Beldingham || Friends one day friends always

La plus belle chambre de la confrérie, c’était la mienne. Puis désormais c’était mon seul chez moi. J’avais été propriétaire, à peine un mois d’un luxueux duplex avec vue sur celui d’Hippo s’il vous plait, mais j’avais du le vendre. Pas de soucis d’argent, non, n’ayez crainte, juste que cet appartement, je l’avais acquis pour y vivre avec Kyla. Les lieux étaient tout emprunt d’elle, de son parfum, de sa présence, bien trop pour que je m’y épanouisse à présent que je savais ce qu’elle avait fait, quel genre de personne elle avait fréquenté par le passé… Je ne voulais pas y penser, à ce vide qu’elle avait laissé, à ce sentiment de trahison qui m’envahissait quand je repensais à ce secret qu’elle avait jalousement gardé pour elle ces derniers mois. Me la sortir de la tête et vite. Même à Abé j’avais refusé d’en parler. D’ailleurs, ce bougre avec ses remontrances à l’égard de Tate par texto la veille, il m’avait donné une idée. J’allais revoir plancher là dessus, pour le bien de notre confrérie mais je n’eus pas le temps de m’y attarder car on frappait à ma porte. Je me levai, quittant mon bureau pour ouvrir et découvrir justement mon meilleur ami. En costard, la mine un peu défaite, les yeux un peu vitreux, surement des effets secondaires des restes de morphine qui devaient encore circulés en lui, je ne fis pas attention à tous ces détails parce qu’un large sourire étira aussitôt mes lèvres. « C’est le moment où je suis censé te serrer dans mes bras là non ? » rigolai-je avant de me pousser de l’encadrure pour le laisser passer. « Je vais utiliser les séquelles de tes blessures pour éviter de m’adonner à ce genre de câlin. » Laissons ses habitudes tendancieuses aux winthrops. « Tu t’es échappé de l’hôpital ? T’as sauté avec la petite infirmière aux jolies fesses pour qu’elle te fasse une permission de sortie ? Ou bien ça y est, t’es officiellement sur pied ? » questionnai-je avant de lui désigner l’un de fauteuil de la pièce. « Assieds toi, je voudrais pas que tu fasses un malaise ici. » J’étais ravi de voir mon meilleur pote sur ses deux jambes, mais je m’inquiétais quand même. Connaissant le caractère bien trempé du belge, il aurait été capable de rendre dingue les soignants pour obtenir l’autorisation de sortir, même si il n’était pas pleinement guéri. « J’allais venir te voir tout à l’heure dans ta chambre pour t’offrir un petit cadeau, mais je vais te le donner là, c’est encore mieux. » Je me dirigeai vers l’étagère, saisis un paquet et le remis dans les mains de mon grand blessé. « Cadeau. Pour t’occuper pendant tes un mois sans sport. » soufflai-je, souriant d’avance en imaginant la tête qu’il ferait quand il découvrirait la poupée gonflable que renfermait mon cadeau.  

Devait y avoir un truc ? Un Karma qui s’acharnait sur nous ? Parce que nos vies, bien qu’Abé soit prince et que pour ma part je vienne d’une noble et richissime famille anglaise, on n’avait quand même nos lots de bad. Cette année scolaire par exemple, elle commençait mal pour chacun de nous. Je m’en voulais terriblement pour le mariage de ma mère, pour la tournure qu’avait pris les choses, le danger qu’avait encouru mes amis, et mon intervention qui n’avait fait qu’empirer la situation… J’étais content de savoir que mon meilleur ami était sorti. Même si c’était contre avis médical, même si il avait du faire péter un câble à toute l’équipe de soignant jusqu’à ce qu’ils acceptent de lui faire signer une décharge, il était là, il était devant moi et c’était tout ce qui comptait. Je lui ouvrais donc la porte, résistant