JOY NATHAN ► Gillian Zinser

Le soleil tape contre la tôle verte du van. Le chant des oiseaux se mélange au son du yukulélé et du banjo ainsi que des rires qui fusent et se propagent à travers champ. L'été arrive à grands pas, la saison préférée de ces individus qui squattent depuis quelque temps cette étendue d'herbe et de fleurs sauvages. De la fumée sort par les fenêtres du véhicule ainsi que des bruits étranges. Lorsque l'on s'approche de plus près, on peut sentir l'odeur de marijuana qui s'engouffre dans nos poumons, les bruits deviennent plus distincts et l'on peut deviner que deux personnes sont à l'intérieur. Un homme rigole. Son rire n'est pas bien vif, plutôt lourd et endormi. La seconde personne se trouve être une femme. Elle gémit, halète. L'on pourrait croire que deux adultes s'adonnent au plaisir charnel, mais la réalité est tout autre. Les jambes écartées, allongée sur un morceau de mousse mangé aux mythes faisant office de matelas, elle pousse de toutes ses forces, ses joues sont d'un rouge écarlate. L'homme lui tient la main, il n'a pas l'air inquiet par les cris que pousse sa dulcinée, peut-être même rigole t-il pour ça ? Il la lâche pour finir de rouler son joint, la femme pousse une dernière fois et échappe un cri de jouissance lorsque le petit être humain sort complètement de son corps : Joy est née. Les deux amoureux laissent l'enfant pleurer sur le matelas, encore relié par le cordon ombilical. Elle lui prend le joint de la bouche pour tirer dessus, il en profite pour lui sucer et lui mordiller le mamelon. Ça la fait rire, lui aussi, ils sont euphoriques, heureux, joyeux. "Appelons-le Joy" Lâche-t-elle sans prendre la peine de regarder le sexe du nourrisson. Le père rigole, toujours et encore, comme seule réponse et embrasse sa compagne une nouvelle fois. Il s'empare d'un couteau de poche et tente tant bien que mal de viser le cordon afin de séparer la mère de l'enfant. Il lui fallu quelques secondes avant d'être sûr qu'il ne planterait pas le bébé. Lorsque cela fut fait, il n'hésita pas à prendre le bambin dans ses bras, tout contre son torse, et lui déposer un doux baisé sur ses minuscules petites lèvres. Nombreux sont ceux qui attendaient la naissance de cet enfant, tous trépignent d'impatience à la porte que l'on vienne annoncer la bonne nouvelle. Il sort avec Joy, laissant la jeune femme à l'intérieur, et lève le bébé au-dessus de sa tête le mettant à la vue de toute la communauté. Il hurle "JOY EST NÉÉÉÉÉÉÉÉE !" Tout le monde cri, applaudit, rigole, certain se mettent à danser quand d'autre s'embrassent. Une chose est sûr, tout le monde veut porter cet enfant dans ses bras. Elle passe de main en main, touchant au passage leurs poitrines nues, homme comme femme, des dizaines de bouches se collent à la sienne pourtant elle n'a pas l'air inquiète, tout simplement parce qu'elle est enfin chez elle.

