GEOFFREY ANDERS ► Lucky Blue

Lettre à maman,

Tu as fait de moi cet être pourri. Tu m’as toujours détesté. Je te rappelais l’erreur de ta vie. Je te rappelais la femme ratée que tu étais, jusqu’à mon diplôme, jour où tu m’as viré de la maison. J’étais irrécupérable, tu te souviens maman c’est ce que tu m’as dit juste avant de me filer un sac rempli de mes affaires. Puis après tu as dit : « Pars et fait ta vie je ne veux plus rien savoir. Tu as pourri la mienne pendant 18 ans. Dégage, je veux plus te voir. » Dans les escaliers de l’immeuble que je descendais, il y avait ton amant qui montait. Je me suis assit pour comprendre ce qui c’était passait quelques minutes avant, je ne sais pas combien de temps je suis resté comme ça, anesthésier par la souffrance. Et j’ai vu ton amant redescendre avec ce sourire satisfait sur le visage. Cet homme t’entretenait, tu étais sa maitresse, la femme de l’ombre… Et moi, son fils caché, qu’il ignorait tout simplement.

Maman je t’ai pourri la vie, je le sais. Mais est-ce que tu sais aussi que tu as pourri la mienne aussi ? Quand j’étais tout petit je me cachais dans la chambre quand tu ramenais cet homme à la maison. Je me mettais sous ma couverture avec les mains sur les oreilles, et les larmes aux yeux. Malgré ça j’entendais encore tes gémissements et ses râles. Puis j’ai grandi et j’ai compris… Cet homme que tu aimais avait sa propre famille, il venait te voir pour du plaisir. Il voyait d’autres femmes aussi et toi tu pleurais dans mes bras à chaque fois qu’il partait on ne savait où. Pourtant tu l’accueillais à bras ouvert quand il revenait à l’appartement. 
Entre la maison où c’était l’enfer et l’école où je mettais le bordel, je me suis mis à trainer dehors de plus en plus tard espérant que tout changerai une fois rentré mais non… avec les mauvaises rencontres je me suis mis à boire et fumer au lycée. Il fallait faire comme les gens plus vieux avec qui je trainais. Et au final tu ne pensais qu’à ton amant, moi je disparaissais un peu plus chaque jour. Et lorsque tu te rappelais que tu avais un fils c’était pour lui crier dessus ou alors pleurer ta souffrance. 
Mais tu sais je t’en veux plus maman… Tu étais un être faible, seule, détruite par un homme.

Heureusement maman je n’avais jamais été seul… La fille des voisins à toujours était là pour moi. C’était mon amie d’enfance. Elle m’accueillait quand rien n’allait plus, ses parents était gentil avec moi, ils ne savaient pas pour notre famille tordu... Elle ne m’a jamais jugé. Cette fille, elle était même mon premier amour, tu sais maman, le premier amour, le vrai. Quand je la voyais j’en avais le souffle coupé, avec cette fille rien n’était impossible. Je pouvais encore devenir un homme bien. Tu sais maman pour cette fille j’aurai pu mourir je pense, tout sacrifier aussi. Et j’ai eu peur… J’ai eu tellement peur de devenir un être faible comme toi, alors j’ai continué mes bêtises je lui disais que tout allait bien à l’école mais je n’y allais pas, je lui mentais de plus en plus et comme on n’était pas dans la même école elle ne savait pas. Puis on a eu nos diplômes… Elle avait des espoirs pour nous… et sans lui dire au revoir, je suis parti tu m’a viré de l’appartement. 

Tu ne m’as jamais dit pourquoi mais ton amant m’a tout raconté… Il m’a dit que les flics avaient débarqué un matin pour fouiller la maison. Mes fréquentations c’étaient faite attraper dans une maison pour vol… Plus tard dans la journée il m’avait trouvé, je ne sais pas comment, et interroger, je les avais suppliés de ne rien te dire. Il était trop tard, ils étaient passé le matin à la maison et tu étais déjà au courant. Naïf comme je le suis, je pensais que si tu ne savais rien c’était miraculeux. Mais quand tu m’as viré ce père absent m’a tout raconté… Il leur avait dit où me trouver, et avait permis au policier de me laisser sortir seul. Il est resté assis longtemps dans les escaliers avec moi. C’était la première fois qu’il me parlait. Cet homme savait donc que j’existais depuis toujours. Il était juste plus facile pour lui, son influence, sa famille et sa bonne situation de m’ignorer. Pour finir, il m’a dit que j’étais une erreur de parcours que j’avais payé les pots cassés de vos actes mais qu’il allait m’aider à refaire ma vie loin de toi, de lui, de vous tous.
Je suis parti, avec le voilier que papy m’avait légué. Ton père avait toujours été là pour moi. Jusqu’à sa mort, il m’avait appris à être un homme. Il m’avait fait découvrir la mer, qu’il cherissait plus que sa vie. Et m’avait transmis sa passion. Tu sais maman, c’était lui ma famille. Papy et Mamie avait toujours étaient les seuls. Lors de mon départ, je me souviens encore de mamie, le bras en l’air me faisant signe et criant à plein poumon de faire attention... Et toi, même pas un au revoir, tu m’avais mis à la porte sans même t’inquiété de ce que je deviendrai.

