the evil is back (lennox)

Ça pue la fin des vacances. Enfin pour Ludmi, ça sent plutôt bon la fin des vacances. Non pas qu'elle déteste farnienter au bord de la piscine les doigts de pied en éventail, mais c'est une bosseuse, une passionnée. Donc elle a tout aussi hâte de reprendre les cours, de retourner dans l'atelier et de bûcher pendant des heures sur de nouvelles créations tout en se battant avec la machine à coudre. Sauf qu'avant de retrouver les bancs de l'université, il y a toujours quelques soirées de pré-rentrée. Habituellement elle déteste se rendre à ce genre de soirée. Les gens sont ivres, chiants, ils te dégueulent dessus, bref c'est insupportable. Mais des amis de Ludmi ont réussi à la traîner à l'une de ces beuveries. C'est ainsi qu'elle se retrouve au Lord Hobo à batailler pour se frayer un chemin jusqu'au bar pour se prendre un verre. Même s'il reste encore quelques jours avant la reprise, les étudiants ont répondu présents, car le bar est plein à craquer. De quoi enchanter davantage la russe. Surtout que la queue pour les toilettes est monstrueuse et qu'il y a une longue rangée de demoiselles pressées de vider la bière qu'elles viennent d'engloutir. Egalement prise d'une envie urgente, l'étudiante ne pense pas avoir le temps d'attendre. Elle sent l'accident arriver et prise de panique, elle ne réfléchit pas une seconde de plus et se dirige instinctivement vers les toilettes des hommes. Il y a toujours une ou deux cabines en plus des urinoirs. Bingo, des toilettes disponibles et sans attendre une demi-heure en serrant les fesses. Elle ressort de sa cabine soulagée, mais se rend rapidement compte qu'elle est en territoire ennemi. Une rangée de bonhomme se retourne lorsqu'ils aperçoivent Ludmi. Ça ne doit pas être la première à venir faire sa petite affaire ici, pourquoi sont-ils surpris. Au lieu de montrer sa gêne, elle prend son temps et se permet de se laver les mains. Faire comme si tout était normal. Mais elle sent le regard de l'un d'entre eux insister sur elle. Levant les yeux vers ce dernier, elle a comme un geste de recul lorsqu'elle aperçoit son visage. Il ne manquait plus que ça, tomber sur le pire des enfoirés. Elle reste un instant bouche bée. Quel cauchemar.  

Rien n'était aussi glorieux et jouissif que ces soirées de pré-rentrée où l'éclate et la démesure étaient encore mot d'ordre en ces fins de vacances. Rien. Lennox n'était pas spécialement un gros fêtard, la preuve, il avait majestueusement esquivé le trois quarts des soirées à Cape-Breton, ayant préféré des soirées plus solitaires en de très bonne compagnie la plupart du temps. Il n'était réellement pas un grand fan du grand public, du mélange d'odeurs nauséabondes dans ces pièces étroites regorgeant de milliers d'étudiants aussi en chaleur les uns que les autres. Réellement. Mais ces soirées de pré-rentrée, il y disait rarement non. C'était une habitude depuis son arrivée à Harvard il y a trois ans de les fréquenter avec ses potes, étant donné que tous les nouveaux visages d'Harvard seraient présents, et toutes les potentielles cibles de ces messieurs. Même si dernièrement, à cause d'une certaine blonde, il n'était plus si enclin qu'auparavant à trouver ce genre d'amusements. Mais rien n'empêchait les autres types d'amusements. C'est donc verre composé du plus fin whisky en main qu'il déambulait dans la soirée, à travers les pièces et les personnes afin de se trouver une activité digne de ce nom. Mais à peine eut-il le temps de franchir la troisième pièce où se jouait une partie cruciale de bière pong que Lennox fut tiré de force en direction des toilettes pour hommes, sans un mot, sans un ordre. Un vague aperçu de la silhouette lui indiqua qu'il s'agissait d'une demoiselle, à priori très charmante et très saoule. Evidemment, c'était sa veine, lorsqu'il ne cherchait pas, il trouvait. Jouant les gentlemen, Lennox se détacha de force de l'emprise et prétendit d'aller aux toilettes qui se trouvaient sur leur passage pour échapper au diable et souffler. Il ne prit pas en compte la déception de la jeune femme et se dirigea derechef aux toilettes pour hommes, se soulager en cabine et y ressortir cinq minutes plus tard, ignorant le reste du monde. Ou presque. Des airs ahuris et surpris ne lui passèrent pas à côté, et il suivit des yeux l'origine des curiosités avant de l'apercevoir. Blonde vénitienne, trait du visage dur, fine, élancé, et à cent pour cent russe. Clairement pas à sa place, au milieu de toute cette testostérone. Un rictus mauvais lui apparut sur les lèvres alors qu'elle levait son regard sur lui. « Tiens tiens, mademoiselle la princesse Petrova. Perdue peut-être ? Ou en manque d'idées et de prétendants pour une nouvelle petite vidéo surprise ? » La soirée ne faisait que commencer.

