Le retour au bercail m’inspirait clairement de faire un petit tour – ou grand – en centre commercial pour dépenser les pauvres tunes qu’il me restait – enfin, pauvres… Et puisque je n’avais pas eu l’occasion de tomber sur mon très cher Happy, un sportif hors paire tout comme moi, et que j’appréciais sa compagnie régulière, je m’étais empressée de lui envoyer un message pour lui imposer cette sortie shopping de dernière minute. Une heure avant, pour tout avouer ; qui me disait qu’il pouvait venir ? Je n’en savais rien, clairement, mais j’étais persuadée qu’il n’avait rien de mieux à faire que de faire un tour avec moi et de jouer au dépensier en craquant ci et là. Je m’étais préparée assez rapidement, attachant mes cheveux en chignon sans trop me casser la tête ni pour ma tenue, ni pour le maquillage. Après tout, en bon compagnon de sport, Happy m’avait déjà vue dans tous mes états. Je lui avais donné rendez-vous sur la terrasse d’un café à l’intérieur du centre commercial, où je m’étais installée et sirotais déjà un cappuccino en solo. Restait plus qu’à espérer qu’il se pointe, le petiot !
S’il y avait bien un mot auquel Happy répondait tout de suite, sans attente d’aucune sorte, c’était le mot « shopping ». Certes, cela ne sonnait pas de façon super virile mais il aimait rester dans le coup, ne serait-ce qu’en ayant des fringues relativement classes pour cacher aux yeux du monde entier sa pauvreté pourtant évidente par ailleurs. Il aimait aussi ne pas avoir de baskets usées jusqu’à la corne lorsqu’il allait courir ses petits kilomètres matinaux, accessoirement. Autant dire qu’il répondit très rapidement au sms de Soane, tout près qu’il était à s’adonner énergiquement à une bonne vieille séance de shopping de derrière les fagots. Hey ! » s’exclama-t-il au loin, alors qu’il apercevait son amie à la terrasse d’un café du centre commercial, lieu où elle avait préciser l’attendre sagement. « J’ai fait aussi vite que j’ai pu… tu vas bien ma belle ? » s’enquit-il aussitôt après lui avoir fait un câlin et une bise de rigueur.
Une voix familière m’avait sortie de mes pensées en me faisant sursauter alors que je venais tout juste de porter la tasse à mes lèvres. Une chance que je ne me l’étais pas renversée dessus comme une bonne idiote prise de panique ! Je souriais aussitôt en reposant ce qui avait failli me coûter mes fringues – et sans doute ma peau vu la chaleur que dégageait le liquide – et déposais à mon tour un baiser sur la joue de mon ami. « Je suppose que t’as même pas daigné courir, parce que je suis sûre que t’aurais pu éviter de me faire attendre 3 heures ! » riais-je légèrement. Evidemment, je ne l’avais pas attendu aussi longtemps, et encore heureux car sans doute aurais-je disparu de la circulation depuis. « Ca va superbement bien, et toi alors ? Tu me racontes quoi depuis la dernière fois ? » le questionnai-je en retirant mon sac de la seconde chaise. « Installe-toi, je t’en prie ! Si tu veux te prendre un truc, hésite pas, vu comme mon café est chaud, je suis pas prête de le finir dans la minute… » souriais-je. « Et ensuite, on file, parce qu’on a beaucoup de taff ! » Enfin, encore fallait-il considérer le shopping comme un boulot et non comme un passe-temps.
