ALOIS FREDRICK JOHANSEN ► Jeff Kasser

Je fixe le vide et ne comprend pas. Je voudrais crier, mais ma voix reste coincée dans ma gorge. Je voudrais frapper dans un mur et tout fait péter, mais mon corps ne répond plus à mon cerveau. Il est parti et j’ai peine à y croire. Comment est-ce possible? Pourquoi est-ce que je n’ai rien vu venir? Comment ai-je pu laisser mon meilleur ami, mon frère, s’enlever la vie comme ça? Mon regard s’embrume de larme, mon monde soudainement noyé alors que l’on chante son éloge et que le prêtre nous enguirlande avec ces histoires de foi et de meilleure vie. Apparemment, il est mieux là où il est maintenant. Bullshit j’vous dis.

Allez Johansen, tu peux y’arriver. C’est pas comme si c’était une putain d’inconnu, tu la connais depuis des années. J’me motive intérieurement, tente de trouver les mots appropriés pour aller voir Marzia. On est amis tous les deux, depuis plusieurs années maintenant et, soyons franc, j’en ai marre de tourner autour du pot avec elle. Si ça se trouve, elle ne se doute d’absolument rien. Pourquoi? Parce qu’elle m’a vu avec une bonne demi-douzaine de fille depuis qu’on s’connait. Pourquoi est-ce que cette fois c’est différent? Parce que cette fois, c’est d’elle dont j’ai envie. J’inspire un coup et tape à cette porte que je considère comme celle de ma deuxième demeure avant d’entrer comme si j’étais chez moi. Souhaitez-moi bonne chance.

Bac en poche, rêve en tête. J’en peux plus de cette vie bien rangée, je dois partir et Marzia le sait. J’aurais sacrément envie qu’elle vienne avec moi, elle sait qu’elle pourra me rejoindre quand elle voudra, mais cette vie c’est pas pour elle non plus. C’est moi qui ai envie de voyager, de voir le monde et de m’évader, pas elle. Le soleil se couche sur Boston et je regarde la ville prendre feu depuis le toit où on se trouve, surplombant la plupart des immeubles environnants. Je la serre un peu plus contre moi, retire ses cheveux de son épaule et l’embrasse doucement. Je reviendrai, elle le sait pertinemment. Quand? Aucune idée.

Aujourd’hui j’aurais donné cher pour être avec ma famille. Vous savez, pour la plupart des américains, Thanksgiving est pratiquement aussi important sinon plus que Noël. C’est le cas pour les Johansen, on ne fait pas vraiment exception à la règle. Mes parents et ma sœur me manque, mais plus que tout, Marzia. J’ai peine à croire qu’on arrive à faire durer la relation comme ça, à distance. Ça fait bientôt deux an et demi que j’ai levé les voiles et pourtant, ça semble aller relativement bien. Le manque devient de plus en plus lourd à porter –dans tous les sens du terme-, mais on fait avec…

J’en pouvais plus, j’ai craqué. Faut comprendre, un mec ne peut passer autant de temps sans avoir de sexe une fois qu’il y a goûté. Vous n’comprenez toujours pas? Je l’ai trompé. Pourquoi? Une simple phrase : Marzia est toujours vierge. Ouais, vous voyez le topo maintenant. J’suis pas fait en bois moi et, même si je l’aime plus que tout, j’pouvais pas attendre aussi longtemps.. Est-ce que j’regrette? Partiellement. Mes couilles me remercient grandement, mais ça, c’est une toute autre histoire. J’le dirai pas à Mar’, ce serait lui faire du mal pour rien je crois..

J’ai entendu dire que les étudiants d’Harvard était en Nouvelle-Écosse, au Canada. Alors j’ai pris un billet d’avion et fait mes bagages pour y faire un stop avant de rentrer. J’crois qu’elle y est, dans tous les cas j’espère. Parce que je compte bien la surprendre et lui annoncer mon retour! T’es prête bébé? J’arrive.