Alaska&Noah - Interview

INTERVIEW ALASKA

L’Harvard Crimson, ma nouvelle activité. Fallait bien trouver de quoi m’occuper l’esprit, faire le deuil de ma mère tranquille, ne plus penser à Sage, ne plus me contenter d’alcool et de sexe pour combler mes ennuis. Et à ma grande surprise, ma candidature a été acceptée. Je dois avouer que je n’ai jamais vraiment pensé à écrire, mais j’ai pris plaisir à l’exercice. Et puis, rejoindre le journal de l’université fait partie de mon grand plan de suprématie à l’université. Quel meilleur moyen d’asseoir son autorité et d’avoir du poids dans la faculté, que celle d’en être un des principaux médias ? Enfin, me voilà. Devant cette pizzéria de Boston, parce qu’il est 13h, que j’ai faim, qu’aujourd’hui je reçois Alaska et que j’pourrais me concentrer sur la pizza quand elle m’agacera de trop. Puis j’dois me montrer professionnel. Un message à son adresse et j’m’installe à une table en terrasse. En costard, jambes croisées, une clope au bec, un carnet de note devant moi et un stylo en main.  

@Alaska Hamilton

© charney for ilh

INTERVIEW ALASKA

Si ça ne tenait qu’à moi, je me contenterais de faire comme si la Mather House n’existait pas, exclurais ses candidats du journal, et me satisferais d’indifférence. Seulement voilà, il faut faire preuve de partialité, gagner la confiance des lecteurs et par-dessus tout, assumer la couverture hypocrite de journaliste intéressé si on veut pouvoir, un jour ou l’autre, s’en servir à ses fins. Alaska arrive, à son salut je ferme déjà le visage. Esquisse de sourire hypocrite, voix mielleuse : « Alaska ». Et de nouveau visage fermé. Elle s’installe et je l’écoute parler d’une oreille avant de me la jouer mec ultra professionnel : « On ne va pas déblatérer cent ans sur la vie de ton estomac, on a du pain sur la planche. Quant à l’élection de ton meilleur ami … j’suis plutôt du genre coup d’état, putsch militaire », clin d’œil provocateur comme si je la narguais du fait qu’elle m’avait déjà adopté. Je fais signe au serveur de venir prendre notre commande, et daigne rajouter avec plus d’humanité et de sympathie : « Prends ce que tu veux, c’est la maison qui offre »

© charney for ilh

INTERVIEW ALASKA

C’est toujours électrique avec cette fille, mais ne lui dites pas, j’crois que j’adore ça. Au moins ça répond, ça mord, ça déstabilise, et ça donne encore plus envie de rétorquer : « Que veux-tu, je suis un éternel romantique », répondis-je faussement mielleux avant de m’installer plus confortablement sur ma chaise. Elle commande sa pizza, je fais signe au serveur d’en servir une deuxième, j’ai faim aussi : « Je t’ai abreuvé, maintenant je te nourris … j’ai l’impression d’avoir un parfait petit animal de compagnie », dis-je narquois en la regardant dans les yeux avant de m’accouder à table : « Bon. » Et je fis mine de réfléchir un instant, franchement, la Mather, je n’en avais strictement rien à faire, mais pas le choix, il faut jouer le jeu de la partialité médiatique : « Je pars du principe que, si on se présente, c’est qu’on a l’intime conviction d’avoir quelque chose à apporter à une maison. Alors, je voudrais savoir, qu’est ce qui te déplait dans la tienne ? Qu’est ce que tu voudrais changer, améliorer, arrêter, ou commencer ? C’est quoi tes grandes lignes de structuration ? », Et je reprends tout aussitôt : « J’espère que tes ambitions ne s’arrêtent pas à organiser des fêtes et engraisser les poches des fournisseurs du coin ».

© charney for ilh

INTERVIEW ALASKA

Et j’ai cette tête exagérément offusquée quand elle me surnomme mon chaton. Pire, quand elle dit qu’elle est mignonne. Alaska, c’est plutôt la hyène dans le roi lion, ça n’a rien de mignon : « Es-tu entrain d’essayer de me séduire ou … de me convaincre de tomber en amour de toi ? », dis-je la taquinant du regard tandis que je m’installais confortablement sur ma chaise, les pizzas étant commandées. Je l’écoute, et ne l’interrompt pas même quand j’ai envie de le faire, parce que c’est mal polie. Mais une fois qu’elle a finit de parler, je reprends : « Non, je crois qu’on s’est mal compris. Je ne pense pas que tout est à refaire chaque année, je pense que quand on se présente c’est pour proposer une valeur ajoutée. Qu’est ce que toi, Muffin, tu ferais ou ne ferais pas pour changer, améliorer, ou peut-être poursuivre ce qui a déjà été fait ». Je marque une pause, la suite de son propos répondait à peu prés à la question, mais je voulais simplement éclaircir ce point. Je dois dire que j’suis d’accord avec elle, il faut casser les stéréotypes, c’est même ce que je veux faire avec l’Eliot. Mais, je ne peux pas m’empêcher de titiller : « Que toi tu sois clean est une bonne chose. Le truc, c’est que tu ne peux pas nier qu’il y ait des problèmes de drogues, essentiellement au sein de ta confrérie, le stéréotype ne s’est pas construit tout seul. Et jusqu’à preuve du contraire, la drogue est interdite aux Etats-Unis. Alors justement, qu’est ce que tu compte faire pour casser ce stéréotype ? Ou même pour freiner le problème en lui-même ? »  

© charney for ilh