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four miracles are better than none
— with @Clay Fitz. Cooper



Il est 22h37. La pénombre recouvre maintenant Boston depuis quelques heures. Tu vois au loin quelques adolescents qui semblent hâtés le pas, par peur de négliger leur couvre-feu. Tu te trouves à quelques rues de ton appartement, après t’être adonné à ton jogging routinier. Autant cette habitude est prolifique pour ta santé, tu en profites également pour ravitailler ta clientèle. La température est en baisse constante et le quartier semble s’oublier dans un silence dérangé par les bruits de la circulation. Tu es fatiguée et ce soir, tu as hâte d’être dans ton lit et de fumer ce joint qui t’appel depuis des heures. Seulement, tu n’as aucune idée de ce qui t’attends chez toi.


Tu tournes la dernière rue et tu peux maintenant apercevoir ton logement à une centaine de mètres. Tu sembles marcher plus vite, comme si quelque chose d’urgent t’attendais. T’inquiètes, ton netflix est là, au chaud et pas prêt de partir. Alors que tu arrives face à chez toi, tu remarques que quelqu’un est dans ton stationnement. Tu n’en fais pas de cas, plusieurs personnes s’y stationnent puisque tu en as un deuxième et que le locataire à tes côtés t’as même demandé la permission. C’est lorsque tu entends un léger aboiement que ton attention est retenu. Pourtant, tu ne vois rien aux alentours, tu fais donc le choix de te diriger dans ton appartement. Au point où tu es fatigué, ta tête commence probablement à halluciner de toute façons. Tu t’assoies devant ta télévision et tu ne peux pas résister à continuer la quatrième saison de Sons of Anarchy. Seulement deux minutes à l’épisode d’écoulées, tu entends finalement un vacarme à l’extérieur de ton logement. Tu hésites deux secondes et tu te lèves afin d’aller voir ce qui se passe.


Tu ouvres la porte et tu aperçois la voiture qui occupait ton stationnement partir à toute vitesse. Encore une fois, tu entends aboyer et cette fois, tu sais que ta tête ne te joues pas de tour. Ton attention s’arrête rapidement sur un sac détrempé que tu t’empresses d’aller chercher. Tu ouvres le sac et ta tête fait un lien très rapide. Tu y trouves trois petits chiots, trempés et haletants. Tu comprends qu’une merde de ce monde a probablement tenté de les noyer. Présentement, tu étudies la médecine vétérinaire pour la simple et bonne raison que les animaux sont les seuls vivants à te faire sentir ainsi. Tu ressens de l’empathie face à eux, chose très rare avec les humains. Tu n’es même pas surpris par cette situation, tu cherches seulement un indice. Et tu sais aussi que les chiots ont probablement besoin de chaleurs plus que n’importe quoi.


Tu t’apprêtes à entrer chez toi, mais tu vois à quelques mètres de toi la silhouette d’une jeune femme qui semble figée et ayant peut être vue la scène. Tu te poses 10 000 questions en même temps, passant de “et si grâce à elle, cet espèce de taré s’était tiré?” à “mais putain, qu’est-ce qu'elle a vue?”. Tu tiens le sac dans tes bras, le serrant légèrement contre toi afin d’apporter un support aux chiots qui s’y trouvent. Tu t’approches à peine que tu commences l'interaction de ta façon la plus naturelle, avec un patois, bien sûr. « Non mais putain, t’as vu ce qui vient de se passer? » dis-tu, sur un ton légèrement agacé. Non, tu ne cherches pas à faire la discussion, mais ta tête te dis que tu te dois de sembler dépasser par la situation. C’est ce qu’une personne ressentirait en ce moment même, non? « Trois chiots, un sac détrempé et une fontaine, juste là. » dis-tu en pointant la fontaine face au logement. Tu sais automatiquement que la personne qui s’apprêtait à commettre ce geste n’est qu’une ordure, prêt à noyer des chiots dans une fontaine à proximité de tous et parfaitement éclairée. Tu soupires dans ta tête, réalisant que l’humaine n’est qu’un tas de conneries. Tu finis par vouloir terminer ton point et t’adresse finalement à nouveau à l’inconnue face à toi. Ta tête assemble la scène à une partie de Clue, chose que justement, seulement ta tête penserait. « T’as des infos pour mon enquête, parce que mon constat final est très dark. » Tu espères qu’elle te dira quelque chose de complètement différent et que l’idée que tu t’es fais de la scène soit erronée.



