EDWARD J. PRIOR ► jeremy irvine

"Edwaaaaaaaaaaard ! Y a du courrier pour toi !" Ça, c'était la petite dernière de la famille Prior qui venait d'hurler dans toute la maison pour que son frère puisse l'entendre de là où il se trouvait, c'est à dire sa chambre. Pourtant, pour seule réponse, le silence. Pas de "J'arrive !" crié en retour, non, aucune réponse. Râlant dans ses dents, la brunette s'appuya contre la rampe de l'escalier avant d'hurler à plein poumons, encore. "Edwaaaaaaaaaaard ! Wouhoooooou je te parle !" Toujours rien, aucune réponse, comme si elle se trouvait seule dans la maison. Ce qui n'était pas le cas puisque Lennox, son autre grand frère, était là, lui aussi dans sa chambre. D'ailleurs, à ce propos... "Tu peux arrêter d'hurler s'il te plaît ?! J'essaie de regarder mon film !" Lui avait entendu mais au lieu d'aller chercher l'aîné, il préférait râler et se plaindre, comme toujours. Enfin, elle ne lui en voulait pas parce qu'elle l'adorait, autant Lennox qu'Edward. Seuls les parents manquaient à l'appel aujourd'hui, puisqu'ils travaillaient tous les deux alors les enfants Prior avaient la maison pour eux, ce qui n'avait rien de si exceptionnel que ça puisqu'ils n'avaient pas prévu d'organiser une fête ni d'inviter tous leurs amis. En même temps, en pleine après-midi, ça n'aurait pas été très logique... Bref, Edward ne répondait toujours pas et elle se demandait bien ce qu'il était en train de faire... Puisque monsieur ne venait pas à elle, c'est elle qui viendrait à lui. Montant les marches une à une avec précipitation, elle n'hésita qu'une seule seconde avant d'ouvrir la porte de la chambre de son frère, sans même frapper avant pour le prévenir. "Edward ! T'es sourd ou qu..." Non, il n'était pas sourd, en fait il avait juste un casque sur les oreilles, ce qui expliquait pourquoi il n'avait rien entendu. Tournant la tête en apercevant sa soeur, le garçon retira aussitôt l'appareil de ses oreilles, se demandant bien ce qu'il se passait. "Enfin ! Ça fait trois heures que je t'appelle ! Il y a une lettre pour toi..." dit-elle en s'avançant en même temps que son frère qui venait de se lever pour récupérer la lettre. Ses yeux bleus se posèrent quelques secondes sur l'enveloppe avant de se plonger dans ceux de sa petite soeur. "Ça vient d'Harvard." Il resta là, un instant, sans rien dire de plus, regardant sa soeur qui n'avait pas bougé non plus, comme s'il attendait qu'elle ne lui dise quelque chose. Ce qu'elle fit. "Allez ! Ouvre la ! Sinon c'est moi qui le fait !" Plus facile à dire qu'à faire tiens... Cette lettre, il l'appréhendait tellement et depuis si longtemps. Il savait déjà ce qui se trouvait dedans : la réponse quant à sa demande d'inscription pour l'université d'Harvard, aux États-Unis. Oui, c'était loin, sur un autre continent mais c'était ce qu'il voulait et Edward avait tellement donné pour espérer y entre, qu'ouvrir cette enveloppe, c'était le risque de voir ses rêves partir en fumée. Il avait d'excellentes notes, comme toujours, était un très bon élève si ce n'est le meilleur, avait obtenu la bourse au mérite mais cela était-il suffisant pour entrer dans cette grande université ? Pas sûr... Mais bon quand il faut y aller, il faut y aller. Quittant des yeux sa soeur pour ouvrir l'enveloppe sous son regard, il récupéra la lettre qui se trouvait à l'intérieur et alla s'asseoir sur son lit. Il se racla la gorge avant de commencer à lire tout haut. "Cher monsieur Edward James Prior, suite à votre demande d'inscription à l'université d'Harvard, j'ai l'honneur de vous annoncer que VOUS ÊTES ACCEPTÉS..." Il n'eut même pas le temps de terminer sa phrase que sa soeur criait déjà de joie en sautillant sur place avant de le serrer dans ses bras. Le Prior se laissa faire, sans broncher, trop ébahi par la nouvelle qu'il avait du mal à croire. Il ne réalisait pas encore bien ce que cela voulait dire mais l'immense joie qu'il ressentait se lisait sur son visage. "Je suis si fière de toi grand frère ! Tu vas faire un excellent médecin !" Ah ça oui, c'était certain. Tous ses efforts avaient payé, être le meilleur aussi et le jeune homme comptait bien continuer comme ça. Ce n'était pas la gloire qu'il recherchait mais simplement la satisfaction d'avoir réussi, de faire quelque chose qu'il voulait vraiment et pour lequel il avait toujours tout donné. Il n'était pas prêt de se relâcher maintenant qu'Harvard lui tendait les bras, c'était même tout le contraire...

