amusé, loin d’être vexé pour le coup, conscient de la puérilité de certaines de mes réactions. J’étais le benjamin, le pitre de la famille, c’est surement ce qui me valait ce côté je-m’en-foutiste clairement assumé. On termina de passer notre commande, puis elle se tourna alors vers moi et pour le coup, je me figeai en observant son visage. Elle avait de sacrés marques : « Oh, qu’est-ce qui s’est passé Casey ? » demandai-je, inquiet, zappant complètement son –ça va- que je n’aurais pas cru de toute manière, et oubliant aussi au passage de répondre à la question qu’elle venait de me retourner.

Je ne lui adresse pas un regard à ce moment précis parce que je n'ai pas envie qu'il voit mon visage, qu'il voit les ecchymoses que j'ai presque réussi à cacher. J'aurais du mettre plus de fond de teint... Ou aller quelque part où il y a bien moins de lumières parce que là, ça fait clairement flipper. " Rien, laisse tomber.. " Ouai parce que s'il a pas compris que je parle d'un supposé enfant que j'aurais eu, je peux pas lui expliquer. Depuis que je suis là, on me dit que si on a besoin d'expliquer une blague, c'est qu'elle n'est pas drôle alors... Voilà. En tout cas, quand il se décrit comme un enfant de huit ans et demi, je ris légèrement. " J'aurais plutôt dis six ans... Mais on peut dire que t'as été bercé trop près du mur " Soufflais-je en haussant les épaules avant de me tourner vers lui, ma commande définitivement finie. Je sors un billet de vingt dollars et paye pour nous deux. " M'suis fais tapée dessus " Lâchais-je nonchalamment en récupérant la monnaie que le caissier me tend. " Mon frère joue à des jeux d'argent et il doit un paquet de frics à des gars louches.. Ils sont venus chez nous y a deux jours et... voilà " Soufflais-je légèrement. J'avais mal, j'étais incapable de dormir depuis ce moment et j'étais devenue une vraie rebelle. On était le duo des rebelles de la forêt nous deux. La forêts vertes, les mather quoi.

Je n’étais au courant de rien, tout simplement parce que Priam ne m’avait rien dit, et puis elle me demandait de laisser tomber et puis de toute façon j’étais trop vite focalisé sur son visage, dès qu’elle se tourna vers moi, non sans s’être moquée de mon âge mental peu avancé. Là, les vannes et la déconne, j’oubliais sur le champs, mon air hilare remplacé par une franche expression d’inquiétude. « Casey je… Je suis désolé… » soufflai-je sincère en l’écoutant m’expliquer ce qui s’était passé, les coups qu’elle avait pris, les ennuis de son frère, détaillant malgré moi les marques qui ornaient son petit minois. « C’est arrivé quand ? T’as été porter plainte ? » Peut être pas, si son frère était impliqué dans des histoires louches, elle le couvrait peut être. Cette histoire me rappelait trop la descente aux enfers de Priape, y’avait de nombreuses années de cela, quand il avait commencé à tomber peu à peu dans la drogue dure et le deal. C’était pas le même monde que celui des jeux d’argent, mais c’était tout aussi vicieux et dangeureux. « Si tu veux y aller et que je t’accompagne… » Je savais qu’elle m’avait pris en grippe dès le début, que j’avais un talent inné pour la mettre hors d’elle, mais bizarrement, là tout de suite maintenant, je ressentais le besoin de la protéger. J’avais presqu’envie de la prendre dans mes bras… « T’aurais du me dire, on n’était pas obligés de sortir, on aurait pu se voir chez moi… Tu veux qu’on remballe tout ça et qu’on aille le manger à l’appart ? » proposai-je en désignant les deux cartons d’happy meal posés sur notre plateau. Je ne savais pas trop si elle préférait se poser calmement ou au contraire sortir, ne pas rester enfermée, pour tout oublier.

Je déteste la façon dont il me regarde. Je déteste la façon dont tout le monde me regarde depuis quelques temps pour tout dire. C'est bon, je sais que j'ai le visage bleui et encore un peu enflé à certains endroits mais je ne suis pas un monstre. Quoi que... Ouai. Peut-être que je suis un monstre en fait quand on y pense. Moi qui vis plutôt mal le fait qu'aucun homme be me regarde et ne me veuille, avec une gueule comme ça, j'plais à personne, c'est juste impossible. " T'y es pour rien " personne n'y est pour rien au final mais pourtant, ça change rien. Mon frère a joué au con mais je suis toujours et je serai toujours à ses côtés. Je sais bien qu'il ne l'a pas fait exprès. " Y a deux jours. Le lendemain de notre anniversaire. Joyeux anniversaire quoi ! " Soufflais-je en ironisant un peu. Ouai happy birthday. J'esquisse un sourire et secoue le visage de droite à gauche. " J'ai pas été porter plainte et j'irai pas " Pourquoi ? Tout simplement parce que j'allais mettre Isaiha dans la merde et peut-être que la prochaine fois, ce n'est pas quelques vases brisés et quelques marques qu'ils allaient sur nos corps. Je ne savais pas jusqu'où ils seraient capable d'aller, Vito et ses copains. Loin sûrement, très loin... J'attrape le plateau et hausse les épaules. " Non mais on est bien là. À moins que t'ai honte de te retrouver avec une moche " Lançais-je en le défiant du regard. Allez, dis le que je suis hideuse et que je fais peur. " Dans le noir ça se voit plus, j'ai besoin de sortir pour oublier. Mais si tu veux pas, j'trouverais quelqu'un d'autre pour aller à une soirée mather " voix monocorde, aucune intonation. Plus de vie, rien. J'étais vidée, usée et démolie. Ça change de l'ouragan auquel il a à faire en temps normal. Heureux du changement Zacharias ?

