laisse-moi s'il te plait (moana)

L'heure du café. J'avais besoin d'un petit remontant, parce que la journée avait été longue et difficile. Il me tardait de rentrer chez moi, de m'allonger sur mon canapé et de ne plus bouger de la soirée. Mais je devais encore aller faire quelques courses dans le centre, alors un café ne me ferait pas de mal. Je m'arrêtais au Starbucks de l'Université et je prenais un bon café bien chaud pour me réchauffer. Il faisait vraiment pas beau, il fallait quand même le dire. Une fois mon café en main, je décidais de m'asseoir à une table, sortant mon téléphone de ma poche pour répondre à mes quelques sms et regarder les réseaux sociaux. J'étais tranquille et ça me faisait du bien de me reposer un peu avant d'affronter le froid et les gens. Je relevais les yeux, observant les gens rentrant et sortant et mon regard se stoppait sur une petite brune. Oh non, pas elle. Putain. Merde. Je réfléchissais à commencer me cacher, et la seule chose que je trouvais à faire, c'était de baisser la tête sur mon téléphone. J'espérais qu'elle ne me voit pas ou qu'elle ne me reconnaisse pas avec la tête à moitié baissé. Pitié, je voulais pas la voir.

Disons que Moana, si elle n’avait pas un véritable radar pour jouer les emmerdeuses de première, aurait très bien pu passer à côté de Holden sans même le remarquer. Sauf que baisser la tête juste avant qu’elle ne passe, c’était la quasi garantie d’attirer son œil expert et donc de se faire remarquer… un petit sourire narquois étira subitement ses lèvres à cette constatation, et fatalement, elle se dirigea aussitôt vers le jeune homme. Il l’avait assez fuie pour le restant de ses jours, non ? « J’savais pas que les rouges étaient des trouillards ! J'te fais peur ou c'est moi ? » lança-t-elle en croisant ses bras contre sa poitrine, profitant du fait qu’ils soient seuls pour lui parler. Au moins, aucune risque d’attirer l’attention ou la plus petite oreille indiscrète qui n’aurait pas eu sa place dans leur conversation. « Fais pas ton gamin, j’ai juste calmé ta crise, ça va, pas la même de m’en chier un cake ! Tu crois pas que si j’avais voulu t’emmerder avec ça tout le monde s’rait déjà au courant ? Mais nan, c’est pas mon genre de me la péter en diffusant des potins. C’est ta vie, pas la mienne. On te respecte peut-être pas en temps normal mais mets pas tout le monde dans le même panier ! »

S'il y avait bien une personne que je ne voulais pas voir, c'était Moana. Mais voilà, elle m'avait vu, j'étais grillé. Et elle partait dans son monologue alors que je l'observais, levant les yeux au ciel. Est-ce que je devais être le mec hautain ou le mec gentil ? C'était une très bonne question. « Pour commencer, je n'ai pas peur de toi, faut pas rêver. » J'avais pas peur d'elle. J'avais peur de ce qu'elle savait. J'avais peur qu'elle dévoile mon petit secret. Parce que oui, mes crises, c'était mon secret. Je détestais que des gens soient au courant de cela. Je n'aimais pas paraître faible face à des personnes, que je ne connaissais pas en plus de ça. « Sache que l'on me respecte, je ne suis pas du genre à me laisser faire et encore moins à me faire avoir par les gens. Et je n'en sais rien, car je ne te connais pas et je ne fais pas confiance aux gens facilement. Je te remercie de m'avoir aidé, je te félicite même d'avoir réussi car, en général, personne n'y arrive. Alors baisse d'un ton, parle-moi mieux et assis-toi si tu veux que j'arrête de faire le gamin comme tu le dis. » rétorquais-je en soupirant. Il valait mieux que je lui parle, après tout, la fuite avait assez duré et je ne faisais que repousser ce moment qui devrait finir par arriver.