Happy laissa échapper un rire discret en se rendant compte que Soane venait de sursauter. Une chance effectivement qu’elle n’ait pas taché ses vêtements de café, sinon il aurait pu en entendre parler jusqu’aux calendes grecques. « Mmh… si je te dis que j’ai récupéré quatre chiots sur le Summer Camp et qu’il fallait que je finisse de leur donner le biberon, tu m’en voudrais moins ? » Tirer sur la corde sensible n’était pas habituel, ou tout du moins pas sans humour. Jamais il ne manipulerait son amie, il y mettait un point d’honneur… mais cela ne l’empêcha pas de papillonner adorablement des yeux pour tenter de se faire pardonner. « Eh bien pas mal ! Crevé par le Summer Camp et à part les chiots… figure-toi que je me suis trouvé une dulcinée ! Si si c’est vrai ! » Le jeune homme s’installa enfin en face de Soane, un grand sourire ravi sur les lèvres. Il commanda un café serré à son tour, complètement fan de cette boisson littéralement addictive. « Beaucoup de taff c’est rien de le dire ! Je ne sais pas si j’ai maigri ou quoi, je perds tous mes fut’ ! »
« Pia pia pia » était la seule réponse qui m’était venue en tête à sa réplique. Que répondre à un homme qui dit avoir dû donner le biberon à quatre chiots ? Etait-ce au moins vrai ? Je n’avais pas trop envie de m’étaler sur le sujet parce qu’il me prenait par les sentiments mais… « Tu m’en donneras un alors quand ils seront sevrés, pour t’excuser. Puis tu sais que mes chiens sont les plus heureux au monde ! Plus rien à dire, là, hein ?? » souriais-je bêtement. Je l’écoutais alors m’expliquer vaguement son séjour au Summer Camp alors qu’il prenait place face à moi, et un mot m’intrigua aussitôt : dulcinée. « Toi ? Une dulcinée ? N’étais-je pas l’amour de ta vie ? Me trompes-tu, grand fou ? Ah, je fais un malaise, je crois… » lançai-je d’un ton si dramatique qu’il en était ridicule, en m’épongeant faussement le front du dos de ma main. « Dis-moi tout ! Je veux TOUT SAVOIR ! Les détails croquants et moins croquants ! » Je tapotais aussitôt frénétiquement mes doigts sur la table, tel une gamine excitée face à une superbe nouvelle. « Fais pas genre, ça se voit que t’as pris des fesses et que t’as juste mal lavé tes fringues pour faire genre t’as maigri ! Coquinou. » riai-je, avant de reprendre rapidement. « Mais attends faut que je te dise un truc, en parlant de croquant ! Ohlalalalalaa, si tu savais ce dont j’ai rêvé… Un truc de dingue ! Mais tellement bien. Je suis sûre que c’est vrai, mais qu’on me le cache. » Je marquais un temps de pause en me raclant la gorge pour conter ma magnifique histoire, plutôt perturbante quelque part mais réellement intéressante et satisfaisante. « Il était une fois Soane, la Suprême. La Magnifique. La Génialissime Abeille. A la tête d’une armée non-négligeable ! Prête à décimer la faune et la flore entière ! Une Reine qui n’a d’égale que sa Splendeur… » Suspense. Je buvais une gorgée de mon café alors que celui de mon ami arrivait, et patientais le temps que le serveur le lui dépose…
Bon, okay, Happy essayait de prendre son amie par les sentiments mais quelque chose lui disait que ça marchait au moins un peu. La preuve ultime fut donnée par la première réplique de Soane, qui arracha un petit sourire au beau brun, brandissant son téléphone pour montrer l’une des - très - nombreuses photos des chiots se trouvant actuellement sur son téléphone. « Mmh… même pas sûr que je les donne tout court tellement je les aime, bien que je sache à quel point tes chiens sont heureux avec toi ! » admit-il, arborant certes un sourire mais énonçant des propos on ne peut plus sérieux. Il en savait pas s’il en serait capable. « Tu sais que tu es adorable quand tu es jalouse, ma bichette en sucre ? Mais je pense que si tu veux des détails croquants - ou pas d’ailleurs - il vaudrait mieux que tu me poses des questions précises ! » Si la demoiselle connaissait suffisamment Happy, elle savait que la confession pure et simple avait du mal à être utilisée. Il fallait le pousser un peu… il fit les faux offusqués alors qu’elle prétendait qu’il avait grossi, mais son esprit fut bientôt alpagué par la curiosité, Soane aimant toujours autant ménager son suspens. De quoi faire boire à Happy ses paroles, littéralement. « Faut que je t’arrache les vers du nez ? Tu sais que j’ai aucune patience pourtant, vilaine ! »