"El'... Je peux te parler ?" C'était une autre variante du "Il faut qu'on parle." mais en un peu moins explicite, comme pour aborder les choses plus en douceur alors qu'au final, le résultat restait le même. "Bien sûr chéri, qu'est-ce qu'il se passe ?" demanda la jeune femme, un large sourire aux lèvres tandis qu'elle agrippait son petit-ami par le cou. Il sourit faiblement, le regard triste face à celle qu'il aimait, face à ce qu'il s'apprêtait à faire. Son sourire si pétillant allait tellement lui manquer... Et puis ses yeux, ses magnifiques yeux envoûtants et sa bonne humeur contagieuse.... Ah, il ne pouvait pas faire ça, lui balancer ça comme ça, de manière si soudaine. Il ne pouvait pas être celui qui allait faire couler les larmes sur ses joues et disparaître ce sourire angélique. Il ne pouvait pas mais il le devait, c'était la seule solution, la meilleure chose à faire. Pour éviter qu'elle ne souffre davantage et pour la laisser vivre sa vie comme elle le voulait. Edward ne devait pas être égoïste, même s'il l'aurait bien voulu, pour une fois. "Écoute, je..." commença-t-il en s'emparant des mains de la jeune femme pour les retirer de sa nuque, sans pour autant les lâcher une fois redescendues. "Ça va pas, qu'est-ce qu'il y a ?" Ce qu'il y a ? Le jeune homme ne pouvait pas le lui dire ou plutôt, il ne voulait pas. Mais il venait d'apprendre qu'il était malade, voilà ce qu'il y avait. Une insuffisance cardiaque. Ouais, il allait mourir. Quand ? Il ne le savait pas, mais il allait mourir. Comme tout le monde, mais sûrement beaucoup plus vite qu'il ne le devrait. Et le pire, c'est qu'il devait se priver de plein de choses, faire attention à tout ce qu'il mangeait, buvait, faisait. Même le sport pouvait être néfaste pour lui. La nouvelle était tombée il y a peu et personne n'était au courant, juste lui, ses parents et les médecins. Même ses frères et soeurs ignoraient tout. Et Edward ne comptait rien leur dire, à personne. Pas même à sa petite-amie qu'il s'apprêtait à quitter, à contre coeur. À quoi bon continuer une relation qui ne mènerait à rien ? Qui ferait forcément souffrir l'autre et dont la fin était déjà toute tracée... C'était mieux comme ça et l'anglais le savait, même si c'était difficile et que ça faisait mal. "Tu sais que je t'aime et que je ferais toujours ce que je pense être le mieux pour nous, pour toi ? Tu me fais confiance ? " "Edward... Qu'est-ce qui se passe ? Tu me fais peur là..." Réaction plus que normale et à laquelle il s'attendait. La réponse à ses questions était oui, il le savait mais pourtant, il savait aussi qu'elle n'allait pas comprendre. Qui le pourrait, en même temps ? "Elena... Je veux le meilleur pour toi et ça ne m'implique pas dedans..." "Qu'est-ce que tu racontes ?" Elle venait de lui lâcher les mains, le regardant en fronçant les sourcils, essayant de saisir les paroles du jeune homme. "On devrait s'éloigner... Je ne veux pas te faire plus de mal." S'éloigner, ce n'était pas le mot exact mais dans un moment pareil, difficile de trouver le vocabulaire le plus adapté... Il y a encore dix jours, le Prior ne se serait jamais vu faire une annonce pareille. Après tout, tout allait bien entre eux, cela faisait plus d'un an qu'ils sortaient ensemble, c'était sérieux et puis, maintenant, Edward était malade. Lui qui voulait devenir médecin, soigner les autres, c'était à lui d'être soigné. Et encore, c'était un bien grand mot puisqu'il n'y avait pas de véritable traitement, juste quelques trucs censés "améliorer les conditions de vie". Que c'était ironique... Il n'avait que vingt-trois ans et le voilà condamné.

Blanc, il y avait du blanc partout. Les murs étaient blancs, les draps étaient blancs, le tissus recouvrant son corps était blanc... Mais non, ce n'était pas le paradis, pas encore, pourtant, ça aurait pu, ça avait faillit l'être... Edward était allongé dans un lit d'hôpital, seul en compagnie des médecins. Parce que ses parents se trouvaient encore à Londres, tout comme sa soeur. Quant à Lennox... Il était à Harvard, lui aussi, mais n'était pas au courant. C'était déjà assez difficile de le gérer alors valait mieux pas en rajouter une couche avec un grand frère malade. De toute façon, le Prior ne voulait pas être vu comme un malade, comme quelqu'un en qui il fallait avoir pitié et à qui il fallait tout pardonner. C'est d'ailleurs pourquoi, ces dernières semaines, après avoir rompu avec Elena, le jeune homme s'était complètement lâché. Ses notes avaient chuté, son répertoire téléphonique avait doublé et son emploi du temps n'avait jamais été aussi rempli en soirées étudiantes et autres conneries du même genre. Il avait même quitté sa confrérie, sur un coup de tête, pensant ne plus rien avoir à faire avec ces derniers. Edward était devenu méconnaissable, le parfait étudiant s'était transformé en une toute autre personne, bien moins admirable... Profiter de la vie avant qu'il ne soit trop tard, c'était pas ça qu'il devait faire ? Si. Et ça avait faillit lui coûter la vie. "Écoutez, je sais que c'est difficile, qu'il y a un temps d'adaptation mais vous avez ingéré une trop grande quantité d'alcool, auquel s'ajoute une consommation de tabac et substances illicites..." L'anglais n'osait même plus regarder le médecin, tellement il se sentait ridicule d'avoir agi de la sorte. "Cela aurait pu vous être fatal, vous avez eu beaucoup de chance." Oui, ça il le savait très bien, la médecine c'était son domaine à lui aussi, après tout. Et pourtant, il s'était dit que quitte à mourir, autant le faire sans aucun regret, en ayant vécu en profitant à fond de sa jeunesse... Quelle belle erreur. Ce n'était pas ça, profiter de la vie. Au contraire, il y avait tellement de façons différentes de le faire. Comme d'obtenir son diplôme et de devenir un excellent médecin, comme il l'avait toujours voulu. Faire quelque chose de son existence dans le temps qui lui était imparti, c'était ce qu'il y avait de mieux. "Vous avez encore de très longues et nombreuses années devant vous alors vous ne devriez pas les gâcher." Certainement le meilleur conseil qu'il avait pu recevoir depuis des semaines. Et le premier qu'il allait écouter et suivre à la lettre.