« Ah bah en voilà une nouvelle qu’elle est bonne ! » lâcha-t-elle dans un petit rire. Holden n’était pas effrayé par elle, sincèrement, Moana ne pouvait prendre cela que comme une bonne nouvelle. Et plutôt que d’être offusquée par ses propos suivants, elle se contenta de s’asseoir, sachant que c’était le seul moyen qu’il arrête de faire le gamin et elle de lui courir bêtement après. « Ceci dit j’ai pas insulté ta mère hein » fit-elle valoir d’un ton léger, offrant un grand sourire non pas moqueur mais plutôt adorable. Rien à faire, la sicilienne était impulsive et ne savait pas garder sa langue dans sa poche. Souvent, c’était une qualité. Aujourd’hui, apparemment, son interlocuteur en était vexé. La piquante brunette voulait bien essayer de faire un effort s’il en faisait un, aucun problème. « Pas la peine de me féliciter… j’étais juste contente que t’aille mieux sur le moment, c’est tout. J’pensais pas que ça te poserais problème. A ma décharge, j’suis en médecine, mon envie c’est d’aider les gens, pas de les laisser galérer dans leur coin… tu m’auras fait courir après quand même ! Mais j’te comprends… sur le fait de faire confiance aux gens. Souvent, ça craint du boudin… »

Elle m'arrachait un sourire à ses paroles. Elle avait une façon de parler et de ce comporter exceptionnelle. Elle avait l'air d'en avoir clairement rien à foutre, c'était étrange et intriguant. Je levais les yeux au ciel, mon dieu, elle était quand même légèrement fatiguante aussi la belle brune. « J'ai pas dit ça, mais faut quand même avouer que t'as une grande gueule. » rétorquais-je accompagné d'un clin d'oeil. Sérieux, j'avais l'impression qu'elle se taisait jamais et qu'elle ne lâchait jamais quand elle avait une idée en tête. Autant, ce genre de comportement m'énervait habituellement, autant avec elle, ça restait intriguant. Elle m'intriguait, je devais l'avouer. « Oh, je comprends mieux pourquoi tu as aussi bien réussi alors. Et je n'aime juste pas qu'on soit au courant de cela, si tu veux tout savoir, je n'aime pas que l'on connaisse mes faiblesses. » Clairement, c'était ça. Je détestais ce genre de situations où les gens étaient au courant de ça. Mais bon, il fallait avouer qu'elle m'avait aidé, alors je n'allais pas trop râler non plus. « Ca craint ouais, mais du coup, j'aimerais passer un deal avec toi. » avouais-je en relevant mes yeux vers elle, un petit sourire aux lèvres. Elle n'avait pas l'air méchante, mais je préférais assurer mes arrières. On m'avait toujours appris à faire ça et pour l'instant, j'étais loin, mais très loin, d'avoir confiance en elle.

Rien qu’à voir le sourire de Holden, la jolie sicilienne partait du principe que l’avoir forcé à lui parler n’était pas à regretter. « J’avoue… j’suis une italienne, j’ai ça dans le sang ! » admit-elle dans une petite moue, lui offrant un grand sourire sincère à son clin d’œil. L’atmosphère se détendait progressivement, et Moana se détendait également, le laissant s’exprimer, sans le faire en retour ou chercher à l’interrompre. Ce n’était pas la peine de le braquer, pas maintenant qu’elle parvenait enfin à avoir une discussion calme et constructive en sa compagnie. « Ouais j’comprends, et crois-moi j’ai jamais pensé que c’était une faiblesse chez toi ! C’est… juste comme ça. Mais bon je suis pas à ta place, je peux pas dire que je comprends. Mais j’peux peut-être t’aider ? » proposa-t-elle en toute sincérité, la piquante brunette n’étant pas du genre à aller cafter le problème de quelqu’un qu’elle connaissait à peine. Et mieux encore, vouloir l’aider venait du cœur, tout simplement. Il était en peine, et si elle avait réussi à le soulager une fois, sûrement pourrait-elle recommencer… s’il la laissait faire bien entendu. « Un deal ? J’t’écoute. Je suppose que ça a à voir avec le fait que tu m’fais pas confiance ? »

