Youth
Thirteen years old
Ça fait une semaine que je traine au skate parc et que je vois ce garçon assurer sur sa planche. Des fois après l'école il y'a même quelques lycéens qui le regardent faire ses acrobaties en restant bouche bée. J'ai jamais encore osé lui adresser la parole, c'est le genre de type intouchable, trop cool qu'on admire au loin et qu'on aime idéaliser. Mais un jour il a fait vraiment très moche, il pleuvait des cordes et au lieu de rentrer chez moi comme quelqu'un de censé, je me suis rendu là-bas ( je m'étais fâché avec ma mère la veille alors je voulais pas avoir à l'affronter. ) Il n'y avait personne, sauf lui. Il continuait de s'entrainer et même avec la pluie battante ça ne l'empêchait pas de gérer ( c'est à vous filer des complexes ) jusqu'à ce qu'il se mange une pente trop raide. Il est tombé et après trente secondes sans même faire mine de se redresser, je me suis élancé jusqu'à lui pour lui demander bêtement : «
Ça va ? » Il m'a souri comme un débile en me répondant un truc que j'ai à peine compris, j'ai rétorqué alors un simple : «
ok. » Je l'ai aidé à se relever, il boitait un peu mais rien de dramatique. On a fini l'après-midi sous un abri bus et de là on ne s'est plus quitté jusqu'à...
Fools pt.1
Fiften years old
«
Toi d'abord. » On a réussi à piquer une bouteille d'alcool dans le garage de son père, pourquoi ? Je lui ai juste demandé s'il s'était saoulé un jour ( pour savoir ce que ça faisait ) et il m'a répondu que non. Alors on a eu cette idée, celle d'expérimenter ça ensemble. On s'est caché dans la chambre de sa grande sœur ( celle qui passe sa vie chez son copain et qui a même fini par déserter ) pour être sûrs que personne ne viendrait nous arrêter. Il compte jusqu'à trois et boit une grosse gorgée en faisant la grimace. «
Alors ? » Il me répond que c'est dégueulasse, sa tronche me fait tellement rire que je suis obligé de plaquer ma bouche contre mon avant-bras pour étouffer les bruits. «
Ok, à moi. » Dès que le liquide insidieux se pose sur ma langue je me pose cette question : « pourquoi j'ai fait ça ? » C'est effectivement infect. Il se fout de moi à son tour et je le cogne pour qu'il se taise. «
Tu m'énerves. » Il sourit parce qu'il sait que c'est pas le cas, petit con.
On finit par vider plus de la moitié de la bouteille tout ça parce que j'ai commencé à le défier : « t'es pas cap de boire autant que moi. » A présent on est couché l'un sur l'autre comme deux loques. Au début j'arrêtais pas de rire et de mélanger les mots mais maintenant je veux juste dormir, j'ai les idées toutes embrumées c'est trop étrange, comme si j'étais dans un rêve hyper réel. Je tourne la tête vers lui, ses yeux sont clos. Je l'appelle d'une petite voix, son « oui ? »i pue pas du tout le mec en fin de vie, haha... «
Je t'aime. » Je sais plus ce qu'il a dit à ce moment-là ( peut-être même rien ) parce que la seconde d'après j'ai cédé à la fatigue.
Ce
je t'aime il voulait probablement rien dire pour lui mais pour moi, il signifie beaucoup... Beaucoup trop. C'était pas une déclaration que je voulais lui faire, juste, je l'aime c'est vrai et ça me dérange pas de lui dire, j'ai pas de tabou avec les mots. Il me considère comme son petit frère parce qu'il n'a jamais eu la chance d'en avoir un mais moi Noam, je t'aime plus que ça. J'ai jamais su quand précisément ça s'est imposé à moi mais c'est un fait et j'ai essayé de me convaincre que c'était dans ma tête, que je me faisais des films. Après tout, je sais quoi de l'amour moi ? Je suis qu'un gosse.
Ce truc que j'ai pour toi n'existe pas.
Pardon, je suis un peu débile sur les bords, promis je vais
t'oublier.
Nous deux, c'est rien de plus qu'une bromance. Je vais me réveiller, t'en entendra jamais parler. Je vais gérer ça tout seul, t'inquiète pas.
