Ezéchiel Duroy ► Julien Sznejderman

-Bonjour Ezéchiel
Hanna Santini, représentante de Harvard en mission spéciale. Brune aux yeux verts, un peu ronde, mais class en tailleur jupe, bleu, et les cheveux lâché.
-Bonjour Docteur
Il lui avait répondu sans bouger, le visage inexpressif, une main se débattant distraitement avec un fil échappé à l’accoudoir de son fauteuil.
-Comment te sens tu ce matin ?
La jeune femme était assise sur une chaise, tenant ses papiers dans les mains, gardant les yeux fixés sur le brun qui lui faisait face
-Je vais bien
Était sa réponse.
Comme d’habitude pas de plus ni de moins, pas de fioriture, pas d’artifices. Jamais une information plus que celles demandés.
-Bien ? Etrange comme choix de mot. N’est tu pas plus content de pouvoir sortir d’ici ? Que ressent tu la tout de suite ?
Ce qu’il ressentait là tout de suite, ce n’était pas le bonheur qu’elle attendait de lui. Il était juste vaguement frustré parce qu’il n’arrivait pas à couper ce fil insignifiant, qui aussi court et fragile fut il, lui filait entre les doigts à chaque fois.

Il devait cependant répondre.
Non pas à cause des conséquences d’une mauvaise entrevue. Il savait que s’il ratait celle la, il devras attendre beaucoup avant d’avoir une autre chance.
Non. S’il avait autant besoin de répondre, c’était à cause de ce sentiment d’incomplet.
Pour lui, les questions avaient besoin de réponses, les rencontres commençaient avec un bonjour, finissaient avec un au revoir, ou d’autres variantes de ces mots. Il fallait ouvrir et fermer, finir, répondre.
Aussi loin que ses souvenirs remontent, il avait toujours été ainsi.

-Oui je le suis. Content.
Ce mot il ne le comprenait pas, mais il avait apprit à l’utiliser au bon moment. Après son accident, les sentiments étaient pour lui des termes dont il comprenait la signification en les lisant dans le dictionnaire.
-Bien,  j’imagine que tu connais la raison de ma venue aujourd’hui…
Elle ne sembla pas le croire, les sourcils légèrement froncé, et la voix perdant de son entrain.
Ezéchiel avait appris à interpréter les réactions des psychiatre dés l’âge de 14 ans.  
-…Nous allons parler de ton application pour le post à Harvard, mais avant tout ! Comment t’es venue l’idée de postuler pour cette position ?
Je n’avais même pas eu le choix eut il envie de répondre.
Il l’aurait fait, dans d’autres circonstances, n'étant pas homme à mâcher ses mots.
Aujourd’hui cependant, il devait faire un peut plus attention. Vu que s’il foirait cette conversation il allait rester ici jusqu'à la fin de ses jours.
Il n’avait pas choisit, certes, mais il n’avait pas été contre l’idée quand on la lui avait proposé : « Harvard, université prestigieuse propose un système de réinsertion sociale, et ton profile correspondra peut être »
Cela avait été long et dur mais au final, il avait reçu un avis de pré-embauche. Il allait signer le contrat après avoir passé son entretient avec la psychiatre de Harvard. Encore une. Celle ci devant lui.

-Mon frère me l’a proposé et j’ai accepté.
La jeune femme sembla analyser ses mots, les yeux plissé, puis se mit à écrire sur ses notes. C’était rarement un bon signe, aussi Ezéchiel crut bon d’ajouter la phrase qu’il avait préparée à l’avance :
-Je pense que cette opportunité sera bénéfique pour moi et pour l’université. Je crois pouvoir apporter beaucoup de plus.
Cette phrase faisait partie de son email de postulation.
-Je vois ça.
Elle avait terminé d’écrire et avait reporté son attention sur ce qu’il devina être son dossier.
-De ce que je lis, ton score au test est l’un des plus haut, tu as fait du presque parfait.
« Les questions étaient du niveau d’un collégien, et je ne suis pas bête » pensa t il. Se débattant avec le fil de l’accoudoir.
-Tu as été très actif pendant vos 3 années au centre,
Continua t elle a lister.
-…Tu as eu des poste à responsabilités…  
« Oui j’ai eu la responsabilité de la télécommande. » pensait il, encore.
Il exagérait bien sure, aigri qu’il était par le traitement dont il était sujet : On le prenait pour un être fragile, on le traitait donc comme un gamin. Alors qu’il avait 21 ans, et qu’il avait toute l’énergie d’un jeune adulte de son âge…  La seule chose qu’il lui permettait de ne pas mourir d’ennuie, c’était la photographie. Une passion qu’il s’était découvert en se rendant compte que les gens qu’il capturait avec son objectif, devenaient aussi figé que lui… avec un peu plus d’âme, et d’expressions.
-… Ton Hobby, la photographie t’a valu un prix de ton psychiatre traitant…
Sans cadre le prix. Au cas ou il penserait à se refaire du mal avec.
-…et tu as trouvé le temps pour continuer tes études et  avoir ton bac ici. J’en suis impressionné…
S’il l’avait fait ce n’était pas pour le diplôme en lui même. C’était l’opportunité pour lui de sortir un peu de l’établissement pour les révisions, et l’épreuve en elle même. Ils lui avaient même permis d’aller à une fête familiale préparée spécialement pour lui.

