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AUJOURD'HUI N'EST QUE LE BROUILLON DE DEMAIN.
« A force, on finit par se construire une façade pour retenir ce qui s'effrite en dedans. »
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Tête à tête. Regard dur. Je leur fais face. Sans rien dire. Mangeant calmement. C'est drôle. J'ai l'impression d'être redevenu un enfant. Ça a toujours été comme ça. Le regard blessant de mon père et les yeux tristes de ma mère. Elle, elle était pas totalement débile. Elle avait pas l'air d'encore y croire. Tout à fait consciente du genre de petit con qu'elle a pour fils. Et du genre de connard qu'elle a pour mari. Mon père lui, il parle. Encore et encore. De ses réussites professionnelles. De ses futurs projets. De ses voyages d'affaires. Il en parle un peu trop de ses voyages d'affaire, d'ailleurs. Listant tous les détails, les heures précises, les lieux. J'ai l'impression qu'il se justifie. Mon père aurait donc quelque chose à se reprocher ? C'est pas comme si quelqu'un à cette table croyaient vraiment à sa fidélité. Je souris, d'un air dédaigneux, en regardant mon père, droit dans les yeux. Allez, mens tant que tu peux. À Maman, à moi. A tous les autres. Mens. Parle. Enjolive. Fais croire aux autres que ta vie est parfaite. Que tu es parfaitement épanoui. Que tu as tout ce dont tu rêves. Mais moi je vois en toi, Papa. Je vois bien que le matin, quand tu scrutes ton affreux visage dans le miroir tu as envie de hurler de colère, de désespoir. Que parfois, tu rêves de déchirer ta peau et de la recoller sur un autre corps. Renouveau. « A force, on finit par se construire une façade pour retenir ce qui s'effrite en dedans. »
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Je sais que tu n'as pas conscience d'être pathétique. D'être un grain de poussière, qui pèse des millions. Et j'ai envie de te dire la vérité. Tu n'es rien. Toi aussi tu rêves qu'un quelconque miracle change ta merde en eau. Toi aussi t'as envie de changer de vie. Toi aussi tout ça t'ennuie. Te fais horriblement souffrir. Mais tu n'as que ça. Le country-club, les soirées mondaines, les voitures et les villas. Ouais. Tu n'as plus que ça. Alors tu t'y attache tant que tu peux. Tout est factice et superficielle. Si on gratte un peu à la surface de toi, on voit bien tous les cris étouffées. Les fureurs rentrées. Si on gratte bien, on voit les rêves meurtris. Les anciennes promesses d'amour. De liberté. Moi je vois, au travers du lifting à 70.000 dollars. De la montre en platine, monté or et incrusté de rubis. Des cheveux gominés. Du costume Armani parfaitement coupé. Et même jusqu'au bout de tes ongles fraîchement manucurés. Je vois que tu n'es rempli que d'une substance visqueuse et sans vie. Tu n'es qu'un mort en sursis. Qui fait chaque jour inlassablement la même chose, mais dans des contextes différents. J'ai envie de te cracher dessus. De te piétiner. Puis de te laisser crever. J'en rêve. De te faire tomber de ton piédestal. De te balancer la vérité en pleine face. Je ne suis rien. Tu n'es rien. Nous ne sommes rien. Nous sommes fait de la même merde mon gars. On est tous pareils. C'est pas tes billets verts qui te feront atteindre la supériorité dont tu rêves. Ni frapper des gamins. Non. Tu ne seras jamais supérieur à personne. Car tu es le plus pathétique des hommes. On se ressemble, que veux-tu ? Père et fils. T'as oublié ? Paroles sans âme de ma mère, qui me coupe à mes pensées. "Bon chérie, on doit partir ! Isaac, c'était agréable de te retrouver.". Et ils ressortent ensemble. C'est tellement beau de les voir partir. De dos ils ont une prestance, quasi royale. Le dos droit. Le port altier. L'impression de dominer le monde. De pouvoir provoquer un séisme d'un seul coup de talon. Vous n'êtes pas les rois du monde. Vous n'êtes rien. Rien. Je ramasse mes affaires à mon tour, paye la facture et m'en vais. Ils m'ont encore plus plombé le moral. Pourquoi m'avait-elle invité ? Pour partager un moment de bonheur familial ? Foutaises. Pour se persuader qu'elle avait encore un fils, plutôt. Que quand elle partira. Qu'elle finira sa vie insignifiante. Elle aura au moins servi à quelque chose. Qu'il restera un bout d'elle sur cette Terre. Sans doute pas le meilleur.
J'ai besoin d'un truc. N'importe quoi. Snifer, avaler, s'injecter. N'importe quoi. Juste un truc qui me f'ra oublier. Je marche sans trop savoir où mes pas me portent. L'envie se décuple, de secondes en secondes. Je vais péter un câble. J'ai fouillé mon appartement. Mes sacs. Mes pantalons. Mes casiers. J'ai chercher partout et je n'ai rien trouvé. Pas même un simple mégot. J'ai tout fouillé. Rien. Fatigué et ennuyé, je continue à marcher. Une dose. Une dose. Une dose. Je regarde autour de moi. La foule grouillante se presse. M'oppresse. Mes yeux se baladent. De personnes en personnes. C'est mon jeu préféré. Observer. Je continue à les regarder. Ils sont tantôt pressés. Tantôt relax. Tantôt éméchés. Tantôt fatigués. Je m'amusais à imaginer leur histoire. La raison pour laquelle ils étaient là. De folles histoires, des inepties, les idées d'un fou. Je les coucherais sur papier plus tard. Mes yeux remarquent deux billes bleus, un peu plus loin. Ces yeux. Parmi la foule je les ai reconnu. Des yeux malicieux. Elle veut jouer. Elle s'enfuit. Ou plutôt, se fond dans la foule. Elle disparaît. Où est-elle ? Cache-cache géant. Je déambule entre les gens, essayant de retrouver ces eux billes bleus qui me plaisent tant. Colombe. Elle s'est envoler. Je cours encore. Il faut la retrouver. Quelqu'un court devant moi aussi. Essayant de se camoufler, de ne pas se faire remarquer. Mais impossible de pas la remarquer Colombe. Impossible. Je réussis à lui saisir le bras. J'approche son corps du mien. Et lui chuchote à l'oreille "Tu m'as manqué." Va t-elle y croire ? J'aime bien jouer. Elle est belle Colombe. Elle porte bien son nom. Elles a des ailes d'ange et de démon planquées dans le dos. Personne ne sait jamais lesquelles elle va déployer. C'est ça le jeu. C'est ça qui me fait marrer.
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