Je n'ai jamais eu pour habitude de parler de moi. Encore une fois, cela vient de mon éducation. Mes parents m'ont appris à moi et à mes frères et soeurs de ne pas chercher à attirer l'attention sur nous inutilement. De parler peu mais bien. Ils nous ont appris que parler de nous-même n'était pas un signe de respectabilité, loin de là. C'est simplement se montrer vaniteux et gagner du temps pour ne pas aller droit au but. C'est pour cela qui m'a fallu un peu de temps avant de prendre la parole face à Noah, et surtout pour cela que je lui ai demandé son avis à la fin de mon discours. Je ne sais pas exactement ce qu'il attendait de moi en me demandant de me présenter, je ne sais donc pas si ce que je lui ai dit lui convenait. Un sourire de satisfaction vient donc illuminer mon visage alors qu'il me dit que c'est parfait. Je suis une perfectionniste dans l'âme, j'aime qu'on me dise que ce que je fais est bien. J'aime la reconnaissance. J'en ai souvent manqué lors de mon enfance et de mon adolescence, mes parents désirant toujours plus de ma part, rarement satisfaits. Ils étaient très durs et leur regard n'était pas aisé à attirer. Puis c'est au tour de Noah de s'exprimer. Il me parle de me trouver un stage par le biais de son père, lui même ambassadeur des Pays-Bas aux Etats-Unis. Je serais folle pour cracher sur une telle offre. Je me contente néanmoins de hocher la tête, toujours plus intéressée, désireuse d'en entendre plus de sa bouche. Je serais folle de le couper dans son élan. Il me parle alors de Feryel, ce qui m'arrache un nouveau sourire. Cette jeune femme m'a clairement donné envie de me rapprocher de la Quincy House et je suis contente de l'entendre dire qu'il a apprécié ce qu'elle a pu lui dire. Il aborde enfin le sujet de l'art, du mécénat. Je hausse les sourcils d'étonnement face à tant de connexion entre nos deux esprits.
« Je suis tout à fait d'accord avec toi. Je pense que la Eliot House devrait essayer de se rapprocher d'un maximum de confréries cette années, exceptée la Mather House évidemment. La Eliot porte des valeurs qui devraient rallier beaucoup de monde à notre cause. » je réponds à Noah avant qu'il ne reprenne la parole sur mon discours. C'est vrai qu'en soit, la Eliot House a des points communs avec de nombreuses autres confréries. Nous aussi nous aimons l'art, les oeuvres charitatives, la réussite scolaire etc ... Nous avons plus en commun que ce qu'il n'y paraît et c'est ça que je voudrais rappeler si je suis élue. La Eliot House n'est pas l'ennemie à Harvard, au contraire. Je souris alors que Noah me dit qu'il est convaincu que mon histoire plaira. Je dois admettre avoir un parcours respectable. Je pense, du moins j'espère, être une bonne personne.
« Je suis de ton avis. Il faudrait que je m'entretienne sérieusement avec Feryel pour qu'elle me donne son avis. Je lui fais confiance là-dessus et je suis certaine qu'elle et moi trouveront des causes qui valent la peine d'être soutenues. » je dis. C'est vrai que j'ai toujours souhaité m'investir dans des projets caritatifs. Malheureusement, je n'en ai jamais vraiment eu le temps ou l'occasion. Cette année le sera. D'autant plus que c'est toujours bon pour mon dossier si je souhaite entamer une carrière dans les relations internationales. Puis je vois l'expression de Noah changer, jusqu'à ce qu'il m'avoue devoir me poser une question. Les sourcils froncés, je pose mon verre sur la table face à moi et le regarde à mon tour soucieuse.
« Je t'écoute ... » je lui dis, curieuse de savoir ce qui le tracasse. Après tout, si quelque chose le dérange, autant le savoir tout de suite et m'éviter les regards des autres. Il finit par me demander si je suis mariée à Misha. Oh, je vois. Je déglutis avec peine. Il a raison. Je suis enceinte de Misha, mais nous ne sommes pas mariés. Je me mords la lèvre inférieure avant de répondre.
« Non. » je réponds.
« Je suis consciente que c'est un problème étant donné ma situation. Je ne l'ai appris que cette nuit pour être franche et je n'ai pas encore eu le temps de lui en parler. » je lui explique, sans réellement chercher à m'excuser. C'est la vérité, je n'ai pas à en avoir honte ou à en être fière. C'est ainsi, c'est tout.
« Mais nous nous pencherons sur la question une fois que nous en auront discuté. » je termine. Je sais que je ne devrais pas dire ça, mais je ne sais même pas quoi penser de tout cela. Je ne sais même pas si je suis prête à élever un enfant, ni même si Misha l'est. Je sais qu'il est mal vu de me dire que je ne pourrais pas garder cet enfant, mais c'est tout de même un sujet que nous allons devoir aborder avec Misha. Qu'est-ce qu'on va faire ? En tout cas, il a intérêt à me passer la bague au doigt si ce bébé se concrétise.
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