La dernière réplique n’étais pas une question, cependant il eut l’impression qu’elle attendait un retour de lui. Relevant les yeux de l’accoudoir, il se rendit compte qu’elle le regardait et était légèrement penché sur lui.
-… Merci ( ?) dit il, incertain.
Elle griffona dans ses notes, et il l’oublia carrément jusqu'à ce qu’elle continue, comme si elle n’avait pas été interrompue.
-Un Bac L comme ton frère. Il semble très important dans ta vie.  
Aussi important qu’un frère ex-militaire, ambitieux, peut l’être. Ils ne se voyaient que rarement, mais les rares fois qu’ils se voyait ça se passait bien, et puis Alexis lui avait décroché l’entretien à Harvard, puisque lui même y étudiait.
-Oui  
Question = réponse. La jeune femme enchaina.
- Parlons de ta famille Ezéchiel, raconte moi ton enfance  
- Nous avons vécu à Paris, puis Lyon, pour finir à Strasbourg.
Que fallait il dire de plus ?
-Je vois que vous avez voyagé dans beaucoup plus d’endroit que ceux que tu as cité.
-6 à 8 mois ça  ne compte pas
Le boulanger du quartier ne se rappelle même pas de votre nom.
-Dirais tu que ça t’as perturbé ce genre de vie ?
-Pas du tout  
Et c’était vrai, il s’en était accommodé dans le temps. Pas d’amis pas de prise de tête…
-Et après … L’accident, est ce que ça a eu plus d’impact, de ne plus trouver tes repères
Le fameux accident.
-Non  
Il serra imperceptiblement les mâchoires. Il détestait qu’on lui rappelle ce jour la.
-Parles moi de cet evénement.
Il soupira et oublia le fil de l’accoudoir, répétant la tirade que sa mère avait l’habitude de dire.
-Je suis tombé, ma tête à rencontré le bitume beaucoup trop vite. Un accident sans fautifs
Un accident sans fautif répétait il dans son esprit.
-tu ne tiens donc pas ton frère, et ton père responsable de ce jour la ?
Voilà une question qu’on lui a déjà posé par le passé, et à chaque fois il ne savait quoi répondre.
-Non
Que dire à ceux qui n’avaient pas été la. Qui n’avaient pas vu le moment ou il avait décidé d’escalader l’arbre.
Le moment ou il voulut avoir la même approbation de son père que celle dont Alexis bénéficiait...
-Ils étaient pourtant présents ce jours la, et auraient du faire quelque chose.
-Ce n’est pas leur faute si j’ai grimpé sur cet arbre.
...Le moment où il voulut prouver qu’il saurait lui aussi rapporter des poires. Et ou il avait glissé d’une hauteur de deux mètres .
-Ce n’est la faute de personne.
Finit il dans un souffle. Il resta un instant figé, puis lentement comme s’il avait réussit a se contenir, il se remit a tripoter le fil de l’accoudoir.
-Après ça tu as fait l’école à la maison, ta famille t’as encadré et à pris soins de toi, jusqu'à tes 17 ans.
Parce qu’après ce jour là il n’avait littéralement plus rien ressenti, ou alors très vaguement.
Puisqu’en plus des blessures apparentes qui ont eu besoin de sutures, il avait aussi gagné des dégâts physiques bien cachés… dans son crâne. Avec des séquelles… seulement dans son esprit.
« Sa blessure à la tête, plus précisément au [insérer un nom scientifique ici] à provoqué une détérioration psychologique consistant en une totale inhibition de tout sentiment. »
Avait décrété son premier psychologue.
« Il est détraqué »
Avait décrété les élèves de sa classe.
-…
- …Jusqu'à ce que tu sois admis ici
Elle n’en évoqua pas les raisons, mais il savait qu’elle les avait sur les notes de son médecin traitant:
« Un jour, il avait essayé d’en finir avec sa vie, pour voir si ça comptait pour quelque chose. Il voulait ressentir ce que son esprit refusait de lui montrer… »
Depuis, il s’est rendu compte que c'était juste très douloureux, que ça ne servait strictement à rien. Les pilules qu’il avait choisi d'ingurgiter lui avaient fait vivre un enfer pendant des heures entières, avant qu’on ne les lui sorte du système.
Et là, ses parents s’étaient rendu compte, que même avec tout l’amour qu’on lui donnait, la stabilité qu’on lui offrait, il fallait qu’il reçoive des traitement dans un centre spécialisé.
-Tout à fait
- Penses tu que cela t'as aidé ? De te retrouver dans ce centre ?
Centre hospitalier spécialisé de Caen, précédemment « Le Bon Sauveur » , asile psychiatrique , et prison personnelle de tous ceux qui y vivaient.
-Je crois que je ne suis plus le même homme qu’a mon arrivé.
Il n’ajouta rien, ne sachant si c’était un homme meilleur, ou le contraire qu’il était devenu.
Le fil entre ses doigts glissa … encore.
- Je comprends  . Dans ton dernier formulaire tu dis que tu n’as jamais pensé intégrer une université. Pourquoi ?
Il sentait que c’était la fin de l’interview. Il se concentra sur ses paroles.
-Ce n’est pas dans mes aspirations.
- Que vois tu pour l’avenir ?
« Je ne vois rien… » pensa t il.
-A l’instant précis tout ce que je vois c’est 4 murs blancs, un grand jardin, et les mêmes visages qui se répètent, et je l’ai vu pour les 3 dernières années.  Alors ce que je vois pour l’avenir c’est n’importe quoi d’autre.
Ca avait le mérite d’être honnête. Et la jeune femme sourit.
- Je pense que tu seras dépaysé à Harvard. Si tu es accepté.
-Si je suis accepté.
Répéta Ezéchiel. Le fil entre ses doigts avait finalement cédé.