Elle court et sautille sous la pluie, ses longs cheveux blonds lui fouettant le dos à chacun de ses pas. L'odeur de la terre mouillée la rend de bonne humeur, elle se sent vivifiée et ressourcée. Mais ce qui la rend encore plus heureuse, c'est de savoir qu'il va venir lui rendre visite comme tous les soirs depuis presque trois mois, ce garçon à l'allure frêle. Elle l'avait trouvé dans la forêt à côté du campement, recroquevillé sur lui-même sous un tas de ronce et de lierre, complètement paniqué, apeuré. Elle l'avait ramené dans la caravane pour soigner chacune de ses plaies. Étonnement, il savait qu'il pouvait avoir confiance en cette jolie petite fille aux cheveux d'or, et s'était tout de suite senti en sécurité. La première semaine, il ne parlait pas beaucoup, alors Joy ne faisait que lui tenir compagnie sans rien demander de plus, tout en sachant qu'il parlerait de lui-même. Il lui fallu un mois pour ne plus hésiter à lui parler comme à une amie, un autre pour lui avouer. La jeune fille l'attendait, assise sur le portail de fortune de la clairière fait de rondin de bois, jouant avec ses pieds. La pluie avait cessé. Lorsqu'elle l'aperçue, elle se mit à courir vers lui pour le serrer dans ses bras. Peu habitué au contact, le jeune garçon se contracta mais Joy ne s'en aperçut pas, trop heureuse de le revoir. Elle lui prend la main et le traine derrière elle."Allez viens tu es en retard, ça va bientôt commencer !" C'était la première fois qu'il allait assister à une de leurs soirées, déclinant auparavant toutes les invitations qu'on avait pu lui faire. Il avait fini par craquer, fatigué et incapable de refuser quoi que ce soit à Joy. Elle se mit à sautiller de nouveau, le petit garçon essayant tant bien que mal à la suivre sous ce ciel étoilé. "Tu verras, je suis sûr que ça va te plaire !" Il ne partageait pas son avis. Ils croisèrent une femme, courant nue en direction d'une source de lumière, il détourna le regard. "Salut les enfants !" " Coucou Judie, ça commence bientôt ?" "Je crois même que ça à commencé !" Elle les dépasse, pressée d'arriver pour ne rien louper. "Mince ! Vite, grouillons nous !" Elle lâche la main du garçon et se met à courir le plus vite possible en rigolant. "Attrapes moi John !" Il sourit avant de se mettre à sa poursuite. Le petit homme lui attrape le bras mais il est trop tard, ils sont déjà arrivés. Il la lâche lentement, ébahi par le spectacle qui se déroule devant lui.  Des lampions mais aussi des guirlandes de toutes les couleurs sont suspendu dans les arbres et déposé à même le sol. Tous les occupants du campement semblent s'être réuni pour former un grand cercle au centre duquel se dresse un feu de camp. Un homme joue d'un instrument de musique mais John serait incapable de dire son nom, plusieurs individus dansent au rythme de la musique quand d'autre chantent en coeur. Tous exposent leurs nudités sans aucune gêne. "Allez viens on va trouver une place !" Joy attrape une nouvelle fois le bras de son ami pour se glisser dans le cercle, une femme et son petit garçon s'écartent pour leur faire de la place. Ils restent ainsi sans parler, écoutant et regardant le spectacle qui se déroule devant eux, Joy applaudit, danse et chante à tue-tête, John la regarde les yeux brillants, comme s'il n'y avait qu'elle. L'homme se met à conter une histoire, tout le monde est absorbé par ses paroles, sa voix résonne dans le champ. "Il te touche encore ?" Chuchote t-elle inquiète. Le petit garçon garde ses yeux fixés sur le feu qui ondule devant lui, incapable de la regarder. "Oui." Il déglutit avec peine, sa gorge comme prise dans un étau. "Tu sais que tu peux venir habiter avec nous, hein John, tu le sais !?" Une femme les interromps en glissant entre eux un plateau de toast sans viande. "Vous avez faim mes amours ?" Joy se sert, il sourit "Oui, je le sais Joy" Cela ne fait que confirmer qu'il se sent enfin chez lui.

Allongée sur le ventre dans le plus simple appareil, elle se réveil doucement grâce au lever du soleil. Elle passe sa main sur le draps froid qui aurait du être réchauffé par le corps de John. A la place de ça, elle sent un bout de papier se glisser entre ses doigts. Elle s'en saisie le sourire aux lèvre, se tourne sur le dos afin de mieux lire en dévoilant sa poitrine. Le papier est plié en deux, 'Joy' inscrit sur la première face, son écriture. Elle regarde son prénom un instant, puis le déplie pour commencer à lire, aux anges. Au fur et à mesure qu'elle avance son sourire s'efface, son visage se décompose puis s'assombrit. Elle hurle de rage, expulse toute l'air de ses poumons à s'en étrangler. Elle se lève d'un bon au pied du lit, ses mains tremblent, sa respiration est saccadée. La jeune femme fait un pas vers le bureau et balaye tout de la main, tout vole dans la pièce. Elle descend en trombe, prenant au passage la batte de baseball du jeune homme puis rejoint sa voiture et roule à toute vitesse en direction de l'école de John. Elle prend l'objet qu'elle avait déposé sur le siège passager et se dirige vers la salle de classe où il devrait être présent, bien déterminée à se faire entendre. Joy ouvre la porte de la salle d'un coup de pied, la batte repose sur son l'épaule. Tout le monde la regarde, les yeux ronds, ne voyant qu'une folle aux cheveux dépeignés. Elle essaie de paraître calme "Où est John ?" Sa respiration se fait de plus en plus rapide, incapable de se contrôler plus longtemps, elle hurle totalement hystérique. "OU EST T'IL !!!??" Elle s'avance vers un élève et balance sa table à travers la pièce.

Assise sur sa chaise à bascule, elle regarde par la fenêtre, comptant les jours qui la séparent de lui. Ses cheveux ne sont pas entretenus, aucune traces de maquillage, cette blouse blanche lui faisant office de vêtement. Elle à l'air d'un légume, aucune émotions ne traverse son visage, ni colère, ni joie. Une vieille femme s'approche d'elle, un plateau dans la main sur lequel est posé un gobelet d'eau et un autre de pilules multicolores. "Joy ? C'est l'heure de tes médicaments ma chérie." La jeune femme lui sourit, avale ses cachets machinalement et reporte son attention sur les patients qui se promènent dans le jardin. La vieille infirmière sourit puis soupir sans savoir que Joy vomirait ce qu'elle vient d'avaler dés qu'elle aurait le dos tourné.

Harvard. Jamais elle n'avait pensé continuer ses études, encore moins dans cette université renommée dans le monde entier. Contrairement aux apparences, Joy à toujours eu d’excellentes notes, plus encore en art, domaine où elle est incollable. Depuis petite, le dessin est un de ses nombreux moyens de s'évader. Cela fait maintenant un an qu'elle fait partie de la vie étudiante, et elle ne le regrette absolument pas.