CASSIOPEIA T. LIONETTI ► mimi elarshiry

Respire, Cassie. Respire. Tu te tiens droite, le regard fixé sur le cercueil qui recueille ton petit frère. C'est de ta faute. Tu n'as pas pu le protéger, tu as échoué. Tu vois encore son regard s'éteindre lorsqu'il a poussé son dernier souffle. Tu vois encore le sang que tu avais sur les mains, son sang. Tu entends encore les cris paniqués des étudiants lorsque le premier élève a été tiré. Ça te hante depuis le 17 janvier et tu ne peux rien faire. Aujourd'hui, c'est l'heure de dire au revoir à ton frère pour la dernière fois. Tu ne reverras plus son sourire, tu ne pourras plus le consoler quand il se fera briser le cœur et tu ne pourras plus le protéger. Ton regard dévie vers le sol, tu attends. Tu attends qu'ils quittent la salle. Tu veux lui faire tes adieux seule. Tu veux t'excuser. Tu avance lentement vers le cercueil, redoutant ce moment depuis le début des services funérailles. Tu ne l'as pas encore regardé, tu avais peur de ne pas le reconnaître. Et ce fut le cas. Il avait l'air mort. Vidé de son énergie, vidé de sa joie de vivre, de son énergie. Tu craqua, éclata en sanglots. Les mains sur le cercueil, tu finis par te mettre à genoux, essuyant tes larmes avant de t'adresser à ton défunt frère. « Lorenzo.. pardonne-moi. J'ai pas su te protéger comme je le devais et maintenant, tu n'es plus là. Comment est-ce que je vais pouvoir survivre sans toi? Tu as toujours été le seul à me comprendre, dans cette famille.. » Tu ferma les yeux, espérant qu'un miracle arrive. Peut-être que si tu y croyais assez fort, il allait se réveiller, non? Une main froide se posa sur ton épaule et pendant un tout petit moment, rien qu'une fraction de seconde, tu pensa que c'était ton frère. Mais, ce n'était que ton père qui t'adressa quelques mots, comme à son habitude, d'une froideur extrême. « C'est fini. »

Lorenzo,
Mon psychologue m'a conseillé de t'écrire. Il m'a dit que ça allait m'aider à faire le deuil. C'est des conneries, c'est ce que je lui ai dit. Il ne sait pas que je t'écris depuis la journée de ta mort et que rien n'a changé. Tu n'es pas là et c'est ça qui importe. Il m'a dit que je devais écrire dans un journal sur tout ce qui avait rapport avec toi. La famille, Harvard, ect... En gros, il veut que je te raconte ma vie. C'est des conneries, toi aussi tu le sais. Tu me connais de A à Z, c'est pas faux. Mais, je vais te raconter encore une fois, parce qu'il m'énerve avec ça depuis deux semaines. Alors... Tu le sais, mais je m'appelle Cassiopeia. Pas Tallua. Je déteste ce nom autant que je déteste notre paternel. Il ne m'a jamais aimé, tout comme moi d'ailleurs. Quand je suis née, ma mère est partie. Tu dois être avec elle en ce moment, enfin... Elle est décédée, elle aussi. Toi, t'es né deux ans après moi. On a pas la même mère, mais ça fait rien. On s'est toujours considéré comme étant lié, comme étant de vrais frères et sœurs. Notre enfance, on l'a passé à faire des conneries. Tu me suivais partout où j'allais et ça ne me dérangeait pas. On a toujours été proche, même quand on est allé au lycée. Même si on avait pas les mêmes passions et que je passait mon temps à faire de la gymnastique et de la danse, tu restais proche de moi. On est déménagé quand j'avais quinze ans. On a quitté l'Italie pour aller aux États-Unis. C'est à ce moment-là qu'on a décidé qu'on voulait aller à Harvard. Je savais déjà que je voulais aller en médecine vétérinaire. C'était mon rêve. Toi, tu savais pas. T'avais que treize ans, quand même. Les années ont passés et la 'relation' que j'avais avec notre père n'allait pas mieux, au contraire. Elle se détériorait de plus en plus et j'ai fini par abandonner l'idée de savoir pourquoi un jour. Et puis, il est venu le jour où j'ai appliqué pour Harvard. J'attendais ma réponse depuis tellement longtemps. T'a été le premier à le savoir. J'avais été accepté! J'étais accepté à Harvard, en médecine vétérinaire et en danse. On l'avait crié jusqu'aux étoiles, puis les voisins nous ont crié de nous fermer et on a éclaté de rire. Ça été notre premier séparation. Je savais qu'on allait se voir souvent, mais on habitait plus sous le même toit et ça avait été un moment assez dur. Quand je suis arrivée à Harvard, je me suis tout de suite sentie à ma place. J'étais pas entré dans une maison, j'avais trop peur à ce moment pour appliquer, même si j'aurais pu. J'ai attendu deux ans avant de pouvoir te montrer les couloirs de ta nouvelle école. Quand tu avais été accepté, j'étais tellement fière de toi et tu le sais.. le savais. Mais, tu n'es pas resté longtemps. À peine quelques mois. Et après ça, j'ai quitté harvard pendant le reste de l'année. Quand je suis revenue, pour la rentrée, j'ai essayé de faire de mon mieux, mais.. c'était difficile. Et maintenant, ça fait presque deux ans que tu es parti. Cette année, j'ai décidé d'essayer d'entrer dans la Lowell House. Celle où tu étais. Je vais essayer de reconstruire ma vie là où je l'avais arrêté. Quand tu es parti. Je vais toujours me rappeler de tes derniers paroles. Tu m'avais dit de ne pas pleurer ta mort, d'embrasser la vie et de vie au jour le jour. Je vais essayer, petit frère. Mais, je ne vais jamais t'oublier. Jamais.