SHILOH AL-KUWARI ► Shanina Shaik

Shiloh est née dans ce petit émirat méconnu qu’est le Qatar. Bien qu’elle l’ait quitté il y a fort longtemps, elle y reste profondément attachée et y effectue des séjours réguliers, notamment pour retrouver sa famille restée sur place. Extrêmement fière de ses origines, elle n’hésite pas à remettre à leur place tous ceux qui tenteraient une remarque désobligeante sur son pays. De manière générale il vaut mieux ne pas la contrarier, elle serait prête à beaucoup pour vous le faire payer. Une tête brûlée que beaucoup ont tenté de dompter, sans succès. Trop insolente, trop instable, trop capricieuse. Elle dit non quand elle pense oui. Elle fait l’amour comme elle fait la guerre. Dans le fond, il n’y a que l’insomnie qui a réussi à la cerner.

Fille unique, elle aurait toutefois aimé avoir un grand frère pour la soulager de cette image de femme forte et indépendante qu’elle cultive. Enfant choyé mais élevé selon des principes stricts, on lui inculque des valeurs fortes et notamment l’obédience religieuse. Peu pratiquante cependant, elle considère que la foi est une affaire spirituelle avant tout. Être jugée par la valeur de son cœur plutôt que par la dévotion de ses actes, voilà ce qu’elle défend. Féministe affirmée, elle n’hésite pas à se battre pour ses convictions. Une liberté de ton et d’action octroyée par le premier grand bouleversement de sa vie.

Alors qu’elle n’a pas encore soufflé sa dixième bougie, son père est nommé ambassadeur du Qatar en France. C’est un véritable déchirement pour la gamine. Le foyer Al-Kuwari prend la direction de Paris et s’installe dans les beaux quartiers. Une nouvelle vie aux allures de déracinement pour celle qui ne parle pas un mot de la langue de Molière à son arrivée. Mais le temps finit par faire le nécessaire et elle apprend à s’acclimater à son nouveau pays de résidence. Elle parvient même à aimer la ville de l’amour. Elle y vit onze années qui forgent sa personnalité et la voient devenir femme.

Le parcours n’est pas sans embûche et son adolescence est marquée par la perte de sa mère, emportée par un cancer alors qu’elle fête tout juste ses quatorze ans. Traumatisme aux traces indélébiles, elle comprend où doit être le sens de ses priorités. Conscience qui la garde de la démesure, malgré le milieu très privilégié dans lequel elle évolue. Ses seuls excès, elle les connaît au volant des belles voitures qu’elle aime se voir offrir en quelques occasions. Excès de luxe, excès de vitesse. Cadeaux empoisonnés, comme lorsqu’elle manque d’y perdre la vie. Au final elle n’y a perdu que sa raison de vivre.

A ses côtés ce fameux jour se tient celui qui est devenu son monde. C’est pourtant le début de leur fin, une sortie de route qui sépare leurs chemins. Trop d’engueulades, trop de distance, trop de culpabilité surtout. Elle étouffe, cherche une solution et trouve une échappatoire. Elle lui annonce son départ pour Harvard quelques semaines après sa sortie de l’hôpital. Elle s’envole sans se retourner, se construit une nouvelle vie dans ce nouveau pays. Elle s’adapte vite, prend un rythme et tente de tourner la page. Son propre appartement en plein coeur de Boston, ses études en relations internationales qu'elle mène brillamment, son groupe d'amis qui l'ont rapidement intégrée... tout semble pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Elle aurait dû deviner que ce ne serait pas si simple. Rien n’a jamais été simple avec Tahar.