Fools pt.2
Fiften years old
«
C'est Alicia et toi Yuta ? » On est à la fête de sa petite-amie Clary, ce qui m'enchante grandement ( sarcasme bonjour. ) J'ai tout fait pour essayer de me dérober mais rien à faire, il m'a eu à l'usure. Je ne supporte pas de les voir tous les deux ensemble, je crois qu'on appelle ça de la jalousie. C'est un sentiment tellement naze mais j'ai pas encore trouvé LA solution, celle qui me fera passer à autre chose. J'aimerais tellement pouvoir être heureux pour lui, cesser de sourire pour de faux quand il me parle d'elle, agir comme un ami se devrait de le faire mais je peux pas, Clary c'est un sujet sensible. Il croit que je ne l'aime pas parce qu'elle fait petite princesse parfaite, c'est le genre de fille qui n'existe pas dans la vraie vie. Je me demande si Noam est vraiment amoureux d'elle ou s'il a juste fait son faible ( elle n'a pas arrêté de lui envoyer des lettres qu'elle glissait dans son casier, tous les jeudis matin durant quatre mois la fille lui écrivait des mots doux en signant seulement de ses initiales. Au début je me suis moqué en lui disant que ça faisait mauvaise comédie romantique mais quand il a commencé à lui répondre en laissant à son tour des lettres ( en les laissant exprès dépasser de son casier pour qu'elle puisse les récupérer ) je me suis dit qu'il valait mieux pas que je m'emmêle ( j'aurais peut-être dû. )
Alicia c'est la petite sœur de Clary, on a le même âge mais c'est tout ce qu'on a en commun. «
Oui c'est ça. » Clary n'arrête pas de me casser les oreilles à son sujet, elle tient absolument à ce qu'il se passe quelque chose entre nous mais elle ne peut pas comprendre que mon cœur est sous clé jusqu'à nouvel ordre. Il ne doit battre pour rien d'autre que pour sa seule et unique fonction vitale : me tenir debout. Si j'ouvre la cage, il va battre pour
lui et personne ne veut ça. «
Tu veux boire ? » Je prends le verre qu'elle m'offre et l'avale d'une traite, elle m'imite et commence à discuter de tout et de rien. On finit par monter à l'étage ( parce que je commence à me sentir mal après mon verre de trop ) pour accéder à la salle de bain. Elle pousse la porte mais la referme aussi tôt. «
Qu'est-ce que... Quoi ? » ( Je suis torché de ouf ok ? Sorry. ) Elle semble bouleversée parce ce qu'elle a vu à l'intérieur, vu que je suis curieux ( et que j'ai pas tout de connecté comme il faut ) je jette un œil à l'intérieur. Je ne vois rien ( car je n'ai pas osé trop ouvrir ) mais je parviens à deviner la voix de Noam jumelée à celle de Clary, ils poussent des soupirs qui laissent clairement comprendre ce qu'ils trafiquent à l'intérieur. C'est très simple : j'ai la nausée et le cœur en vrac.
J'ai un trou de mémoire... Comment suis-je arrivé jusqu'à chez moi ? J'étais chez cette fille et maintenant... ? Bref. Je rentre, ma mère m'attendait. Son regard est dur ( car j'ai fait le mur ) mais il s'adoucit sans que je comprenne pourquoi. Elle essuie mes joues à l'aide de ses doigts ( je pleurais ? ) Et me prend dans ses bras en me berçant comme quand j'étais petit. «
Qu'est-ce qui s'est passé mon lapin ? » Mon lapin c'est typiquement le surnom que je déteste l'entendre employer mais là, il sonne presque réconfortant à mes oreilles. «
Rien. » Elle se détache pour m'observer d'un œil critique. «
Tu as bu. » J'avoue d'un misérable hochement de tête. «
Tu vas être puni, tu le sais ? » «
Oui. » Elle me reprend contre elle et laisse le temps s'écouler, jusqu'à ce que mes sanglots se tarissent et finissent par ne devenir rien d'autre qu'une frêle respiration chevrotante,
brisée. «
Explique-moi. » Et là je vide mon sac, je lui dis pour mes sentiments pour Noam. Que je l'aime, que je souffre de le savoir avec une autre, que ma raison est piétinée par tout le reste.
J'ai peur de l'aimer maman, tu m'as toujours bassiné avec ça : un homme doit finir avec une femme, deux personnes du même sexe ensemble c'est contre nature. Je suis détraqué tu crois ? Tu vas me renier maman ? Je suis désolé, désolé, désolé.... M'en veux pas, je peux pas contrôler ce qui m'arrive. Si j'avais pu choisir je te promets que jamais j'aurais fait ce choix. Mais tu me comprends pas vrai ? Essaie deux secondes de mettre de côté la croix que tu portes à ton cou pour essayer, deux minuscules petites secondes de voir les choses avec ouverture d'esprit.
