ALASKA H. FAUCETT ► britt robertson

Octobre 2007

Elle était étendue dans ce lit d’hôpital, blanc, froid et qui sentait les traitements contre le cancer. Je l’observais, le regard triste, vide, incapable de laisser un simple mot s’échapper de mes lèvres. Elle avait été mon repère pendant tellement d’années, c’était la femme qui m’avait mise au monde, qui me parlait de la vie et de tout ce que j’étais capable de faire pour réussir. Elle mourrait, elle était en train de mourir à petit feu et j’étais spectatrice de sa mort. Ses cheveux, autrefois si soyeux, magnifiques et toujours coiffés étaient tous tombés. Elle avait les lèvres sèches, à mi-chemin entre le violet et le blanc translucide. Ses ongles n’étaient plus manucurés comme elle avait l’habitude d’en prendre soin. Et son sourire, son magnifique sourire avait tout simplement disparu. Mon père était assis à mes côtés, écoutant les bips morbides qui nous rappelait qu’à chaque instant, elle était tout proche de sa dernière heure, sa dernière minute, sa dernière seconde. Je n’arrivais plus à retenir mes émotions, et alors que je voyais qu’elle s’éteignait à petit feu, des larmes chaudes, injustes commencèrent à couler le long de mes joues. Pourquoi est-ce qu’il avait fallu que ce soit elle qui attrape un cancer du sein ? Elle avait toujours mangé sainement, elle riait à en perdre haleine, ne restait jamais trop longtemps enfermé chez elle. Ma mère était une femme qui avait ce côté altruiste rare, qu’on ne constatait que chez très peu de personnes. Elle défendait les causes justes, se battait pour ses opinions et avait une capacité à aimer sans limites. Elle tendit une main dans ma direction, comme-ci, et même avec les yeux fermés, elle avait pu ressentir la douleur que j’éprouvais face à cette impuissance qui s’était logé dans tout mon être. « Je t’aime ma chérie. Je t’aime tellement si tu savais. » Je m’approchais d’elle doucement, timidement avant de prendre sa main dans la mienne et de la serrer, comme pour me rassurer encore de sa présence. « Je ne t’en veux pas maman. Je t’aime et tu auras toujours cette place dans mon cœur. » Je posais mon regard enfantin sur son visage déformé par tous les médicaments qu’elle avait pu ingurgiter afin de ralentir son cancer. Elle esquissa un sourire, un magnifique sourire alors qu’un bip continu fini par retentir dans sa chambre. Sa main devint lourde, son visage se figea, et moi, je venais de perdre une partie de moi.


Septembre 2010

Depuis que ma mère nous a quitté mon père et moi, une relation très fusionnelle s’est installée entre nous. Mais cela faisait désormais trois ans qu’elle nous avait quittés, et j’avais besoin de m’évader, de changer d’air et surtout de commencer à prendre mon indépendance. Je suppliais jour et nuit mon père pour qu’il me laisse intégrer un pensionnat réputé en Amérique afin que je puisse y faire mes études. Après avoir insisté pendant de longs mois, il avait fini par capituler, voyant que c’est ce que je voulais réellement. Aujourd’hui, à mes quinze ans, j’entamais une nouvelle page de ma vie, je grandissais et je me préparais à trouver une voie professionnelle qui me correspondrait au maximum. Cela faisait désormais plus de six mois que j’étudiais dans ce lycée, je m’étais fait des amis avec qui je passais beaucoup de temps, et mes notes étaient plus qu’exemplaires, de quoi rendre mon père, mais surtout ma mère, fière de moi. Et c’est un jour, en me promenant dans les rues de Washington que je suis tombée sur lui. Il est hautain, froid et je n’ai jamais réellement compris pourquoi il agissait comme ça avec moi, mais il avait ce petit truc en plus qui m’a fait fondre à chaque fois. Mon premier amour. Si on m’avait dit un jour que je tomberais amoureuse pour la première fois à quinze ans, j’aurais probablement rit aux éclats. J’avais cette phobie de tomber amoureuse, celle qui vous prend jusque dans les tripes, parce que vous avez peur que cette sensation de bonheur s’en aille pour toujours. Et pourtant, j’étais persuadé qu’il était mon âme sœur, que jamais rien n’aurait pu nous séparer. « Je t’aime Samaël. » Je le regardais dans les yeux, alors qu’il ne pipa pas un mot. Il avait toujours eu du mal à dévoiler ses sentiments, je l’avais bien vu puisqu'il n’arrêtait pas de me charrier. Mais je savais aussi que je n’allais pas rester à Washington toute ma vie, que j’allais bien finir par rentrer à Sydney et qu’au final, notre histoire se terminerait.


Janvier 2016

À la fin de mes années lycée, j’étais rentrée comme prévu à Sydney, et depuis ce temps-là, je n’avais pas revu Samaël. Cette séparation m’a beaucoup fait de mal et pendant des mois, j’ai essayé de chercher des réponses à mes questions. Au bout du compte, j’ai fini par baisser les bras, j’ai réussi à tourner la page et j’ai eu d’autres relations. Cependant, jamais avec cette intensité que j’avais pu ressentir à l’époque de mes quinze ans. Désormais, je me concentrais d’avantage sur mes études, et intégrer la prestigieuse université d’Harvard était devenu un rêve. Cependant afin de ne pas m’éloigner rapidement de mon père et afin de pouvoir passer du temps à ses côtés, j’avais choisi d’étudier d’abord une à deux années dans l’une des universités présentes à Sydney. En 2015, mon départ pour Cambridge était plus qu’imminent, mais après les récentes tragédies qui se sont déroulées sur le campus, j’avais pris la décision de retarder mon départ. Ce n’est qu’en janvier 2016 que mon père accepta enfin me laisser partir pour l’université de mes rêves. Je pris alors l’avion, promettant à mon père que je viendrais à chaque fois que j’en aurais l’occasion, puis m’envolai pour Cambridge. J’allais enfin pouvoir vivre mon rêve, faire des études qui me plaisent et rencontrer de nouvelles personnes. Je n’avais qu’une hâte, c’était de découvrir les lieux et de faire de mon mieux afin de rendre mes parents fiers de moi.