LILO K. DIXON ► mirei kiritani

« On l’appellera Lilo ! » qu’ils avaient dit. Alors que j’étais encore dans le ventre de ma mère nipponne. Probablement parce qu’ils vivaient depuis des mois à Hawaï. Peut-être aussi parce qu’ils s’étaient rencontrés ici. Toujours est-il que j’étais Lilo. Lilo Kira Dixon, petite métisse avant l’heure, déjà bonheur de mes parents. C’est à la fin de l’été 1996 que mon premier cri se fit entendre dans l’hôpital. Un ravissant nourrisson de presque trois kilos. Selon mon père, j’étais un bébé si joli, que toutes les infirmières s’étaient bousculées pour venir me voir. Déjà populaire avant l’heure, il faut croire.

La vie à Hawaï, c’était super cool. J’ai été élevé comme une véritable petite Hawaïenne, avec des traditions bien particulières. Même si j’adore vivre à Boston aujourd’hui, le changement a été difficile pour moi. Sur cette ile du pacifique, la vie ne ressemble à aucune autre. Les gens sont tellement moins stressés, tellement plus cools ! Le surf, la danse et la musique… chaque jour est une fête que l’on veut célébrer avec joie. J’adorais courir sur le sable brulant des plages, observer le monde sous-marins… J’ai même eu la chance de nager plusieurs fois avec des dauphins. J’étais en quelque sorte, une petite sauvageonne. Et j’étais heureuse comme ça. Et... à l'époque, j'étais à mille lieux d'imaginer que cela changerait.

« Écoutes Lilo, ton père a des obligations à cause du travail. Il doit retourner vivre à Boston, et nous rentrons avec lui ! »  C’est ce que ma mère avait expliqué d’une voix tristement en colère, tandis que je secouais vivement la tête de gauche à droite avant de m’enfuir dans ma chambre. On devait partir… on devait partir d’Hawaï, probablement pour toujours. Mon père était à la base originaire de Boston. Et… il était aussi l’héritier d’une riche entreprise spécialisée dans l’énergie solaire. Mon grand père ayant décidé qu’il était temps pour lui de prendre sa retraite, il fallait que quelqu’un récupère le flambeau rapidement. C’est donc à contre cœur que nous avons déménagé.

Fort heureusement, avec le temps et l’habitude, Boston m’ait apparu comme une ville dynamique et fun au possible. Malgré cette difficile période qu’est l’adolescence, j’ai réussi à attirer la sympathie de nombreux camarades de collège puis de lycée. Cette popularité grandissante m’a permis de me plaire ici et de gouter au monde de la grande ville, la vraie. Devenant de plus en plus jolie avec le temps, une sorte d’assurance est apparue en moi. Certes, la petite sauvageonne que j’avais été restait toujours en moi et pleurait parfois les arbres, le pacifique, les dauphins d’Hawaï… Mais à coté de ça, la nouvelle Lilo, vraie petite citadine en herbe, se sentait comme un petit poisson dans l’eau.

Bien plus qu’une passion. Une véritable part de moi. Cela a commencé peu de temps après notre retour à Boston. Et cet amour pour la photo, je le dois à la personne qui m’a bêtement obligé à rentrer ici avec mes parents : mon grand père. Quel étrange paradoxe… Mais toujours est-il qu’il a su viser juste. Dès mon arrivée ici, il a su voir en moi un intérêt pour les arts. Il est vrai qu’il n’était pas rare de me voir bouquiner des livres de peintures, de sculptures ou même d’architecture. Léonard de Vinci, Pablo Picasso, Gustave Eiffel… ces gens me fascinaient de part leurs talents et leurs prestances. C’étaient de véritables génies pour moi. Et mon grand père a vite compris que s’il le voulait, il saurait me rendre véritablement accro à une toute autre forme d’art. C’est ainsi qu’un beau jour, il est venu à moi, avec un livre s’intitulant « Les plus belles photographies du monde ».

A l’instant où mes yeux se sont posés sur ce bouquin, une chose bizarre en moi s’est déclenchée. Je n’avais jamais été vraiment émue par quoi que ce soit avant, je ne pensais pas manquer quelque chose. Mais finalement, lorsque j’ai vu les merveilles qu’un simple appareil photo était capable de faire, j’ai compris que j’aurais envie de faire la même chose. C’est ainsi que du haut de mes onze années, haute comme trois pommes, j’ai commencé à m’exercer à la photographie. Et depuis neuf ans, je n’ai jamais cessé. Ce monde est à moi, je vis dedans, à travers de nombreux clichés, tristes ou joyeux, réalistes, beaux ou laids. Je montre le monde tel que je le vois, à travers mes yeux.

J’ai toujours été bonne élève. Ou plutôt : excellente élève. Entre ça et les comptes en banque plus qu’aisés de ma famille, il n’a pas été difficile pour moi d’entrer à Harvard. Oh bien sur, attendre la lettre d’admission avait été stressant, énervant même. Mais lorsqu’elle arriva enfin, j’ai eu l’impression d’être dans la peau d'Harry Potter. Je recevais ma lettre d’admission à Poudlard; c’était quasiment la même chose !

Le choix de mon cursus avait laissé mes professeurs de lycée perplexes : L’histoire de l’Art. Et Musique en étude mineure. Pour eux, j’étais un véritable petit génie des chiffres et des sciences. Ils pensaient très certainement que j’irais dans une section se rapprochant de cela. Sauf que moi, Lilo Dixon, je pouvais parfois être plus que surprenante. Et c’est donc toute fière de mes convictions et avec toupet que je les laissais me regarder aller en Art, dans la plus grande université du monde.

Je n’ai eu aucun mal à me faire des amis rapidement à Harvard. Et des ennemis aussi, accessoirement. Populaire mais loin d’être vaniteuse ou superficielle, j’ai réussi à attirer la sympathie de beaucoup de monde de par ma gueule d’ange et mon humour. Je ne suis pas vue comme l’asiatique ringarde qu’on aimerait appeler « ching chong » pour rire. Non, je suis vue comme Lilo : une fille bien intégrée, fière de son métissage, américaine avant tout. Une fille mignonne et talentueuse, ayant la langue bien pendue et n’ayant pas peur de se confronter avec celui ou celle qui lui manquera de respect.

Pour ce qui de Harvard, ma vie n’aurait jamais été la même sans cet endroit. J’aime cette université et j’ai conscience de la chance que j’ai.

Hahaha. C'est une bonne question. Mon rêve serait de devenir une photographe reconnue et de travailler aussi bien dans la mode que dans les endroits perdus et naturels au possible. Ou sinon, travailler dans un musé ou des archives artistiques. Nous verrons bien l'avenir me réserve. En attendant, ne me perdez pas de vue !