La réponse de mon ami ne me plaisait pas tant que ça, c’était certain ; j’étais prête à l’emmerder pendant des semaines pour qu’il accepte de me confier l’un de ses petits protégés. « Tu peux pas me refuser ça ! T’imagines à quel point ce serait génial ? Non seulement je le chouchouterais comme personne d’autre, ou autant que toi, mais en plus j’aurais toujours une petite part de toi près de moi et je serais forcée de penser à toi toute la journée ! » lançai-je en faisant une petite moue mignonne pour tenter de l’amadouer. Evidemment, il n’y avait aucune idée mal placée derrière mes propos, qu’on ne se méprenne pas ! « Hm, laisse-moi réfléchir… » lui répondis-je en posant l’index sur ma bouche. « Qui est l’élue de ton cœur, déjà ? Elle est étudiante ? Elle étudie quoi ? Elle est dans quelle confrérie ? Elle est blonde ? Elle est grande ? » Bon, ok, j’abusais, mais il voulait des questions alors je comptais bien lui en poser des belles et des moins belles ! Trop curieuse, la Soane, vous savez. Quoiqu’il en était, je m’étais lancée sur mes délires rêvés, et je mettais un point d’honneur à y mettre du suspense, histoire de bien l’emmerder comme il pouvait le faire pour moi. Œil pour œil, dent pour dent, qu’on dit. « C’est toi le vers ! Tu te calmes, Happy, ou je te mets une fessée cul nu en public. » lançai-je en levant le nez vers le ciel, d’un air sérieux. « Poursuivons… Soane, Reine des Abeilles, régnait donc sur un véritable Empire d’insectes. Tous la craignaient, y compris les plus vaillants ! Personne n’osait se lever contre Sa Majesté des Abeilles. Elle dictait la vie de tout un chacun, à tel point qu’elle obtenait tout ce qu’elle désirait. Un jour, elle ordonnait que l’on conquise toute la Faune et toute la Flore. Alors, ses troupes partirent au combat, Herbes malodorantes entre les pattes pour faire fuir l’ennemi… » Je repris ainsi une gorgée de mon Cappuccino, laissant à nouveau une pause pour faire ruminer mon ami.
Happy esquissa un petit rire avant de secouer négativement la tête de gauche à droite. « Et toi tu imagines, nourrir huit fois par jour au biberon quatre chiots jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de trois mois pour ensuite t’en séparer ? » fit-il valoir, car là demeurait le dilemme. Bien qu’il ait toute confiance face au talent de Soane pour s’occuper de ses chiens, là, c’était tout de même différent. Un peu comme se séparer de ses enfants… il y tenait tellement que les laisser partir risquait de lui coûter, si et seulement s’il s’y résignait. De toute manière, l’esprit de l’américain fut rapidement alpagué par le flot de questions de son amie, toutes légitimes. Sûrement se serait-il adonné à la même déferlante à sa place. « Elle est effectivement étudiante en Littérature, c’est une Quincy, elle est assez grande et pas blonde mais brune et s’appelle Anastasiya… satisfaite ? » Bon il n’alla pas jusqu’à lui donner des détails ne rentrant pas dans le cadre des questions, il ne fallait pas déconner, surtout qu’elle osait le menacer d’une fessée en public. « J’aimerais bien t’y voir tiens ! Essaye déjà de me lever de ma chaise que je me marre ! » leva-t-il à son tour les yeux au ciel avant que Soane ne recommence son laïus, le laissant mariner sur l’information capitale qu’elle gardait secrète. Mouais. « Si tu ne me dis pas de quoi il s’agit, je vais commencer le shopping tout seul ! »
J’avais fini par hausser les épaules en guise de réponse tant Happy campait sur sa position en ce qui concernait les chiots. Mais il était vrai qu’il avait tout à fait raison, sans doute que j’aurais aussi eu du mal à m’en séparer pour ma part ! Après, certes, tout le monde n’est pas pareil et bien des gens n’attendent que de pouvoir enfin se débarrasser de ces pauvres petits bébés… « Moui. T’as raison. Mais je boude quand même ! » lançai-je en souriant. Evidemment, je ne boudais pas le moins du monde, au contraire ! J’avais même pas hésité à enchaîner sur tout un tas de question concernant sa dulcinée. « Ana comment ? Elle est russe ? Vous vous êtes connu comment ? Ca fait longtemps que tu la