Aza-Bela Chanel Ierkhova ► Olha Remez

21. 21 jours après le début de Décembre, à l'apogée du temps des neiges qu'on croit éternel, c'est ce moment qu'on a choisi pour se pointer, pour faire notre entrée fracassante sur la scène du monde. Toi et moi. 2. Parce qu'on était deux, Мое сердце. Deux entités d'un même être. Deux corps pour une même âme. Mais parce qu'on est deux, on est plus fort. Parce qu'on est deux, on incarne cette perfection auquelle le monde aspire. Et rien que pour ça, on mérite de le dominer.

1. Une famille, un pays, un avenir tout tracé. On était jeune Мое сердце, on était beau, on avait cette fragilité infantine tentée de matûrité. Les gens le voyaient mais les gens comprenaient pas. Ils voyaient pas qu'on était déjà des cheveaux de course, des bêtes de compétition, qu'on avait un nom: Ierkhov-Poutine, qu'on avait un rang, qu'on avait un standing et qu'aucun accroc serait jamais toléré. Notre oncle, c'était le président. Il avait redonné à la Russie sa splendeur, non sans quelques scandales et de manière illégale mais on vous a demandé d'ouvrir votre gueule ? Faut faire des sacrifices pour avoir des résultats. Oncle Vlad le disait et nous on le pensait, on le suivait, on le comprenait. On était formaté, on était rôdé. L'avenir était clair au dessus de nos têtes. Comme une goutte de sang sur la neige. Notre mère, c'était notre oncle. Elle s'effaçait au profit de son frère. Elle essayait de nous aimer mais elle pouvait pas, la gourdasse. Elle pouvait pas mais moi je m'en tamponnais. J'avais Oncle Vlad, j'avais Papa, je t'avais toi, mon Alek. J'avais la jalousie de maman et de toutes les autres filles pour me tenir chaud. J'avais tout votre amour et toute votre attention, à vous les hommes, à vous les mâles. Mais qui dominait l'autre ? J'avais ce que je voulais, quand je le voulais.

J'avais 8 ans, une gueule d'ange et les poneys les plus chers. J'avais 10 ans, l'oeil fier et les robes qui me plaisaient. J'avais 14 ans, le sourire espiègle, et déjà conscience de l'impact que j'avais sur les hommes. Mais je m'en branlais comme de ma première culotte parce que mon attention, elle était focalisée sur toi. T'étais ma moitié. Je réussissais vraiment que quand tu réussissais. Je bossais dur pour nous deux, que personne voit qu'on avait pas le même niveau côté étude. Je bossais pour que tu sois fier de moi. Je bossais pour qu'on te foute la paix. Je bossais pour qu'on vive nos vies dans notre prison de glace doré. Parce que pour toi, j'aurais fais n'importe quoi Мое сердце, n'importe quoi.

15. C'est le nombre d'années pour prendre pleinement conscience de mon pouvoir sur les hommes, comprendre que mes formes à peine affirmés, mes lèvres purpurines et mon regard bleu acier les rendaient fous, si je m'en donnais la peine. 15 ans pour me rendre compte que je pouvais tous les mettre dans mon pieu mais que toi t'étais l'exception, que toi, fallait pas te toucher. 15 ans pour comprendre que notre relation peut pas être si fusionnel que ça, que les gens trouvent ça malsain. Mais les gens je les emmerde. Si je peux pas t'avoir, personne t'aura. C'est aussi simple que ça Alek, t'es à moi.

7. 7 jours, il nous a fallu, pour foutre en l'air l'affaire des parents. Pour faire croire à tout le monde que toi et moi, on était incestueux sans pour autant avoir ouvert la bouche, pour me faire dépuceler par le premier mec potable venu et le jeter comme une merde. Pour mettre à taire les espoirs de mariage que nos parents et notre bien-aimé Oncle Vlad avait pour nous. Des années à nous marrer. Des années à profiter de la connerie humaine. Des années à faire imploser des vies parce que dans nos coeurs il se passent rien. Des années de connerie, de méchanceté, de fausseté, de doutes, de douceur, de chaleur et de plaisir. On est au dessus d'eux, on le sait et on le prouve, tous les jours. On a pas besoin d'alcool pour s'évader, on a pas besoin de drogue pour décoller. On est lucide, putain de lucide. Et cette lucidité, on s'en sert comme d'une arme de destruction massive. Parce que cette lucidité se paie, on a mal et on fait payer les autres. On passe pas à la caisse à la fin, rajoutez-ça à notre ardoise. On nous emmerde pas, on vous emmerde.

7. Encore. 7h pour foutre le camp de Russie. Pour rallier les Etats-Unis. On avait "merdé" pour la première fois de notre vie. Mais on savait très bien ce qu'on faisait. On avait foutu en l'air l'avenir préconçu, on avait foutu en l'air les mariages arrangés. Alors il avait fallu qu'on foute le camp. Fallait qu'on rattrape nos conneries, comme de putains de travaux d'intérêt généraux. On était beau, on était riche: j'avais l'air d'une gamine, t'avais l'air d'un homme et ensemble on devait trouver ceux qui nous sépareraient, ceux qui nous foutraient la bague au doigt et remplirait la cagnotte. Des instruments, des jouets, des bouffons, des leurres. Voilà notre mission: gérer le business de Papa sous couvert de biens immobiliers tout en nous cherchant des substituts issus de l'élite américaine. Pas besoin d'aller à l'école pour ça mais autant être le plus proche possible d'Harvard. C'était le plan, c'était le deal. On vit notre vie tant qu'on remplit les objectifs. Y'a pas d'erreurs possibles, pas d'échappatoires. Mais c'est moi qui commande, j'aime pas qu'on me dicte ma conduite. Alors c'est vous qui trinquez. Vous êtes pas contents ? Viens me dire ça dans mon pieu, qu'on voit qui domine qui.