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MAY 2016 :: once best friends now strangers with memories + Je guettais ma soeur arriver, accoudé sur la ballustrade en bordure de mer. Je savais que je devais guetter un nuage de fumée en premier, puis vérifier qu'il émanait d'une brune suffisamment petite pour passer sous mon bras. Ensuite seulement, quand le champ de reconnaissance était déjà suffisamment réduit, m'assurer que c'était bien elle. Je ne fumais pas. C'était aussi l'une des raisons pour lesquelles je détestais attendre, puisque je me sentais stupide, les deux bras ballants, rien à faire à part laisser mes deux jambes supporter mon poids. Mais Tina continuait à fumer auprès de moi, même si elle savait pertinemment que je n'aimais pas ça. Dans le fond, je m'en fichais un peu; son habitude n'était pas le coeur du problème. Le vrai problème, ce qui m'agaçait le plus, c'était qu'elle persistait à faire une chose qui m'énervait même quand elle me voyait, alors que le nombre de nos entrevues s'étaient drastiquement réduit. Disons-le clairement, on ne se parlait plus. On se forçait à se voir, une fois tous les huit, quinze jours, un rendez-vous qu'on programmait comme chez le dentiste, à l'avance, qu'on redoutait parfois, et qu'on essayait d'éviter à certains moments. Parfois je me surprenais à chercher une excuse. Et faute d'en trouver une, je rentrais la tête dans les épaules pour aller au point de rencontre. On ne s'entendait plus, et ça c'était la grande première. Pour la première fois, depuis quelques mois maintenant nos points de vue avaient radicalement changé, et il était de plus en plus difficile de passer outre. Je lui en voulais d'être partie, elle m'en voulait d'être resté. Je la traitais mentalement de lâche, elle me traiter sans doute de criminel. C'était ce que nous étions pour elle. Il y avait elle, et il y avait nous. Blanc ou noir, pas d'entre-deux. On continuait de se voir, même en sachant qu'elle essayerait toujours de m'exorciser, et je lui en voulais pour ça. Notre famille n'avait peut-être pas les mains très propres, sauf qu'il fallait des gens comme nous pour que le monde tourne, sûrement pas très rond, mais au moins qu'il tourne. Sauf que ma chère petite-soeur, avec sa pensée proprette d'oie blanche, s'estimait bien trop pure, bien trop au-dessus de nous, pour s'abaisser à mettre les deux mains dans la merde. Oui je lui en voulais, et elle m'en voulait. Alors une fois tous les quinze jours je guettais le rond de fumée, en m'efforçant de me rappeler qu'elle était de la famille, et que pour moi, c'était toujours sacré - sang italien oblige. Je finis par apercevoir le rond de fumée, la petite silhouette, le visage familier.« Toujours fâchée avec les pendules apparemment » , dis-je en guise de salut.
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