Ludmi ne peut retenir son air dégoûté à la vue du diable en personne. C'est bien sa veine de tomber sur lui. Elle qui voulait simplement passer une soirée tranquille avec quelques amis, celle-ci vient de se transformer en cauchemar. Tout en lâchant un soupire qui en dit long, elle termine de se laver les mains et tente d'ignorer les propos du jeune homme. Au moins une chose est sûre, c'est toujours le même type qu'à l'époque. Une ordure. Par sa seule présence il vient de lui pourrir sa soirée. Mais Ludmi est plus intelligente que ça. Elle peut passer au-dessus, ne pas lui offrir son attention et quitter simplement les lieux sans lui adresser le moindre mot. Car c'est ce qu'il veut et c'est ce qu'il attend, que la russe lui réponde en gémissant que c'est un enfoiré, un bouc mal léché, un pervers etc (…). Et bien non, pas cette fois. Sans même lui lancer un regard elle se dirige vers la sortie des toilettes. Mais soudain elle se ravise, fait volteface et c'est avec un mince sourire narquois qu'elle lui balance avec nonchalance. « Ta braguette est ouverte … » Puis elle se retourne à nouveau sans rien rajouter de plus. Ce type lui a pourri sa première fois, son premier amour, sa première véritable relation. Il est de la pire espèce et Ludmi ne veut plus avoir à faire à lui. Qu'il la laisse vivre tranquillement sa vie. Bien sûr c'est sans connaître le jeune homme. Pourquoi lâcherait-il son joujou de la soirée.

Elle était sans doute la dernière personne qu'il s'attendait à croiser sur le campus en général, et encore moins dans un endroit aussi insolite : les toilettes pour hommes. Mais il ne pouvait pas être plus ravi. Un sourire carnassier et mauvais sur les lèvres, Lennox l'observait de la tête aux pieds, ignorant les alentours et les regards interrogateurs et parfois aguicheurs que les hommes de le pièce lui lançait. Blonde, fine, élancée, élégante, attitude de princesse, elle n'avait clairement pas sa place ici, à cette soirée, mais sa présence n'était qu'un petit bonus pour Lennox, qui s'était fermement ennuyé jusqu'ici. L'ambiance allait enfin décoller, grâce à lui. Et en vue du regard de dégoût que Ludmila lui lançait, elle risquerait même d'être explosive. Honnêtement, l'Eliot ne s'était jamais imaginé leurs retrouvailles, la pensant emprisonner à jamais en Russie dans le froid et ô grand jamais ici à Harvard, mais il n'en attendait pas moins d'elle, le dégoût clair qui se lisait sur son visage, l'envie de fuir. Chose qu'elle fit, non sans lui asséner un commentaire mature sur sa braguette, ce qui ne décontenança pas Lennox. « Déjà intéressée par cette zone de mon corps, à ce que je vois. » Con un jour, con toujours. S'il avait mûri, Lennox se serait sans doute excusé pour cette histoire puérile de leurs années lycée, mais il n'avait pas mûri et encore mieux, il avait de la rancune contre elle et sa famille pour l'avoir expulsé de son propre lycée où il était roi. Alors, il n'était sans doute pas prêt à la lâcher pour ce soir. Il la suivit alors qu'elle quittait les lieux, sous les soupirs déçus de certains occupants de la pièce et la retint par le bras. « Hep hep hep, où est-ce que tu penses aller comme ça ? Il faut fêter ces retrouvailles avec un cocktail digne de ce nom, tu ne trouves pas ? »