 Je la regardais, scrutant son visage malgré moi, une lueur inquiète dans les yeux, ne me rendant pas compte que mon regard pouvait potentiellement la déranger.  J’étais tellement désolé pour elle. Surtout en apprenant la triste concordance de dates. « C’est une façon de me faire remarquer que j’ai oublié ton anniv c’est ça ? » fis-je alors, essayant de remettre un peu d’humour dans notre discussion et essayant de faire un peu disparaître mon air soucieux. Mais le sujet était grave quand même, et j’étais d’ailleurs prêt à abandonner mon domac pour l’accompagner au poste, pour aller porter plainte mais elle m’expliqua qu’elle n’en avait pas l’intention. Surement pour couvrir son frère d’ailleurs. « Ok… Mais sois prudente hein… » Et si ces types revenaient ? « T’as mon numéro, si t’as besoin tu m’appelles hein ? H24 ? » Ca pouvait paraître bizarre, vu la nature de notre relation jusqu’à présent, mais ce que Casey ignorait, c’était que je n’étais pas juste un étudiant instable et insouciant qui aimait trop faire la fête, j’étais surtout un grand frère qui avait perdu sa petite sœur bien trop jeune, et c’était surement de là que me venait cet élan protecteur. « T’es pas moche Casey, t’es amochée. Nuance. » répliquai-je, taquin, alors qu’elle jouait la provoc, la suivant jusqu’à une table libre. On s’installa et elle me laissa une porte de sortie, soufflant qu’elle trouverait un autre partenaire pour une soirée mather. « Allez boude pas. » répliquai-je en sentant son manque d’enthousiasme. Je fouinais dans mon carton, sortis le jouet et le tendis à la blondinette en entonnant : « Joyeux anniversaire en retard Casey… » Et parce que c’était surement pas très convaincant : « La première tournée de la soirée sera pour moi. » Un cadeau surement plus acceptable quoique… Casey, elle buvait de l’alcool ?

Pile électrique. J'étais une putain de pile électrique en temps normal mais là j'étais éteinte. Bon faut dire que j'ai vécu une épreuve plutôt traumatisante il y a une poignée de jour. Une expérience qui va me faire voir ma vie et la vie en général d'une manière totalement différente. Adieu les règles, les courbettes et tout ce qui va avec. On est entré chez moi, on m'a violenté... Et on a cassé des choses chez moi. Je le prends comme un viol parce qu'ils n'étaient pas invités, loin de là même. " Non même pas " Lâchais-je simplement. Je m'enfichais pas mal que personne n'avait pensé a mon anniversaire. Je l'avais passé avec Isaiha et pas besoin d'avoir fait une grande école pour savoir que c'était tout ce qui comptait pour moi. Isaiha et personne d'autre. " Ouai ouai t'inquiète " Soufflais-je en en pensant pas un mot. C'est pas vers lui que je me tournerais en cas de soucis, désolée Zacharias. Je crois que je veux me tourner vers personne parce qu'on peut faire confiance à personne sur cette planète. On s'installe et j'hausse les épaules quand il corrige et nuance mes propos. " Ça va te force pas tu veux " Ça servait à rien de faire semblant. Je suis amochée, ça finira par passer. On verra plus tard. Pour le moment j'ai juste envie de manger et d'oublier. Mais il trifouille dans les boîtes en carton et je ris quand il me tend son jouet. Je glisse une mèche rebelle derrière mon oreille en attrapant le jouet. " Merci... " Soufflais-je avec un léger sourire. " Ça marche.. " Soufflais-je en lui souriant. " Tu sais ce dont j'aurais besoin là ? " Demandai-je simplement en mangeant une fritte. " Un bisou " Je le regarde avant d'ajouter " Sur la joue, on s'entend " Ça coule de source non ? Sourire aux lèvres, je mange mes frittes en le regardant droit dans les yeux, le défiant presque.

  Y’avait quelque chose de changer chez Casey. Et même moi, qui était loin d’être le meilleur pote de la demoiselle, je m’en rendais compte. Peut être que d’autres seraient plus aptes que moi à la protéger, à la couver, à faire renaitre la candeur et l’innocence qui l’éblouissaient avant tout ça. Peut être aussi, et surement, qu’il lui fallait juste du temps, pour se remettre de cette agression qui avait du être traumatisante. Regardez moi, il m’avait fallu trois ans à gambader tout autour de la planète pour me remettre de la disparition d’Arté… Et puis, franchement, pouvait-on vraiment dire que je m’en étais remis ? Non, y’avait des choses, des évènements, des expériences, qui vous marquaient au fer rouge et vous changeaient fondamentalement.  J’arrivais néanmoins à faire réapparaitre un petit sourire sur les lèvres de la nouvelle Casey, avec mon petit présent, ce jouet contenu dans mon menu enfant. J’attrapais ensuite le soda, le cheese et les frittes dans le carton et m’attaquais à mon dîner, non sans lui promettre la première tournée pour la soirée de folie qui nous attendait.  Lorsque d’une manière un peu détourné, elle réclama ses lèvres sur ma joue, je relevai la tête étonné : « Un bisou de moi ? » C’était pas le besoin d’affection qui me surprenait, mais bien qu’elle me réclame cela à moi. Disons qu’avec nos relations électriques, ça avait plutôt été chamailleries sur chamailleries entre nous deux. Un sourire éclaira néanmoins son visage en scrutant son regard qui me défiait. Je me rapprochai alors d’elle, écartai doucement ses cheveux et vint déposer mes lèvres contre sa joue, avec douceur, pour ne surtout pas raviver la douleur de ses ecchymoses.