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22h30 annonce enfin la fin de mon service et il me tarde de rentrer, histoire de m'amuser face à ce qu'elle a pu cuisiner. Enfin surtout rater... Annalynne s'exerce un peu plus tous les jours à l'art délicat de préparer le diner. Mais si je souris lorsque je goute ses créations - souvent calcinées - ce n'est que par politesse pour ne pas la blesser.

Les pas s'enchainent direction le garage des deux frères Martinez qui se trouve à trois pâtés de là. L'un des deux a pris contact cette après-midi, me soulageant d'un poids puisque mon pickup que j'avais encastré la nuit de l'inondation est finalement réparé. Quelques bouts de tôle débosselés, une peinture en partie refaite et un radiateur remis à neuf, de quoi inquiéter celle qui partage ma vie puisqu'elle compte à présent chaque dénier dépensé. Selon le coup de fil passé, nous avons convenus que le véhicule serait stationné au-dehors, laissé à mon entière disposition. Quant au règlement, difficile de remettre la parole d'un flic en question: ils seront payés demain aux aurores. Encore une ruelle à traverser et je serais de nouveau derrière un volant, sensation grisante qui m'a manqué depuis quelques jours, lorsqu'une voiture déboule et s'engouffre dans une autre venelle, un peu trop pressée semblerait-il. Pas le temps de relever la plaque d'immatriculation mais de toute façon qu'importe puisque ce n'est pas avec un con en moins que j'arriverais à changer le visage de cette ville rongée par la déprédation. Alors je continue mon chemin, la marque du véhicule en tête pourtant, jusqu'à passer à coté de la fontaine dans l'ombre des soubassements.

De l'autre coté de la rue se déroule un bien curieux spectacle: deux silhouettes dont l'une qui soupèse un sac imposant, s'excitant même en cette heure tardive auprès de la deuxième qui ne semble pas vraiment coopérative, voire complètement désintéressée. " Connard de sdf " qui s'en prend à une femme aux vues des formes épousées par un trench-coat cintré. Poussé par la déformation professionnelle je me rapproche discrètement de la scène pour l'entendre l'interroger:  « T’as des infos pour mon enquête, parce que mon constat final est très dark. » La femme ne semble visiblement pas très à l'aise par cette proximité qu'il lui impose, un tutoiement sans raison apparemment, ni très réceptive puisqu'elle s'écarte d'un pas, la main portée sur son sac à main. Alors une fois à leur hauteur, je m'interpose, m'annonçant tout de même d'un raclement sourd de la gorge avant de déballer: " Des ennuis M'dame? " Elle fait signe de la tête que non mais s'empresse de quitter les lieux, nous laissant tous les deux. Et lorsque je croise finalement son regard, je comprends mieux. Putain, Pecorella, " pourquoi ça ne m'étonne pas. " Pourtant c'est un ami d'Anna, le meilleur même, mais je n'ai jamais pu encadrer sa tête de rital. Des jappements s'échappent brusquement de ce qu'il tient fermement dans les bras. " Tu rapportes du boulot à la maison? " Cynique et mauvais parce que je le vois bien s'adonner à quelques autopsies tardives juste histoire de s'entrainer.
 
