BRISÉIS J.-R. WATERFALL ► zoey deutch

« Mais laisse cet ordinateur un peu, et viens manger ! » Sa mère lui hurle dessus, comme la plupart du temps. Elle ne comprend pas son attrait pour les machines, pour les PCs et les codes, pour le HTML et le script. Elle ne comprend pas l'art de la communication virtuelle, ni ce jeu récent qui vient de sortir. World of Warcraft, qu'il s'appelle. Son ordinateur parvient très bien à le faire tourner, même s'il lague lorsqu'il y a trop de monde aux alentours. Elle admire son orque, un chamane guérisseur. Mais elle entend une fois de plus sa mère gueuler, et cette-fois, l'enfant de quatorze-ans en a assez. « J'ARRIVE, bon sang. » Les deux derniers mots, seule elle les entend, seule elle les perçoit. Bien sûr, avec l'éducation qu'elle a reçu, la jeune fille sait qu'elle doit se calmer, si elle ne veut pas se prendre une gifle. Elle soupire, s'habille de la robe que sa mère exige pour le précieux dîner et dévale les escaliers à pleine vitesse. Elle fait attention au virage, qu'elle effectue particulièrement bien, comme dans un jeu de course. Elle souffle, et arrive à table. Elle sourit à ses parents, comme si la situation était tout à fait normale. En fait, il s'agit d'un jour de plus dans la vie des Villeneuve-Waterfall. Les français connus de la haute société, qui se sont installés à Cambridge, au Massachusetts. La petite ne comprend toujours pas pourquoi elle a délaissé ses amis pour une vulgaire ville des États-Unis, dans laquelle elle doit parler une autre langue et se conformer à de nouvelles règles de société, mais elle s'y plie. Elle n'a pas le choix. Elle mange même, assez rapidement. « Où vas-tu comme ça ? », s'exclame sa mère, surprise de voir sa fille se lever aussitôt le repas terminé. « J'ai promis à mes amis d'aller jouer avec eux, Mère. Je serais au lit à vingt-et-une heures. », elle sourit, l'enfant, et monte les escaliers, s'enfermant dans sa chambre, une fois de plus.


La crise d'adolescence. Le refus de porter robes, froufrous et jupes. Les engueulades plus fréquentes, l'adolescente qui commence à se fermer peu à peu à ses parents, qui ne comprennent rien. Elle pose ses écouteurs sur ses oreilles et ouvre son jeu préféré, dans lequel elle a bien évolué. La nouvelle expansion est géniale, et elle ne se lasse pas d'admirer son Elfe de Sang femelle, une prêtresse. Elle se lance corps et âme dans son jeu, restant éveillée jusqu'aux petites heures pour terminer ce qu'elle fait.
Sa mère rage, parle avec son père, mais rien n'y fait. Elle est en crise d'adolescence, ça passera. Qu'est-ce que ça peut faire, si elle préfère les jeans, les shorts et les grands sweats aux robes, à la soie et aux jupes ? Elle s'en fiche, de toutes façons. Elle réussit bien, ses parents n'ont pas à se plaindre de tout les A+ qui sont affichés sur son bulletin de notes.



La première bière, avec une bande de potes. La première soirée où elle arrive à la maison, complètement déchirée par l'alcool. Certes, elle ne touche pas aux drogues, mais cela n'excuse pas que la sage petite fille s'est transformée en jeune femme, jeune femme qui porte une robe, au plus grand miracle. Convaincue par ses amies, elle a dû se plier aux exigences de sa première soirée en boîte de nuit. Elle sent déjà le regret l'envahir quant à toutes les conséquences de ses actes de cette soirée folle, de l'alcool et des rires, de son premier baiser volé par un mec qui ne lui plait même pas, outre que son physique digne d'un dieu. Mais elle s'en fiche, parce que pour le moment, tout ce qui compte à ses yeux c'est de trouver son lit. Mais les escaliers l'en empêchent, elle rampe, elle rampe sans rien trouver. Elle réveille son père, avec tout le fracas que la demoiselle de dix-huit ans fait. Il vient la prendre dans ses bras, sans jugement, parce qu'il a été jeune, lui aussi. Il la pose dans son lit, dépose un baiser sur son front et sourit. « Je t'aime, ma chérie. », quittant la chambre doucement, en fermant la porte.


Harvard.
Étudier, vivre, jouer, libérée. Enfin, elle n'est plus aux grappes de ses parents. Ces derniers ont cédé, ils lui ont laissé le droit d'aller étudier en biologie, domaine qui la passionne plus que tout. À peine arrivée dans l'université qu'elle se sent comme chez elle. Habillée de son sweat trop grand, avec son chignon décoiffé et un maquillage impeccable, elle attire les regards. On ne sait pas trop quoi penser d'elle. Qui est-elle, que vient-elle faire ici? Que vient-elle étudier, pourquoi ne peut-elle pas se décider quant à son style? Elle sent la conformité à plein nez d'où elle se tient, et elle déteste ses odeurs.
Maintenant, elle est un oiseau libre. Libre de s'habiller, de geeker, d'hacker. De faire ce qu'elle veut de sa vie, parce que maintenant, Briséis Jezabel-Rose Waterfall est en fin livrée de ses chaînes.


La liberté a un prix.
Boom, c'est le dernier son qu'elle a entendu. Brûlure, c'est la dernière sensation réelle que ses jambes ont connu. L'alerte à la bombe, le désastre. Brûlures au troisième degré sur chacune de ses jambes, et on lui dit que sur ses cuisses, elle ne pourra plus sentir le contact ni la douleur. Sa peau a été reconstruite, mais les nerfs et les muscles touchés sont anéantis. Elle le sait, elle le sent au plus profond d'elle. À chaque fois qu'elle passe un doigt sur ses cicatrices, elle espère ressentir quelque chose, un quelconque frisson provoqué par ses doigts. Elle soupire à chaque fois, mais même si cela reste un souvenir douloureux, elle ne peut s'empêcher de porter un short l'été simplement à cause de cet événement. Les cicatrices sont très évidentes, car elles sont blanchies par le temps. Elle ne les cache pas, pour elle, c'est une marque de sa vie, de son passé, pour rappeler à tout le monde les événements. Pour ne pas oublier, pour ne pas se laisser abattre. Pour prouver qu'elle est forte, et qu'elle ne cède pas facilement aux menaces.
Puis les agressions. Le cauchemar, la prise d'otage, les souvenirs qui reviennent sans cesse la hanter pendant ses nuits de sommeil. Ces événements, elle a du mal à les oublier, et son psychologue la suit de près. Elle est traitée avec des anti-anxiogènes et des somnifères, qu'elle prend trop souvent avec une bière ou un verre de vin. Mélanger alcool et médicaments, ce n'est jamais recommandé...

Mais elle ne se conforme pas, Briséis. Elle brise l'inconnu, pour mieux souffrir.