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ROSE & STEWART
cœur des femmes, abîme insondable
cœur des femmes, abîme insondable
Il y avait cette chaleur qui m'écrasait, encore et encore. J'étouffais dans mon appartement et je n'aspirais qu'à une chose : m'échapper de là. Mon balcon, aussi spacieux soit-il était bien loin d'être agréable. Tout ce bitume autour ne faisait que me renvoyer la chaleur en plein visage. L'air ambiant vibrait et ondulait, floutant l'horizon. Les joies des grandes villes. Je sortais de mon frigidaire une énième bouteille fraiche, réalisant alors que c'était la dernière qui me restait. J'en prenais de longues gorgées et me dirigeait vers mon arrière cuisine pour en attraper des nouvelles et les mettre au frais. J'avais l'impression de fondre et j'étais tout bonnement incapable de me concentrer sur quoi que ce soit. Même regarder la télévision ou lire me semblait au-dessus de mes forces. La simple idée de devoir m'asseoir contre quelque chose me décourageait. Il était tant pour moi de m'échapper de cette prison de chaleur ou j'allais finir par me déshydrater sérieusement. Je filais sous la douche -déjà la troisième de la journée- histoire de me rafraichir une dernière fois et enfilait des vêtements propres. Un jean assez léger et un simple t-shirt en haut. J'étais certes un adepte des pantalons classes et des chemises, mais pas au point de mourir de chaud. Je glissais mon portefeuille dans ma poche arrière et attrapait mes clés de voiture au passage avant de quitter l'immeuble. Je roulais jusque dans le centre-ville, vitres fermées, clim à fond. A vrai dire, j'hésitais presque à élire domicile dans ma voiture. Les 23 degrés ambiant et l'air frais soufflé étaient un véritable bonheur auquel on s'habituait.. très vite. Après avoir tourné un moment, je finissais par trouver une place libre et m'y garais en quelques manœuvres. Le moteur toujours en route, j'hésitais longuement. Continuer à rouler au frais, ou affronter la dur réalité dehors ? Mon compte en banque se portait bien, mais il n'était peut-être pas nécessaire que d'utiliser tout mon carburant. Je coupais donc le contact et après une longue inspiration et me décidais à sortir de là. La différence de température fut brutale et je me retrouvais comme assommé par le soleil. Je soufflais, claquais ma portière et remettait mes lunettes de soleil sur le nez. Diable, pourquoi n'avais-je pas penser à emporter une bouteille d'eau ? Mes neurones ramollissaient à vue d’œil, ce n'était pas bon signe. Je m'élançais, partant en direction du parc le plus proche. Un peu d'herbe, d'ombre et d'eau, voilà ce qu'il me fallait. Et si vraiment mon corps continuait de crier à l'aide, j'irais m'immerger dans la piscine la plus proche. Certes, nous étions bien loin des records de canicule, mais je n'avais jamais supporté la chaleur. J'aimais l'hiver rude, la pluie, la neige et le froid battant votre visage. Là, je n'étais pas dans mon élément et mon humeur en pâtissait grandement. Je me retrouvais à fleur de peau, semblable à une femme enceinte. Mon dieu, dans quelles comparaisons j'allais encore me perdre ? Je secouais la tête, grandement gêné par mes pensées déplacées. J'avançais d'un pas assuré, l'allure fière, un sourire décontracté sur les lèvres. Derrière mes lunettes, j'observais sans gêne les passants, mon regard se perdant parfois dans des décolletés aguichants, je me retournais même sur quelques femmes, le regard bas, mon sourire s'élargissant bien souvent. Je me repérais sans mal, habitué des lieux. J'évoluais avec aise, comme si ce sol que je foulais m'appartenait. J'avais cette fâcheuse tendance à me croire maitre des lieux à chaque endroit où je me rendais. Une manie qu'on m'avait bien souvent reproché, mais je ne m'en souciais guère. Le jour ou Stewart Maxwell prendrait en compte les remarques des autres n'était pas encore arrivé. Et j'espérais qu'il n'arrive jamais d'ailleurs.
Au détour d'une rue, j'apercevais l'enseigne d'un glacier que je connaissais très bien. C'était exactement ce qu'il me fallait pour tenir jusqu'au parc. J'en profiterais pour acheter une bouteille d'eau au passage, histoire de ne pas finir desséché. Une seule personne patientait devant moi, passant sa commande. Et il ne me fallut pas plus de trois secondes pour reconnaitre cette silhouette fine et élancée. Ces longs cheveux bruns et cet air discret. Rose. Mon sourire se transforma, j'affichais un air satisfait et calme à la fois. Voilà une occasion qui ne se représenterait pas de si tôt et, ne croyant jamais au hasard, je prenais ça pour un signe. Une chance pour moi de l'aborder à nouveau et de comprendre sa fuite incessante à mon égard. A vrai dire, je n'avais pas comprit son changement d'attitude. Et j'avais beau eu y réfléchir longuement, je n'avais pas vu ou j'avais pu dire ou faire quelque chose de blessant, voir dérangeant. Mon comportement avec la jeune femme était proche de l'exemplaire et il m'avait semblé que le feeling était aussitôt passé entre nous. Jusqu'à ce que soudainement, pouf ! Plus rien. J'avais beau avoir fréquenté de nombreuses femmes, aucune ne se ressemblait et c'était toujours un véritable mystère -je dirais même casse tête !- que d'en cerner une nouvelle. Mais j'aimais ce côté défis et la jeune étudiante ne pourrait certes m'échapper bien longtemps. J'irais de confrontation en confrontation, jusqu'à obtenir des explications et un revirement de situation. Planté derrière elle, j'attendais sagement, amusé, me délectant de sa voix, toujours aussi douce. Portefeuille en main, j'attendais mon heure. Et lorsque la serveuse lui indiqua le prix à payer, je la devançais et tendait un billet en déclarant : « Ajoutez une bouteille d'eau et deux boules vanille/passion. Merci. » Mon dieu, quel gentleman je faisais à lui payer sa commande. Fier de mon coup, je me tournais alors vers elle, un large sourire planant sur le visage. « Ravis de vous revoir. » J'employais volontairement le vouvoiement, pour diverses raisons à vrai dire. En signe de respect tout d'abord, à cause de ma positon de professeur ensuite, et finalement pour conserver une part de mystère et de distance que ne permettait pas le tutoiement, bien trop familier à mon goût. J'attrapais ma commande et remerciait la vendeuse d'un sourire lubrique. Je décidais donc de changer mes plans. Je désignais une table libre et proposais : « Vous vous joignez à moi ? » Allons, je venais de lui payer sa glace, elle n'aurait tout de même pas l'audace de me refuser ça ?
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