FAYE BEAUREGARD ► diego barrueco

« Faye Beauregard, né à Paris le 25 janvier à 14h03, à l'hôpital Victor Hugo. Fils de Béatrice Raimbaud et Ferdinand Beauregard. »

Il s'agit bien de la première ligne inscrite sur mon acte de naissance, celle qui prouve mon existence, celle qui justifie mes origines et mon appartenance, et pourtant...elle est fausse. Je ne suis pas né seul, mais avec deux autres frères, nous étions sûrement des triplets. Seulement ces deux autres entités ne sont jamais venues à la vie. Ils vivent en moi, sans doute dans mon cerveau.

D'aussi loin que je m'en souvienne, j'eus une enfance heureuse. Mes parents n'étaient pas les plus riches du monde, mais ils m'offrirent tout ce dont j'avais besoin, une éducation, un enseignement, de l'amour, de l'affection. Cela pouvait certainement s'expliquer par le fait que je suis leur seul et unique enfant, et de fut de surcroît, fort attendu. Selon ma mère, mes parents eurent du mal à me concevoir, et ce fut seulement après 6 ans d'attentes et tentatives acharnées, que je vint au monde. Les souvenirs que j'ai de mon enfance, me montre une mère omniprésente, toujours à mes cotés et à mon écoute. Les seuls moments de solitudes parentales que j'avais, se trouvaient à l'école. Mon père était alors conducteur de train pour la SNCF, la plus grosse entreprise ferroviaire publique française. Bien qu'il travaillait pour une grosse société, son poste lui était plutôt mince, nous vivions dans un petit appartement, rue saint-martin, quartier populaire de Paris. Ma mère avait une formation de couturière, qu'elle décida d'abandonner, afin de s'occuper de moi. Oui, nous étions une famille typique du 10é arrondissement de Paris, ce genre de famille qui fait ses courses dans le marché du coin, qui dîne en terrasse le samedi, et va à l'église le dimanche matin.
Seulement, tout bascula ce fameux 21 janvier 2005, lorsque je fis cette tentative de suicide.

Ce fut aussi le jour ou Ary, un de mes frères embryonnaire se manifesta. Cela devait faire plusieurs jours que j'avais cette envie d'être seul et allongé, dans ma chambre. Pourquoi ? Car je venais de subir ma première rupture amoureuse. Pourtant, moi Faye, étais conscient qu'il ne s'agissait pas là de grand chose, j'avais échangé avec cette fille juste un baiser, et quelques SMS, ce n'était en fait que l'une de ses micro-relations qui naissent et prennent fin dans la cours de récréation d'un collège. Pourtant, Ary semblait bouleversé, au point ou il parvint à me convaincre de l'être aussi. Selon Ary, elle m'avait trompé, trahit, blessé, et plus rien d'autre ne comptait à présent. J'eus alors envie d'en finir maintenant. Alors que ma mère se trouvait dans le salon, j'ouvris la fenêtre, et me laissai tomber dans le vide.
Par chance, la fenêtre du salon qui se trouvait sur le troisième étage de notre petit immeuble, ne me fut pas fatal. Je n'eus que l'épaule droite, la clavicule, et quelques cotes cassées.
Cependant, ne fut pas cet acte qui troubla le plus mon entourage, mais bien les prochains événements qui arrivèrent.

Il s'agissait cette fois du jour ou Ymir, fit son apparition.  Cinq jour avaient passé depuis mon arrivée à l’hôpital et Ary avait complètement disparut de mon esprit pour me laisser, moi, Faye seul. Je ne cessais de me questionner sur ce qui avait pu arriver, sur le pourquoi du comment de cette réaction exagérée et désespérée, si j'étais fou ou schizophrène, je ne savais plus qui j'étais. J'avais quitté ma phase dépressive, pour laisser place à une phase normale, et réellement consciente. Seulement Ymir, mon deuxième frère en moi, celui toujours déterminé, joyeux et de bonne humeur me fit à son tour sa première apparition. Selon lui, je n'avais pas à me morfondre et attendre le temps passer. Je devins alors contaminé par son état mental et avais soudainement envie de rentrer chez moi.
Une fois la porte ouverte, grâce au double de clef qui se trouvait sous le paillasson, je fus submergé par l'ambiance triste qui s'y dégageait, il faisait froid, sombre, des sensations que Ymir ne connaissait pas, et donc que je ne devais plus connaître. J’eus donc tout de suite envie d'y remédier, mais que pouvais-je faire ? Mon  père devait sans doute être au travail, et ma mère, sûrement à l'église, aucun d'entre eux ne se doutait que je m'étais enfuis incognito de l’hôpital. Que pouvais-je faire ? .... »Ah, je sais ! Je vais leur organiser une fête afin de célébrer mon retour ! » J'étais persuadé qu'il s'agissait là d'une excellente idée, je me dirigeai alors dans ma chambre, et saisis tous les billets enfouis dans ma tirelire et m'enfuis, direction la rue commerçante. J'étais si content, et satisfait de mon idée, que je ne faisais même pas attention aux passants qui me regardais dans la rue. Je me mis alors à dépenser l'intégralité de mes économies en nouveau vêtements, fis aussi un saut chez le traiteur du quartier, afin de commander un bon poulet rôti.
Pendant que j'attendais mon poulet, j’aperçus alors une charmante blonde et,  un simple coup d’œil sur elle, suffit à me convaincre d'aller ensuite chez le coiffeur, afin de me teindre moi aussi dans ce beau blond cendré.
Une fois que tout fut merveilleusement préparé, j'entendis un bruit de clef retentir de la porte, je courrai alors devant-celle-ci, et criai un énorme « SURPRISE ! » à la vue de mes parents. Leur réaction ne fut malheureusement pas celle que j’eus espérer.

Après de longs mois, et plusieurs rendez-vous passés avec docteurs, et psychiatre, je fus rapidement reconnu comme atteint de troubles maniaco-dépressifs. Il s'agissait apparemment d'un sympathique cadeau héréditaire de mon arrière grand-mère maternel. Cela produit l'effet d'un choc chez mes parents, et plus particulièrement chez mon père, qui a dorénavant du mal à me voir. Par la suite, les crises dépressives, et hypomaniques se firent moins présentes, je gagnais en maturité, et parvenais à contrôler Ary et Ymir. Je compris vite que le meilleur moyen de ne pas les laisser se manifester, était de rester concentré sur quelque chose d'important et précis, et ce fut mes études. Même si j'étais considéré comme un fou, un monstre, ou même Satan, par les habitants de mon quartier, je n'en étais pas moins l'élève numéro 1 de l'académie scolaire de Paris tout entière. Cela me permis de passer des concours pour des universités mondiales prestigieuses, dont HEC, Columbia, ou encore Yale. Mon choix, finit par se poser pour Harvard.

Maintenant que mon passé est derrière moi, et situé dans un autre pays, je suis décidé à vivre ma vie comme je l'entends. Bien sûr, tant que Ary et Ymir ne viennent pas me faire chier.