à l’envie de lui faire un big hug, parce qu’il sortait quand même d’hospit, je voulais éviter de le l’y renvoyer. Et puis j’étais pas fan de ce genre d’effusion affective. Mais puisqu’il me donnait deux minutes pour le faire, j’optais pour une accolade plus soft, comptant d’ailleurs le décompte à la fin, à haute voix : « Cinq. Quatre. Trois. Deux. Un. » Je le relâchai, m’écartant en confiant avec amusement : « Merci Abe c’était les deux minutes les plus intenses de ma vie. » On était amis certes, mais fallait quand même une grand occas’ genre se faire tirer dessus et survivre, pour qu’on se tienne ainsi dans les bras. On n’était pas à la winthrop ici, un peu de vraie virilité s’il vous plait. Je me poussai de l’entrée le laissant entrer, faisant d’ailleurs glisser un fauteuil pour qu’il s’y installe, mon grand blessé et qu’il soit bien installé pour la suite de nos retrouvailles. « Je vais bien. J’ai eu une petite coupure au front lors de la fusillade, j’espère que je vais pas avoir de cicatrice. » me plaignis-je avec une certaine ironie, reprenant plus sérieusement : « Je suis désolé pour tout ce bordel. Si j’avais su que ça allait tourner ainsi, j’vous aurais pas invité, toi et toute la bande. Vous auriez été plus en sécurité à la Eliot en fait. » Ouais ouais, on allait y croire quelques semaines que la Eliot était un château imprenable ? On en reparlera lors de la soirée barbec eliot grillés. Je savais qu’avec son raconte moi tout, il se référait à ma rupture avec Kyla. J’avais vaguement évoqué la chose par sms. C’était que ça me retournait le bide d’en parler, d’y penser. Je ne voulais pas laisser entrevoir cette facette là de moi à Abe, surtout qu’il sortait de l’hôpital, il avait besoin de son BF enjoué, pas d’une loque dépressive. « Ecoute, t’en fais pas pour moi. Je suis déjà remonté en selle, tout va bien. » En gros j’en ken d’autres, pleins d’autres, alors pas d’inquiétude. Bon j’avais même failli faire des avances à Aria avec tout ça, heureusement qu’Abé m’avait dit qu’elle était enceinte parce que ça aurait été très étrange sinon… Et un joyeux bordel. Je conclu quand même la question avec ces mots : « La moralité de l’histoire ça reste quand même qu’il ne faut JAMAIS tomber amoureux. » soufflai-je, tel un grand sage. Cole Wildingham, deux mois et demi de couple, devenu expert en relation sentimentale, pour vous servir.  J’interrogeai ensuite le garçon sur ses aventures hospitalières, rigola quand il parla de la jolie mais incompétente infirmière. « T’es sûre que c’était une vraie soignante. Si ça se trouve c’était juste une actrice qui s’était échappée d’un tournage de porno. » En attendant, il était toujours debout ce bougre, alors je lui demandai de s’assoir, et même si ça l’embête que je joue ainsi les mamans Cole, il finit par obtempérer et se poser sur le siège. Puis une fois assis, je lui ramenai mon paquet cadeau : une grosse connerie, une poupée gonflable, petite taquinerie quant à l’abstinence prescrite par les doc. « C’est pour pas que tu perdes la main… » me marrai-je en voyant sa tête décomposée. Des types comme Abé et moi, on avait jamais eu besoin de ce genre d’objet douteux. On sortait, on faisait deux trois sourires et on avait toutes les filles du bar à nos pieds. « Je trouve qu’elle a une tête à s’appeler Tracy, tu trouves pas ? » commentai-je en observant la photo de la fameuse poupée sur le carton. Quand mon interlocuteur se demanda où il allait la ranger, je lui suggérai en riant : « Met la dans la chambre de ton frangin. » Imaginer la tête d’Hadès, ça aussi ça me faisait bien marrer.