Maman m'a pris dans ses bras toute la nuit, quand le soleil s'est levé elle m'a emmené jusqu'à ma chambre et dans cette pièce j'ai sombré dans un sommeil sans rêve au goût salé... Celui de mes larmes. Quand je me suis réveillé il y'avait quelque chose de différent, je n'ai pas beaucoup d'affaires mais là, j'en avais encore moins que d'habitude. Je me suis rendu jusqu'à la cuisine mais je n'ai pas pu aller jusqu'au bout, quelque chose a entravé ma route : une valise, la mienne.
Wild pt. 1
Nineteen years old
Je le laisse m'attirer contre lui, lui ce type qui n'a pas de nom, enfin il doit surement en avoir un mais je n'ai juste pas pris la peine de le lui demander. Je n'ai pas envie de me souvenir de lui, j'ai besoin qu'il m'utilise puis qu'il claque la porte. C'est étrange d'avoir envie d'être aimé le temps d'une nuit par quelqu'un qu'on s'interdit d'avoir et qu'on nie avoir fréquenté au levé du soleil ? Tu crois que je suis bizarre ? De recommencer alors que ça ne me procure rien, toujours avec un autre pour ne pas m'attacher. Je l'ai même fait avec une fille un jour mais j'ai pleuré après et je m'en suis voulu parce que j'ai abusé d'elle, de ses sentiments pour moi pour passer pour quelqu'un de bien, essayer de m'en convaincre... Le pire dans tout ça c'est qu'elle est devenue mon amie par la suite et qu'elle ne m'en jamais voulu, je la déteste pour ne pas m'avoir maudit, je me déteste de me vouloir que du mal.
Depuis cet été là, je suis plus le même. Mes sourires sont aussi rares que la pluie dans un désert, mes nuits sont écourtées par mes terreurs nocturnes. Il m'arrive d'entendre des voix ( je suis pas fou, c'est juste un souvenir qui me hante constamment ) celle du type qui me gueulait dessus pour que je retrouve « la voie du droit chemin. » Lorsque j'ai intégré ce camp étrange où les garçons se faisaient punir et maltraiter ( la majorité du temps gratuitement ) j'ai été très docile, le plus coopérant de tous mais c'est parce que je ne réalisais pas encore ce qui était en train de m'arriver. J'ai été tellement choqué d'atterrir là, que je n'arrivais pas à y croire. Pourquoi ma mère m'aurait fait subir ça ? C'est ma maman, les mères ne sont pas censé faire ça à leurs enfants ! Sauf la mienne il faut croire.
Je n'imaginais pas qu'on puisse répandre autant de souffrances rien qu'avec des mots ou des images, ils m'ont détruit. Tous les jours on nous faisait regarder des videos projetées sur un mur, une sorte de propagande contre la communauté LGBT, l'alcool, le sexe, la drogue, tous les vices humains possibles et inimaginables. On m'a traité comme un criminel, ma chambre était juste assez petite pour y contenir un lit, je n'avais même pas de fenêtre et la porte était verrouillée à clé pour ne pas que je puisse m'enfuir ( les autres ont tous eu le même traitement. ) J'étais tellement obéissant que j'ai réussi à attiser la colère des garçons qui subissaient le même calvaire que moi car je devenais en quelque sorte le petit chouchou des... Bourreaux ( je ne vois pas comment les appeler autrement. ) Ils me donnaient des privilèges qui attisaient la haine des autres jusqu'à ce jour où l'un d'eux s'est amusé à me titiller.
«
Alors t'as fait quoi toi pour être ici ? » Je ne lui réponds pas, clairement je sens qu'il cherche le conflit et je veux l'ignorer pour rentrer au plus vite chez moi et retrouver Noam, puis... Je sais pas. C'est stupide de vouloir le revoir après tout ce temps, il va croire que je l'ai abandonné sans raison et peut même que... Qu'il ne voudra même plus m'adresser la parole. Alors je le retrouve et je fais quoi ensuite ? Je m'excuse jusqu'à ce qu'il me pardonne, quitte à ramper s'il le faut ? Puis ensuite je lui avoue tout, mes sentiments pour lui et... Non le reste je lui dirai jamais. Je suis ici parce que j'ai été pleuré comme un gamin chez ma mère tout ça parce qu'il se tapait sa meuf. Il va plus rire qu'autre chose. Je pourrais pas, je pourrais même pas lui demander de tout quitter et de partir avec moi car sa vie à lui est déjà toute construite et moi je suis la pièce rapportée dont il a déjà sans doute cessé de se soucier.