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T’y crois pas. À peine tu t’adresses à la jeune demoiselle qui se tient à quelques mètres de toi, qu’t’entends quelqu’un s’ajouter à votre conversation. Bon, y’a pas vraiment de conversation parce que t’as l’impression qu’tu fous plus la trouille à la fille qu’autre chose, mais t’auras essayé au moins. Tu la vois s’éloigner au moment où il lui demande si présentement elle a des ennuis et tu peux t’empêcher d’rager d’avoir perdu ta peut-être seule témoin. T’as encore plus envie de pèter un câble au moment où ta tête réalise que face à toi, c’est nul autre que Clay. Connard. C’est tout ce qui t’vient en tête quand tu l’vois. Et c’est pas quelque chose de fréquent, on s’entend. Mais bon, il est flic, t’es dealer, ça peut juste pas cliquer pour toi. T’étouffes un rire irrité dès qu’il te sort un commentaire noir, par rapport à ton boulot. Tu veux même pas répondre, tu préfères lui renvoyer sa connerie. « Et toi t’es jamais là quand c’est l’heure de faire ton boulot, right? » dis-tu, référant au fait que la police n’est jamais là lorsqu’il est temps d’y être. C'est vrai ; quand il est question d'excès de vitesse, tu te fais coincer. Quand c'est une merde sans conscience qui s'appprête à tuer un trio de chiots, bam, y'a personne et les rues sont désertes. Les jappements se font entendre de nouveau, prenant une légère ressemblance à des pleurnichements de moins en moins prononcés. T’es pas con, tu sais qu’ils sont probablement traumatisés, qu’ils ont besoin d’une source de chaleur très rapidement et qu’il te faut quelque chose pour les nourrir. T’as tellement été pris par surprise que t’es toujours là planté, à ne pas réagir. Quel bon vétérinaire tu ferais, c’est incroyable.. T'es un peu dépassé, le pourquoi tu décides d'expliquer trèèès vaguement ce qui s'est passé. « Surprenant qu’t’ais pas perdu ton boulot encore. Tu viens d’faire partir la seule personne qui sait peut-être c’qui vient de se passer. » Tu dis, soupirant longuement par la suite. T'es insulté, t'es pas dans ton état normal parce que t'as besoin de dormir au plus sacrant, et t'es dégouté par la plèbe. « Pour un flic, c’est pas … très flic c’que tu viens de faire. » Tu ne lui expliques même pas que ces chiots ont été presque noyés dans cette fontaine à proximité, tu le laisses dans le néant total et tu préfères ça ainsi. T'avais juste besoin de critiquer à quel point tu l'considères comme une merde, autant en tant que flic qu'humain. T'es pas du monde, putain.

Tu finis par te retourner vers ta porte d'entrée et t'y dirige. Tu sais même pas c'que tu vas faire parce qu'autant ces chiots ont besoin d'être au chaud, t'as besoin de regarder si y'a pas le moindre dommage non plus et faudrait que t'ailles chercher de la bouffe quand même rapidement.

Tu réalises que t’auras pas la moindre information et que tu vas être laissé à toi seul avec ce genre de situation que t’as jamais vécu. Faut une première fois à tout, t’espères juste que la vie ne sera pas vache au point d’te rajouter ce genre de péripéties fréquemment à ton parcours. « J’sais même pas pourquoi j’prends la peine de te le demander, mais t’aurais pas envie de faire une BA? Pas pour moi, mais pour ces chiots? » T’es pas sûr qu’il y a un coeur ou quelque chose de semblable au fond de cet homme, mais t’es un peu mal pris et si Anna lui trouve quelque chose, c’est qu’il ne doit pas être le pire humain sur Terre. « M’faudrait d’la nourriture au plus pressant. » dis-tu, te retournant vers lui, espérant avoir une réponse positive. Faut pas prendre tes rêves pour réalités Caleb, hein? Surtout que t’as pris la peine de légèrement l’insulter dès son arrivée. T'as du culot, ça c'est sûr. Parce que tu lui demandes clairement d'aller chercher de la nourriture pour ces chiots, même si l'heure est extrêmement tardive pour ce genre de commission et que t'as pas pris la peine de lui expliquer ce qui s'est passé.