Une italienne, tiens donc. Certaines choses s'expliquaient directement, il fallait l'avouer. « Je comprends mieux ton caractère maintenant, je te pardonne du coup. » plaisantais-je en la regardant s'asseoir en face de moi. Il fallait lui parler maintenant et arrêter de fuir. Surtout que je n'étais pas comme ça normalement, je n'étais pas du genre à fuir les gens. Pourtant, je l'avais fait avec elle. Parce qu'elle savait mon secret et que j'avais vraiment flipper sur le coup. Je ne pouvais pas m'empêcher de sourire légèrement à ses paroles, bien content qu'elle ne pense pas que ce soit une faiblesse. Même si j'en étais convaincu, il fallait dire qu'entendre l'inverse de la bouche d'une presque inconnue faisait quand même du bien. « Je ne pense pas qu'on puisse m'aider, la raison étant trop profonde. Cela fait déjà 8 ans que ça dur, je le garderais sûrement à vie. » Je m'étais fait une raison. Après la mort de Hope, je n'arrivais pas à redevenir le même, je n'arrivais pas à retirer ses crises d'angoisses de mon quotidien. Même si j'essayais, ça revenait par période, pour mon plus grand malheur. Mais le mieux, c'était maintenant de passer un deal avec elle. Je ne la connaissais pas, je ne savais pas comment elle fonctionnait et je n'avais pas confiance pour l'instant. « Evidemment que c'est en rapport avec ça. » répondais-je avant de reprendre la parole, relevant les yeux vers elle. « J'arrête de te fuir officiellement, j'accepte de te parler, en échange, tu ne dis rien à personne sur ça et j'accepte qu'on passe du temps ensemble. » Okay, personne n'a dit qu'elle voulait passer du temps avec moi et j'étais clairement pas doué avec les filles. Mais elle était plutôt jolie, voir vraiment canon. Et moi.. J'me disais qu'à me suivre comme elle l'avait fait, c'était peut-être qu'elle voulait apprendre à me connaître. Ou peut-être pas.

Bien loin d’être vexée par son commentaire - il en fallait définitivement beaucoup plus pour cela - Moana laissa échapper un petit rire amusé. « Aaaah tu vois que ça explique direct ! » reprit-elle d’une voix douce, foncièrement apaisée qu’il lui ait pardonné. Après tout, il n’y avait strictement rien de méchant derrière, bien au contraire, la sicilienne avait du mal à s’exprimer normalement. Elle n’agissait pas comme le commun des mortels et quelque part, cela faisait aussi partie de son charme. Ceci étant, le problème du jeune homme n’était pas plus commun et d’un autre côté, difficile pour une future toubib de ne pas vouloir l’aider. « Huit ans… si ça peut pas se régler, quand tu fais une crise si j’suis pas loin j’peux peut-être te filer un coup de main ? » proposa-t-elle, ne partant surtout pas du principe qu’elle avait la science infuse, ni la capacité de le guérir. Ce n’était pas dans ses cordes mais en revanche, l’apaiser l’était. Encore une fois, Moana ne fut aucunement vexée de l’entendre dire qu’il n’avait pas confiance en elle, car c’était d’une logique implacable : ils ne se connaissaient pas. Elle l’écouta s’exprimer sur ses conditions, nettement plus sérieuse d’un coup, avant d’avoir pour réaction de lui tendre la main. « Adjugé vendu chef ! » reprit-il dans un sourire qui illumina aussitôt son visage. « Je serai une tombe, tu as ma parole. Et si jamais un jour je viens à la rompre, ce qui n’arrivera pas, t’auras le droit de me botter le cul ! Comme ça, t’es rassuré. On repart sur de bonnes bases alors ? »