Faut que j'arrête de me morfondre, je vais faire mon temps ici, réfléchir à ce que je ferai en sortant puis... Attendre, juste attendre, le reste on verra après.
«
T'es un junki ? » Il s'avance, penche la tête vers moi ( je suis assis contre le mur du camp, le regard plongé entre mes mains. J'ai arraché quelques brins d'herbe et je m'occupe comme je peux en essayant des les nouer les uns aux autres. ) «
Non, toi t'es de l'autre bord. » Ça me fait rien, il peut dire ce qu'il veut, ça me fera rien. «
Il s'appelait comment ? » Rien. «
Noam ? » Je baisse les yeux sur mon poignet et cache ma gourmette à l'aide de ma manche, je veux pas qu'ils me la prennent, elle est à moi. J'ai échangé la mienne avec celle de Noam la première année où l'ont s'est rencontré. Parce que je m'étais moqué de nos mères ( c'est elles qui avaient eu l'idée de nous offrir ça ) en lui disant que c'était idiot d'avoir un bijou avec son propre nom écrit dessus, c'est là qu'il m'a dit : « On échange ? » Depuis, je ne l'ai jamais retiré.
Je ne réagis pas, enfin ça c'est ce que je crois. Mes poings sont tellement serrés que mes jointures en blanchissent. «
Noam donc ? » «
Arrête de prononcer son nom. » Il s'accroupit à ma hauteur. «
Pourquoi ? » Silence. «
Dis-moi pourquoi. » Je vais le tuer. «
Ta gueule. » Il rit, sans doute parce qu'il croit que comme ça j'ai l'air de rien et que je fais qu'aboyer dans le vide. « Noam. » Je l'achève.
J'ai tellement cogné ce mec que j'ai fini en isolement pendant deux semaines, je suis devenu fou. J'ai rien vu d'autres que ma « chambre » avec aucun repaire, j'ignorais quand il faisait nuit ou jour, je n'avais aucune notion du temps. A chaque fois qu'on essayait de me faire passer à manger par la porte j'agressais les « gardiens. » Je tapais dans les murs, j'hurlais, j'ai même déchiré mon propre matelas ( je sais même pas pourquoi j'ai fait ça. ) Du coup j'ai dormi à même le sol durant des nuits ou des jours ( peut-être même les deux. ) La solitude me pesait tellement que j'ai commencé à me parler à moi-même pour combler le vide ( j'ai toujours gardé cette manie d'ailleurs. ) À partir de là, je n'ai plus du tout été le même, une partie de moi est morte dans ce camp et avec elle, l'envie de retrouver Noam.
Wild pt. 2
Nineteen years old
Aujourd'hui j'ai réussi à retrouver un rythme de vie normal, même si mes rapports avec ma mère et les gens en général sont radicalement différents je continue de vivre sans repenser à ce que j'ai vécu là-bas. Si j'avais pu je me serai barré loin de cette ville, de tous ses souvenirs, de ma mère... Mais je n'ai pas pu me résoudre à l'abandonner, si je m'éclipse elle se retrouvera toute seule et elle est assez dépressive comme ça. Quand j'étais plus petit j'avais peur pour elle, qu'elle se fasse du mal et qu'elle passe de l'autre côté sans prévenir. En même temps elle n'a pas eu une enfance facile : famille adoptive ingrate et tyrannique, grossesse imprévue alors qu'elle était à peine sortie de l'adolescence, petit copain lâche qui a fui ses responsabilités de père... Elle s'est ensuite fait foutre dehors par sa « famille » un gosse ok mais pas deux, c'est ce qu'ils lui avaient dit. Elle a dû affronter ça seule, plus l'enseignement religieux excessif qui a fini par lui bousiller les neurones bref, elle s'est sacrifiée pour moi, je peux le faire pour elle.
Et
lui dans tout ça est-ce que j'y pense ? Non.
Menteur. Il n'a jamais compté.
Menteur. Ni même existé pour moi.
Menteur. Je vais continuer de faire mon chemin comme je le fais en ce moment c'est-à-dire en me mentant à moi-même, essayant de vivre avec mes faux-semblants et fermant les yeux sur tout ce qui pourrait me guérir de mes blessures car tout ce qui pourrait me soigner est
interdit. Si j'agis de la sorte tout le monde sera heureux, oui, tout le monde...