NAHLA SANCHEZ ► Danielle Campbell

Medellin, République de Colombie. Peu de gens s'en soucient encore de nos jours, mais avant d’être le berceau de Shakira, ce pays du nord-ouest de l’Amérique du Sud était celui de Pablo Escobar, l’un des plus puissants barons de la drogue. C’est dans ce contexte de terreur que Nahla Sanchez vint au monde le 16 mai 1991. « El Patron Del Mal » est alors au sommet de sa puissance et les rues de Colombie se jonchent alors des cadavres de ses ennemis et, souvent, d’innocents pris entre deux tirs. Le père de Nahla, Juan Sanchez, en fit les frais. Manipulé par les hommes de main du Cartel de Medellin parmi lesquels des amis d'enfance, il aida Escobar à son insu et ne s'en rendit compte que bien plus tard. Bien sûr, il fut un temps où Juan s'était laissée endormir par les promesses d'Escobar, à l'époque où il s'était lancé dans la politique en assurant voulant aider le peuple. L'aide financière qu'il prodigua était démesurée, mais personne ne posait de question du moment que cela profitait au plus grand nombre et servait une noble cause. Cependant, celui qui était autrefois adulé par les Colombiens et qu'on assimilait à un Robin des Bois des temps modernes perdit le respect de ses pairs dès lors qu’il fit sauter le Vol 203 Avianca en 1989, tuant 110 personnes, et le perdit davantage depuis l’attentat de Bogota le 30 janvier 1993. Alors forcément, lorsque Juan avait vu les soldats du Bloc de Recherche et de la D.E.A se pointer dans son magasin pour enquêter sur les matériaux qui avaient servi à concocter les bombes, le Colombien n'avait pas hésité à dénoncer les hommes de main à qui il les avaient vendu. Et puis, il y eut les représailles... Un soir, alors qu'il quittait son magasin, il avait entendu le moteur d'une voiture démarrer et un crissement de pneus qui l'avaient obligé à redresser la tête pour apercevoir le visage de ses amis de longue date. Diego, celui qui se trouvait côté passager, dégaina une arme et tira une salve sans vraiment chercher à viser. Juan sentit une douleur lui transpercer le flanc et s'écroula aussitôt sur le sol, gémissant de douleur pendant que le sang gagnait du terrain sur le bitume. Il resta à terre plusieurs minutes avant qu'une personne n'alerte les secours. Transféré à l'hôpital où il fut placée sous bonne protection, il en réchappa de justesse. L'un de ses reins avait été touché et l'importante quantité de sang qu'il avait perdu incitèrent les chirurgiens à lui ôter l'organe. Dès qu'il fut en état de quitter l'hôpital et de voyager, Juan et Bianca rassemblèrent leurs économies et quittèrent précipitamment la Colombie pour les États-Unis avec leur fille, alors âgée d'à peine 2 ans.

Lorsque les Sanchez posèrent le pied dans le pays de l'Oncle Sam, une chose les heurta de plein fouet ; ils leur seraient bien difficile de retrouver le même niveau de vie qu'ils avaient à Medellin. Là-bas, tout le monde s'en foutait que Juan était propriétaire d'un magasin considéré comme une véritable homme d'affaire et que Bianca, fille d'un médecin, détenait elle-même un doctorat en théologie. Ici, ils n'étaient rien. D'ailleurs, ils ne connaissaient pas un traitre mot d'anglais. Il leur fallait rapidement un travail. Juan en trouva un pour une chaîne de restauration et, quelques mois plus tard, Bianca fut embauchée comme femme de ménage et nourrice pour le compte du directeur qui gérait cette même chaîne de restaurant ce qui lui permettait, en outre, d'emmener sa fille au travail. C'est au contact des enfants dont sa mère avait la charge que Nahla commença à apprendre l'anglais et celui-ci s'améliora encore plus lorsqu'elle entra à l'école.

La scolarité de Nahla, parlons-en. On ne peut pas vraiment dire que cela ce soit bien déroulé. Malgré son esprit curieux et de très bons résultats scolaire, elle ne s'est jamais bien accordée avec ses camarades. En réalité, elle a longtemps été victime de moqueries. Lorsqu'elle était en primaire, on se moquait d'elle à cause de son accent et de ses origines espagnoles. Au collège, on se moquait de ses parents, de leur travail. Au lycée, les persécutions redoublèrent de méchanceté car beaucoup de filles s'apercevaient que Nahla, malgré sa pauvreté, parvenait à attirer les regards masculins sans même se donner de peine. Elle se savait jolie, mais n'en avait jamais joué, bien au contraire. Elle a toujours été très réservée et serviable, même avec ceux qui ne le méritaient pas et tout ceci avait une explication très simple : les Sanchez ne résidaient pas légalement aux États-Unis. Malgré toutes les difficultés qui minaient sa vie quotidienne, Nahla obtint son diplôme haut-la-main, mais lorsqu'il fut question d'entrer à l'université, la jeune femme déclina. En effet, faute d'avoir pu se soigner convenablement, Juan avait contracté une maladie qui, petit à petit, affaiblissait son rein. Il fut contraint de démissionner et il revenait donc aux deux femmes Sanchez de subvenir aux frais de dialyse.

Depuis quelques années, donc, Nahla travaille pour des riches familles de Cambridge. Récemment, elle est parvenue à décrocher un poste de femme de ménage à l'Université de Harvard et, un peu comme Will Hunting, elle en profite pour s'instruire : soit en écoutant les cours depuis les couloirs, soit en lisant les restes de cours encore visible sur les tableaux (lorsqu'ils ne sont pas projeté sur les murs). Fidèle à elle-même, Nahla est toujours aussi discrète et vouvoie tous les élèves, même les plus jeunes !