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C’était un phénomène de mode. Donner de son temps, de son argent, redorer son image… Alors oui, comme ça, de prime abord, je n’arrivais pas à saisir la générosité qui caractérisait les quincys comme étant autre chose que comme une simple adhésion à cette mode. C’était comme être bio. Etre écolo et en plus être bénévole dans une asso, c’était bien vu. D’ailleurs c’était pas pour rien, selon moi, qu’on disait –se montrer- généreux. Y’avait bien quelque chose dans le fait de s’exhiber, de faire un sur étalage de ses bonnes actions. Je la voyais même pas, ou alors si je la voyais mais je ne savais pas la comprendre, cette lueur particulière dans les yeux de mon interlocutrice. Cet éclat qui aurait du me faire réaliser qu’il y avait plus là dessous que le simple paraître, que cette bonté était ancrée en elle… Je pensais donc naïvement marquer des points avec ce grand jeu… Cela dit, je sentis que de jouer juste les snobinards et d’étaler mon pouvoir, ma richesse et mes facilités dans la vie, cela ne suffirait pas avec Feryel. Dans un accès d’honnêteté, je laissais donc un peu tomber le masque pour raconter l’anecdote du métro… Forcément, m’imaginer, moi, en luxueux costard, dans les rames du métro à une heure avancée de la nuit, c’était risible. C’était suicidaire aussi. Ce qu’elle me fit remarquer après avoir ri de ma mésaventure. « Excuse moi, j’allais pas non plus y descendre nu, ça ne serait pas les sdf qui me seraient tombés dessus mais les forces de l’ordre… » objectai-je alors, avant de l’entendre, sans surprise, me faire un petit rappel de la situation de ses pauvres gens. « C’est le moment où tu vas me faire signer une close où les eliots s’engagent pour la distribution de repas ou quelque chose du genre ? » demandai-je alors avec un petit sourire au coin des lèvres, malgré le sujet sérieux. Et pour ce qui était des microbes, ceux qui devaient ornés les sièges et barres du wagon, et dont la simple pensée m’avait rendu malade, elle semblait assurée qu’ils étaient inoffensifs, que ça endurcirait mon système immunitaire, s’amusant doucement de ma phobie. « Bien sûr que j’ai joué dehors. » Dans un jardin anglais, clôturé et aseptisé. « Je suis pas sûr que ça m’ait suffisamment préparé au métro américain tu vois… » soufflai-je lucide avant de relativiser : « Mais comme tu peux le voir, je m’en suis sorti vivant et en pleine forme finalement. » Juste vacciné à jamais à l’idée de remprunter un tel moyen de transport. Lorsque je plaisantais ensuite, sur le sort que je rêvais qu’elle, elle fasse subir à mon costard, elle me souffla qu’elle ne le ferait pas avant le dîner. « Ce qui veut dire que tu peux envisager de le faire après ? » Cole qui ne marche pas, qui court… Sautant sur le moindre petit signe qui pouvait me faire espérer qu’elle morde un peu à l’hameçon, le moindre petit geste, la moindre parole pouvant me faire envisager une alliance plus profonde et poussée que simplement celle de nos confréries… L’alliance sur laquelle on revint quand même, but ou plutôt prétexte de ce rendez vous à la base. Feryel m’expliqua ses motivations, et mon œil se fit intéressé. Déjà un peu charmé avant, là, son éloquence, son ambition, son assurance, cela ne fit que me captiver un peu plus, et je conclus donc sur un double sens. « Ca ne fait que renforcer ce que je pressentais déjà. » Mon visage s’approcha un peu du sien, mes prunelles plantées dans les siennes alors que je prononçais ensuite ces mots : « Je te veux Feryel. » Et il y avait dans cette déclaration je le savais, encore de lourds sous entendus, c’est pourquoi mes lèvres s’étirèrent en un sourire amusé pour préciser : « Et je veux cette alliance. » Comme si ma première phrase n’avait fait référence qu’à ça, qu’au lien que nous étions doucement en train de tisser entre Eliot et Quincy. C’est à ce moment que la limousine ralentit, que la devanture du restaurant chic se dessina devant nous. « On est arrivés. » soufflai-je en m’écartant, quittant le véhicule avant de lui tenir la portière d’une main et de lui rendre l’autre galamment pour l’aider à sortir.(Invité)