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Ce n'est pas la fin du monde. Voilà ce que je n'arrête pas de me dire, je me répète en boucle, comme un refrain, une rengaine, une phrase qui tend à me convaincre. Deux jours sans lui, ce n'est pas comme si j'étais incapable de survivre, comme si on ne l'avait jamais fait, mais il est vrai qu'au jour d'aujourd'hui c'est quelque chose qui me fout le bourdon, qui de m'énerver, en a forcément le don. Enceinte de sept mois, lui ayant pris une balle dans le bras il y a quelques semaines à peine. L'addition n'est pas très compliquée, j'ai les hormones qui pètent les plombs. Et bien que je n'ai pas très bien comprit les raisons de son départ, le voyant comme l'un de ces agents exemplaires, lieutenant de surcroît, j'ai joué les compréhensive, les compagnes qui ne se plaignent pas vraiment. Évidemment, j'ai râlé, parce que sinon, ça n'aurait pas été moi, parce que évidée de sa présence durant ce laps de temps, me paraît comme géant. Je rumine donc à l'appartement, partagée entres la violence de mes sentiments. Contraires et s'assemblant parfaitement. Perdue entre l'envie de l'appeler, de lui dire de rentrer, de lui rejouer le couplet de la femme enceinte esseulée, et bientôt si je continue, alitée. Je préfère attraper mes clefs de voiture, et foncer à l'extérieur de cet appartement que sans lui je hais.
Et durant le trajet je râle au sujet de ma dépendance. Ne sachant parfaitement pas où aller, moi et mon gros bidon qui m'empêche même de bosser. C'est simple, tout le monde s'attend à ce que je pense ces deux derniers mois à couver chez moi. Mes seules sorties se résumant aux examens que me prodiguent l'hôpital. En somme, tout à fait génial. Et quand le soleil tape sur mon regard, l'éblouit, je tourne derechef en direction de la plage qui me paraît à présent évidente. C'est avec fureur que je ferme ma portière au moment de mon arrivée. Bagnole dégueulasse qui ne vaut pas un clou et que mon père dans son incommensurable – ironique, évidemment – bonté a bien voulu me laisser. Je la hais, cette voiture. Je la déteste ma situation. Je n'en peux plus, de n'être que cette chose ronde comme un ballon. Arrivant dans le sable, je réalise que je n'ai ni serviette, ni rien, pour profiter de mon pauvre été indien. Alors me laissant tomber par terre, je crache dépitée. « Putain. »
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