Faut mieux ricaner comme deux gus plutôt que de trop se morfondre. Après la fusillade, avec le coma de Noah, on était surement tous les deux bien plus moroses que ce qu’on laissait voir. Mais la vérité, c’était que qui que soient ces tarés de ruskovs qui nous avaient attaqués aux noces, ils ne nous avaient pas eu. Ils ne nous auraient jamais. Abe et moi, plus forts que le reste du monde. Je savais que mon meilleur ami avait déjà morflé avec son petit frère disparu, alors je me devais de le divertir. C’était pour cela aussi que j’étais son meilleur pote. Pour faire le pitre, le faire rire, lui changer les idées, même quand il venait de sortir d’hospit comme aujourd’hui. Le seul point positif de cette année c’était ça : nos retrouvailles. On était désormais réunis, sur le même campus, dans la même confrérie. Et la Eliot avec mes belges préférés dans ses rangs, elle allait être plus puissante que jamais. On discutait donc, même si y’avait un sujet que je tentais d’esquiver. Je n’avais pas envie d’aborder ma rupture. Trop frais, trop douloureux… Je voulais pas que mon ami découvre cette facette vulnérable de moi, je préférais faire le clown pour lui changer les idées, en me plaignant de mon bobo au visage ce qui ne manqua pas de le faire aussitôt se foutre de moi. « Je ne tenterais pas le look guerrier avec balafre sur le visage, donc j’ai préféré faire appel à un doc compétent pour soigner ça. » commentai-je avant de demander : « Et toi tu vas avoir des séquelles ? » Des marques, des cicatrices ? Je soufflai quand même des excuses, pour le bazar de ce mariage, celui de ma mère et son russe là, je m’en voulais terriblement, encore plus en sachant Noah entre la vie et la mort. Ca me rongeait bien plus que ce que je voulais bien admettre. Je rigolai quand Abe évoquait sa voyante. « Demande lui dans combien de temps Noah sortira de sa léthargie, qu’on vous organise à tous une bonne fiesta post hospit. » La petite bande enfin réunie ailleurs qu’entre les quatre murs d’un hôpital. J’avais hâte. Je savais pas encore que ce n’était pas prêt d’arriver, que les couilles allaient s’enchainer encore et encore. Peut être qu’Irma allait le prédire à mon ami, en attendant, insouciants pour l’heure, on ne se doutait pas de tout le bordel qui nous attendait. Ton plus léger pour évoquer nos vies sentimentales, et Abe remit alors sur le tapis son aventure avec une garce qui avait été raconter des foutaises sur leur liaison aux journaux à scandales. « Oui, faut faire vachement gaffe. Surtout que tu t’en rendras vite compte, mais ici, sur le campus, y’a pas besoin de Voici, gala ou autre presse à scandales. Les rumeurs circulent plus vite que les courants d’air. » CS semblait out pour le moment, mais ça n’empêchait pas les cancans de circuler. Et quand on s’appelait de Belgique, c’était encore pire. J’allais tout faire pour préserver la réputation et le nom de mon acolyte préféré. Il me fit exploser de rire avec son aventure hospitalière et la répartie qu’il avait réservé à la petite soignante sexy mais apparemment bien incompétente. « Ca se trouve elle avait trop craqué sur toi et elle était complètement déconcentrée par ta présence et incapable de réussir sa prise de sang… » pouffai-je en battant des cils.  Allez, c’était le moment d’offrir à mon ami son cadeau, son petit lot de consolation face à cette longue période d’abstinence qui l’attendait. Je me marrai d’avance en lui tendant le paquet. Il découvrit stupéfait la poupée plastique qui s’y trouvait et finit par en rire. La poupée gonflable. L’accessoire des puceaux fauchés en mal d’amour. Autrement dit un truc qu’on avait jamais eu le besoin d’utiliser l’un comme l’autre. Mais puisque les docteurs avaient interdit les folies à Abelard, Tracy allait lui tenir compagnie. Il approuva le prénom que je venais d’attribuer à notre nouvelle copine, et il suggéra ensuite Brandy. « Ha oui, Brandy c’est pas mal aussi… Bah écoute, on laissera Hades choisir le prénom qui l’exite le plus. » Parce que oui, c’était décidé, Abe allait la gonfler et allait la foutre dans la chambre de son jumeau. « Je veux être là quand il la trouvera sous les draps ! » rigolai-je en imaginant d’ici sa tête. Je me levai ensuite, saisis ma meilleure bouteille, un whisky importé d’Ecosse et vieilli en fût s’il vous plait, et je servis un petit verre à Abe, ainsi qu’un verre pour moi. « Je t’en mets pas trop, je suis pas sûr que l’actrice porno qui te sert d’infirmière approuverait que tu boives ça. » expliquai-je en lui tendant sa boisson. Je ne voulais pas qu’il soit malade, je prenais soin de lui, si c’était pas mignon ça… Mais je pouvais rien le refuser donc je lui avais quand même mis une petite dose, pour le principe. Puis je levai mon verre avant de trinquer avec lui. « A ta sortie de l’hôpital ! Et puis à ton entrée officielle à la Eliot House ! » Parce qu’on avait même pas pris le temps de célébrer ça avec tous les évènements qui avaient secoué notre rentrée.