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 « Et toi t’es jamais là quand c’est l’heure de faire ton boulot, right? » Tout simplement parce que mon service a pris fin il y a quelques minutes déjà et qu'en dehors de mes heures, plus rien n'a d'importance hormis Anna. Faudrait pas abuser même si je sais que lorsque l'on prête serment c'est H24. Etre un citoyen, c'est jour et nuit mais j'ai moi aussi besoin de voir la vie trouver seule son chemin et sans criminalité, les flics ne serviraient plus à rien. C'est un mal pour un bien, je ne fais que réguler la progression de la vermine, non l'éliminer. Mais ce principe s'avère un peu trop compliqué pour un junkie décérébré.  « Surprenant qu’t’ais pas perdu ton boulot encore. Tu viens d’faire partir la seule personne qui sait peut-être c’qui vient de se passer. » Dans ma poche réside encore un vieux paquet soigneusement caché des investigations agacées d'Anna. Quand certains cachent des numéros de téléphone, des petits mots doux glissés de main en main accompagné d'un nom d'hôtel, d'une adresse et d'une horaire, moi ce sont mes clopes puisque j'en avais terminé de cette dépendance malsaine. « Pour un flic, c’est pas … très flic c’que tu viens de faire. » Alors mes doigts empruntent le chemin de ma poche pour l'agripper et tandis qu'il débite son flot de conneries, la marchandise est déballée.  Le tabac est frappé contre le paquet et trouve sa place entre mes lèvres lorsque je prends calmement le soin de le corriger sans même le regarder, " Le mot que tu cherches, c'est "professionnel" " , top affairé sur le briquet qui soudainement éclaire d'une pression du pouce les traits d'un visage réfléchi. Quand on manque de vocabulaire...

Sur ce, il se détourne avec son précieux colis vers ce bâtiment à la façade lézardée pendant que je crache la première bouffée. Même un rat ne voudrait s'y éterniser mais lorsqu'on a rien pour soi, il parait normal que de vivre parmi les quartiers peu recommandés. Presque arrivé à sa porte, il marque pourtant un temps d'arret avant d'ajouter: « J’sais même pas pourquoi j’prends la peine de te le demander, mais t’aurais pas envie de faire une BA? Pas pour moi, mais pour ces chiots? » Comme je l'ai dit, je ne suis plus en activité pour la fin de la soirée. Ce n'est plus le flic mais l'homme qui erre à présent dans les ruelles mal éclairées à la recherche de son bien laissé de coté. J'ai un véhicule qui m'attend, une femme et un enfant... Alors t'as raison, c'était inutile de te donner cette peine. « M’faudrait d’la nourriture au plus pressant. » Quoi? La cigarette est extirpée lorsqu'il ose se retourner et entre mes doigts se dessine dans son sillage un trait de fumée à hauteur du front. " Y'a écrit SPA? " Les clébards n'ont jamais pu me supporter, aboyant en général sur mon passage et si tel est le cas, c'est parce que je le leur rends bien. Espèce insupportable qui nécessite des soins au quotidien, besoin de sortir trois fois par jours. Ça bouffe, ça pisse, ça chie et ça sent. " Chacun sa merde " Chacun ses problèmes. Il a fait une erreur s'il croyait pouvoir m'arracher ne serait-ce qu'une once de sympathie à leur égard. Alors mes jambes retrouvent de leur vigueur et commençant à marcher, j'imagine déjà Annalynne me sermonner. Parce qu'évidemment, la chose lui sera répétée, voir peut-être déformée et amplifiée, comme les Mather en ont le secret. Je la vois d'ici me reprocher de n'être venu en aide à des orphelins alors que l'arrivée du bébé n'est pas loin. Mes pas ralentissent pour se figer totalement à deux mètres de là et levant la main, je reviens sur mes paroles, agacé de devoir en arriver là. " Pourquoi tu ne les remets pas à quelqu'un de compétant, " autrement dit refourgue-les et n'en parlons plus. C'est une autre façon de faire qui jusque là a fait ses preuves.


@R. Caleb Pecorella
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