connais ? Vous êtes ensemble depuis quand ? Elle a quel âge ? Elle en a de la chance la demoiselle ! » Ca m’amusait de faire cette espèce d’interview, de quoi nourrir ma curiosité en tout cas. Quoiqu’il en était, ça me faisait plaisir de savoir que mon très cher ami avait enfin trouvé une fille plausiblement à sa hauteur ! « Mon corps d’athlète te fera la misère s’il doit te soulever, tu risques même de voler jusqu’à sur la Lune ! » C’était bon enfant. Très bon enfant. Parce que même si je pratiquais du MMA et que j’avais une sacrée force pour mon gabarit, je n’étais pas encore surhumaine. « T’oserais pas commencer le shopping sans moi, sale traître que t’es ! Je savais que tu voulais te débarrasser de moi sous n’importe quel prétexte… » J’avais une nouvelle fois souri, mais cette fois, je comptais bien terminer ma petite histoire si forte en émotions. « Je disais donc, les troupes de la Grande Prêtresse des Abeilles, Soane, envoya toutes ses troupes au combat pour conquérir le monde entier et achever les mécréants. Une fois ces derniers décimés ou emprisonnés, et les fidèles mis à l’abri, la Reine se déplaça en personne pour faire son discours sur son nouveau Royaume. Tous écoutèrent ce que Son Altesse avait à dire, comme embaumés par un parfum magique… » Et puis, soudainement, je claquais mes mains sur la table pour le changement de situation inopiné. « Une horde d’applaudissements se fit entendre dans les airs alors que l’armée d’abeilles scrutait chaque mouvement de pattes et d’ailes. La Reine exigea que l’on lui ramène ses prisonniers, aussi dangereux soient-ils, afin qu’elle puisse enfin décidé du châtiment de chacun d’entre eux. Beaucoup y ont perdu des pattes et des ailes. Du sang a coulé dans ce Nouveau Royaume, des têtes ont roulé sur la terre sèche de la Forêt d’Herbe. C’est ainsi que se termine cet épisode des Rêves de Soane… » Bêtement, oui. J’avais d’ailleurs porté mon poing sur ma poitrine pour signifier toute ma fierté due à ce fameux rêve, que je disais donc être, quelque part, la réalité à venir ! N’importe quoi, oui, on est d’accord. J’avais fini par glousser tant l’idiotie de mon histoire était forte. « Oh mais d’ailleurs ! Je viens de me rappeler que t’y étais, toi aussi, dans mon rêve… T’étais sublime, vraiment. La même tronche, toujours. Sauf que t’étais un asticot et t’étais mon prisonnier ! Mouahaha » Ah, ce rire machiavélique qui sortait tout droit d’entre mes tripes !
« Tu veux que je te chante ‘tiens voilà du boudin’ ? » Happy en était parfaitement capable, c’était ça le pire. Mais il n’alla pas jusqu’au bout de cette pensée, d’une parce qu’ils se trouvaient légèrement en public et parce que le fait de bouder chez Soane n’était pas sérieux. Les questions s’enchaînèrent cependant à la vitesse de la lumière au sujet d’Anastasiya, aka sa chère et tendre. Quelle idée de lui avoir proposé de lui poser des questions précises, aussi… « Kovalenka est son nom de famille et oui, elle est russe. Je la connais depuis 2014 et notre rencontre a été assez cocasse. Elle a 22 ans et ça me flatte ce que tu me dis ! » Soane n’était pas la seule à lui dire que sa belle avait de la chance. Sincèrement, l’américain n’espérait pas tant de compliments derrière le flot de questions venant de sortir de la bouche de son amie, et cela lui faisait sincèrement du bien. « Je crois plutôt que c’est ton corps d’athlète qui subira une misère terrible en faisant ne serait-ce que mine de me soulever… » reprit-il en esquissant une petite moue, pas sérieux pour trois ronds de serviette. Happy n’aurait jamais laissé son amie essayer de le soulever, trop craintif qu’elle ne se casse le dos au cours de la manœuvre. Un faux mouvement est si vite arrivé, il en savait quelque chose, bien que grand sportif devant l’éternel… « Je suis peut-être un sale traître, mais m’imaginer en asticot prisonnier, franchement ton inconscient doit avoir un compte à régler ! » éclata-t-il singulièrement de rire rien qu’à imaginer la scène dans le rêve de Soane, dont elle venait de lui conter de nombreux détails.
@A. Soane King-Moore vraiment désoléééée pour le retard affreux, mais j'ai eu ma rentrée lundi et j'ai besoin d'un petit temps d'adaptation Là déjà ça va mieux