Une soirée de gâchée à cause de cet enfoiré. Après un bref commentaire sur la braguette du jeune homme, la russe s'empresse de sortir de la pièce. Voir sa tête, son sourire narquois, son air et son regard de sadique, ça révulse la jeune femme. C'est le diable en personne aux yeux de Ludmila. La pire personne qui puisse exister en ce monde. Une ordure. Une ordure qui aime jouer, s'amuser, torturer. Ce n'est pas sans surprise qu'elle entend à nouveau sa voix s'élever et s'adresser à la belle. « Je te déconseille de m'approcher, va en enfer Lennox » Rétorque-t-elle. C'est sûr qu'il pourrait y avoir plus d'engouement, d'insultes, mais elle ne veut pas perdre son temps avec un déchet pareil. Il lui est déjà impossible de le regarder dans les yeux tellement il la répugne. Pourquoi ne pas simplement s'ignorer et repartir chacun de son côté. Ça serait tellement plus simple s'il n'y avait pas foule. Ludmi est en quelque sorte bloquée par les étudiants qui se collent les uns aux autres. Se frayer un passage semble être mission impossible. Voulant rebrousser chemin pour trouver une autre issue, elle en oublie Lennox et lui rentre brutalement dedans. « Pousse-toi de mon chemin ». Enfin elle plante son regard dans le sien. La demoiselle ne rigole pas. Bien sûr il va rire de son air si sérieux, c'est ce qu'il fait toujours, s'amuser, se foutre des autres. Mais ce soir Ludmi n'a pas envie de jouer, encore moins de rire avec cet individu.

Dire que Lennox avait été un petit con avec Ludmila aurait été un euphémisme. Il lui avait littéralement pourri ses années lycée même, si ce n'est sa vie avec ses idées lumineuses, mais dans le temps, toutes ses idées sordides paraissaient les meilleures. Certaines personnes diront qu'il a été le diable en personne, d'autres le féliciteraient pour avoir brisé la petite princesse de Russie ; et Lennox, bien que mûri, ne pouvait s'empêcher de se mettre dans la deuxième catégorie. Ne vous méprenez pas, il avait été conscient de ses actes et de ses conséquences, notamment envers la jeune femme, et il aurait pu envisager un jour s'excuser, étant donné qu'il était censé être plus mature - selon la légende - mais il ne pouvait s'y résoudre. Pour la simple et bonne raison qu'elle avait tout aussi bien gâché sa vie en l'expulsant sans préavis de ce lycée russe dans lequel il avait commencé à s'y plaire. C'était un avis égoïste, une décision immature, mais après tout, est-ce qu'il n'était pas égoïste et immature notre petit anglais ? Il avait toujours rêvé de lui faire payer, quand bien même il avait été le principal fautif, parce que c'était ainsi et qu'il ne s'avouerait jamais fautif. Et il voulait s'amuser, un peu, beaucoup. « Bien, tu m'y accompagnes alors ? » Avait-il répliqué lorsqu'elle lui avait clairement dit d'aller en enfer, avec toujours cet air de dégoût et de haine qui brillaient dans ses yeux. Chose qui fit davantage sourire machiavéliquement Lennox. On ne refait pas le diable, paraît-il. Elle avait commencé à s'éloigner après ça, commençait à chercher à se frayer un passage entre les étudiants tous aussi délabrés les uns que les autres mais très vite, sous le regard amusé et ennuyé de Lennox, elle fit demi-tour et lui rentra dedans. Et planta son regard dans le sien avant de l'envoyer balade, encore. Trop prévisible. Lennox leva les yeux au ciel. « Oh doucement chérie, essaie de ne pas trop abîmer ce joli corps, tu ne pourrais plus l'utiliser après. Ce qui serait très dommage. » Lui chuchota-t-il, toujours cet air hautain et vicieux sur le visage. Oh que oui, il allait s'amuser. Alors sans préavis, il la prit violemment par l'avant-bras et la tira hors des étudiants en rûte qui se déhanchaient et limite copulaient autour d'eux sans aucune gêne. Ils atterrirent quelques secondes plus tard dans une section VIP que Lennox avait réservé. Toujours dans l'abus et l'opulence. « Voilà, assis-toi sagement ici et arrête d'agir comme si j'étais le Diable en personne. A ce que je sache, on était deux sur cette petite vidéo surprise, donc ne joue pas ta prude s'il te plaît. » Bien, rentrons dans le vif du sujet.