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Murée et ankylosée dans une torpeur qui allait paraît-il de pair avec la convalescence, Lily avait perdu toute notion du temps. Quand elle ne dormait pas, elle somnolait, glissant avec la timidité d’un enfant incertain dans les bras de Morphée qui lui apportaient un réconfort qu’elle ne parvenait pas à trouver autre part. Dans sa poitrine, la sensation d’oppression constante s’était du jour au lendemain dissipée. Comme si on lui avait arraché une partie de son identité pour lui en fournir une nouvelle, avec laquelle elle apprenait tout juste à faire connaissance. Ses côtes étaient encore douloureuses, et on ne lui avait toujours pas enlevé les agrafes suite à l’opération. En même temps, quand on vous ouvre en deux de façon transversale, pour vous enlever les deux poumons et en remettre deux autres à la place, il ne faut sans doute pas s’attendre à en ressortir frais comme un gardon. Parfois, comme si ses anciens poumons défectueux lui manquaient à la manière de deux membres fantômes, elle oubliait de respirer. Quelques instants seulement. Juste assez pour se rappeler celle qu’elle était avant. En l’espace de quelques semaines, elle avait le sentiment d’être devenu quelqu’un d’autre. Toutes ses aspirations, toutes ses certitudes par rapport à l’avenir, et le fait qu’elle n’en aurait pas notamment … Envolées. Elle avait appris à grandir, à évoluer en ayant un pied dans la tombe. Et maintenant, on était en train de lui expliquer gentiment que ça ne se passerait pas ainsi. Qu’elle aurait un avenir. Qu’elle pouvait compter là-dessus. Merci à cet autre, infortuné de la route qui lui avait fait le cadeau précieux de l’existence au détriment de sa propre vie. Si elle était heureuse ? Lily n’en savait rien. Pour l’instant, elle se sentait lourde, et faible. Mais la sensation de respirer par soi-même était, elle, indescriptible à ses yeux. Elle ne s’en lassait pas. Commençait tout juste à toucher du bout des doigts des envies qu’elle n’avait jamais osé entrevoir auparavant. Au moins l’attente de la guérison et ces longues heures passées en compagnie de blouses blanches avaient cet avantage : elle avait le temps de réfléchir, parfois un peu trop, à ce qu’elle avait besoin et envie de faire une fois qu’elle serait sortie.
Lily ne se souvenait pas bien de la Nouvelle Ecosse. Même les incidents qui avaient eu lieu dans cette station-service étaient indistincts, rendus vaporeux par les événements qui avaient suivi, et la période pendant laquelle elle s’était trouvée dans un entre-deux incertain. Un pied dehors. Un pied dedans. C’était comme s’endormir pendant une éternité, sans trop savoir où ce sommeil vous mènera. En se réveillant, tout était allé vite. Et rapidement, il avait été conclu que son état était assez stable pour qu’elle soit rapatriée à Boston, où son médecin référent pourrait veiller sur elle. Deux semaines s’étaient écoulées depuis. Et son quotidien se résumait à la visite de certains de ses proches, à une courte balade chaque jour dans le parc autour de l’hôpital pour un peu d’air frais, à des soins quotidiens, et à des périodes de sommeil plus ou moins longues. Ce fut pendant l’une de ses « balades » qu’elle la croisa. Cette silhouette à la fois si familière, et si étrangère à la fois. Elle avait l’impression que leur dernière entrevue remontait à une décennie. Quoiqu’il en soit, installée dans un fauteuil roulant, le bras relié à une perfusion qui la suivait comme son ombre, elle se permit de l’aborder de loin, alors qu’elle était de dos, sans être vraiment sure que c’était bien elle. « Annalynne ? » avait-elle murmuré d’une voix très rauque, quasiment méconnaissable, son timbre ne s’étant pas encore remis de la longue période d’intubation dans laquelle elle avait été plongée. Elle reconnaissait en tout cas son port de tête si parfait, même si elle ne comprenait pas bien la raison de sa présence ici, dans un endroit si … Javellisé.
Lily ne se souvenait pas bien de la Nouvelle Ecosse. Même les incidents qui avaient eu lieu dans cette station-service étaient indistincts, rendus vaporeux par les événements qui avaient suivi, et la période pendant laquelle elle s’était trouvée dans un entre-deux incertain. Un pied dehors. Un pied dedans. C’était comme s’endormir pendant une éternité, sans trop savoir où ce sommeil vous mènera. En se réveillant, tout était allé vite. Et rapidement, il avait été conclu que son état était assez stable pour qu’elle soit rapatriée à Boston, où son médecin référent pourrait veiller sur elle. Deux semaines s’étaient écoulées depuis. Et son quotidien se résumait à la visite de certains de ses proches, à une courte balade chaque jour dans le parc autour de l’hôpital pour un peu d’air frais, à des soins quotidiens, et à des périodes de sommeil plus ou moins longues. Ce fut pendant l’une de ses « balades » qu’elle la croisa. Cette silhouette à la fois si familière, et si étrangère à la fois. Elle avait l’impression que leur dernière entrevue remontait à une décennie. Quoiqu’il en soit, installée dans un fauteuil roulant, le bras relié à une perfusion qui la suivait comme son ombre, elle se permit de l’aborder de loin, alors qu’elle était de dos, sans être vraiment sure que c’était bien elle. « Annalynne ? » avait-elle murmuré d’une voix très rauque, quasiment méconnaissable, son timbre ne s’étant pas encore remis de la longue période d’intubation dans laquelle elle avait été plongée. Elle reconnaissait en tout cas son port de tête si parfait, même si elle ne comprenait pas bien la raison de sa présence ici, dans un endroit si … Javellisé.
(c) chaotic evil
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