Je me suis dirigé vers l’Europe, et je l’ai contacté pour lui dire que j’étais toujours vivant.
Je n’ai plus revu la fille, et j’ai refait ma vie… De petit job en petit job, j’ai fait le tour de la côte méditerranéenne pendant quelque mois. Et puis un jour j’ai amarré le bateau dans le port d’un petit village. Je me suis inscrit à l’école d’art de Florence et j’ai suivi des cours d’histoire de l’art.

J’ai grandi sans toi maman… Je suis devenu un jeune homme loin de toi et maintenant tu ne pourras jamais voir l’homme que je deviendrai. Certe on n’a jamais eu une relation facile, mais tu t’es laissé faire par un homme… Tu es devenu sa prisonière, et je te promets maman que je serai toujours un homme libre.

G.A.

Geoffrey signa la lettre de ses initiales avant de poser le stylo à côté de lui… Il était quelque peu remué, jamais il ne s’était réellement confier à sa mère. Depuis combien d’année il n’avait pas pris le temps de lui parler… Fermant les yeux il repense à une image du passé. Son grand père, ce vieux marin a la bar de son bateau à voile. Et sa grand-mère qui lui demandait de bien fermer sa veste. L’odeur du sel et la sensation de liberté et de bien être… Le rire de sa mère lui parvient aux oreilles, et le vent frais d’une matinée en bateau, fouette le visage de cette petite famille tordu. 
Jamais il n’avait vécu une aussi belle journée, jamais il ne pourra revivre une aussi belle journée avec cette famille. Maintenant il ne lui restait que sa grand-mère.
« Homme libre, toujours tu chériras la mer ! La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme Dans le déroulement infini de sa lame »

Geoffrey était sur le chemin pour rentrer à Boston, à bord de son voilier en solitaire. Il réfléchissait au dernier mois qu’il avait passé. La mort de sa mère l’avait plus qu’affecté, savoir sa grand-mère seule l’insupportait. Alors quelques temps après cette triste nouvelle, il était allé au secrétariat de l’école d’art de Florence pour faire une demande à Harvard… Il avait déjà été pris une première fois, mais il était parti en mer lorsqu’il s’était fait jeter. Quelque temps après il avait envoyé son dossier scolaire, malgré un comportement à l’école assez difficile ses notes avaient toujours été exemplaire sans beaucoup d’effort. Et ses études d’histoire de l’art lui plaisaient. Il savait bien qu’il ne ferait pas de sa vie, pour lui sa vie serait sur les eaux, mais il était d’un naturel curieux.
Lorsqu’il avait reçu sa confirmation pour Harvard en histoire de l’art le jeune homme avait était hyper heureux, enfin il pourrait revoir sa grand-mère et il allait faire quelque chose qui aurait rendu sa mère fière. Mais la réalité lui revint bien vite en pleine face. Il fallait payer cette école… A Florence il avait réussi à se débrouiller, travaillant en tant que serveur et puis tombant lentement sur des femmes qui le payait contre quelque service. Effectivement il avait fini par se prostituer, c’était plus un jeu pour lui, une transgression des règles, un autre moyen de se sentir libre et vivant. Malheureusement pour Harvard ses petits jobs ne suffiront jamais, c’est pour cela que Geoffrey avait fini par appeler son père, avant il payait l’appartement de sa mère… il pouvait bien payer ses études. Jamais il n’aurait demandé quelque chose de pareil mais il ne pouvait pas passer à côté d’une tel chance, une troisième année en histoire de l'art pour la rentrée 2016-2017.