KENDALL PHELPS ► sean o'pry

La première chose à savoir sur Kendall, c’est que, à la base, il est animé de bonnes intentions. Elevé en Californie auprès d’une mère dont il était alors très proche entre un grand frère et une petite sœur, il a toujours été de ces garçons qui attirent l’attention, comme s’il y avait quelque chose dans leur aura, dans ce qu’ils dégagent, qui poussent les gens à penser que tout est facile quand on ressemble à ça. Un beau brun au regard azur plutôt gâté par mère nature et vivant dans une maison beaucoup trop spacieuse pour une famille de cinq dont un étant toujours en vadrouille, superbe demeure au bord de la plage. Forcément, il ne peut que mener une existence dépourvue de toute forme de stress. Et effectivement, il fait partie des privilégiés de ce monde. Il n'a jamais eut à se soucier d'éventuels problèmes d'argent et il a toujours été de ces gens qui n'ont pas beaucoup à se décarcasser pour parvenir à leurs fins. Bien sûr, comme tout le monde, il a toujours eut ses soucis, mais des soucis d'une importance mineure. Des disputes avec des parents ou avec ses frères et soeurs, ce genre de choses qui est le lot quotidien de tout un chacun. Son enfant a été très douce. Encadrée de son frère et de sa soeur, élevé par sa mère (son père étant très pris par le boulot, il a toujours eut plus tendance à être en dehors de l'enceinte de la maison que entre les murs de cette dernière), enfant sociable et apprécié, il baignait encore dans un climat d'innocence.

La transition vers l'adolescence a été relativement calme, même s'il a été submergé par les doutes habituels. Il a cessé de se percevoir comme un enfant et a commencé à attendre des gens et plus particulièrement de ses parents qu'il en fasse de même. Il trouvait sa mère, dont il était jusque-là très complice, trop collante et désireuse de fourrer son nez dans ses affaires, mais ce n'était pas un drâme non plus. D'enfant assez arrangeant, il était devenu un adolescent avec ses petits sauts d'humeur, son insolence occasionnelle, ses doutes et ses coups de gueule. Rien de bien incroyable. Et puis, en l'espace de quelques minutes, tout a déconné.

2007 « Tu nous retrouves dans environ une demi-heure, d’acc ? » Kendall, âgé de seize ans, acquiesça de la tête en arrivant devant la porte d'entrée de la maison où il avait grandit. Sa petite amie, une jolie blonde qu'il connaissait depuis plus ou moins toujours, lui adressa un beau sourire avant de passer un bras autour de sa nuque pour l'attirer vers elle. Il la dépassait de près d'une tête, même quand elle était comme ce jour-là perchée sur une paire d'espadrilles à talons. Kendall l'embrassa affectueusement avant de s'éloigner d'elle. Il ne s'éternisa pas dans les au revoir, après tout c'était une question de minutes avant qu'il la revoit. Il sentit le regard émeraude de la jeune fille peser sur lui jusqu'à ce qu'il referme la porte d'entrée entre eux. Du porche ensoleillé, Kendall passa à le hall d'entrée désert de la maison qui avait toujours été la sienne. Il envoya valser ses chaussures et vira son sac de son dos. Il s'avançait tranquillement dans la maison silencieuse, lorsqu'il entendit des bruits en provenance du salon. L'adolescent fronça les sourcils, son sac de cours toujours à la main. Intrigué, il rejoignit le salon. A cette heure de la journée, sa mère était la seule personne susceptible de traîner à la maison d'ordinaire. Sa soeur et son frère étaient en cours, de même que lui d'ordinaire. Et pourtant, il était à peu près sûr d'entendre une voix masculine, une voix qu'il ne reconnaissait pas. Il déboucha sur le salon et se figea devant le spectacle qu'il y découvrit. Ca a déjà quelque chose de désarmant de surprendre ses parents en pleine action. On a beau savoir que les parents aussi font l'amour, ça reste le genre de vision dont on s'abstient largement. Mais là, ce fut encore pire. C'était sa mère, ses longs cheveux bruns ébouriffés et retombant sur ses épaules nues, mais elle n'était pas en train de faire la fête à son père. Le regard de Kendall passa de sa mère à cet homme inconnu. Elle ne l'avait pas encore remarqué sa présence et ce fut lui qui croisa son regard en premier. Kendall observa avec un dégoût marqué son visage rougeaud et ses boucles blondes. Ce type n'avait rien à voir avec son père. Les secondes avant que sa mère ne daigne lever les yeux sur lui semblèrent durer une éternité. Lorsqu'elle braqua ses yeux bleus écarquillés, les mêmes que les siens, sur lui, il eut beaucoup de mal à soutenir son regard et ce même s'il n'était pas celui qui devait se sentir embarrassé. « Kendall ! » L'intéressé détourna les yeux tandis que l'homme se levait précipitamment en manquant d'heurter de plein fouet la table basse et que sa mère attrapait un plaid plié sur le canapés pour s'enrouler dedans. « Qu'est-ce que tu fais là, tu n'es pas sensé être là » elle parlait vite. Kendall lui se sentait incapable de prononcer un mot, ce qui était une grande première. D'habitude, ils s'écoulaient très facilement, torrent ininterrompu franchissant la barrière de ses lèvres. Il ne rouvrit pas la bouche lorsque le type passa à côté de lui, ses vêtements rassemblés entre ses mains. « Kendall.. Chéri » la porte d'entrée claqua derrière lui. Kendall réussit à lever à nouveau les yeux sur sa mère, enroulée dans le plaid et affichant un air des plus coupables. « Papa est... » Lâcha-t'il et il n'avait pas réussi à arriver au bout de sa phrase que sa mère le rejoignit et attrapa ses deux mains dans les siennes. Kendall réprima une envie de reculer. « Il n'est pas au courant. Kendall, je... Ca ne se  reproduira pas, plus jamais. Kendall, mon coeur, il ne doit pas savoir. Il faut que tu... Tu ne dois pas lui dire. Promets le moi. »

Il n'avait jamais eut de réelles responsabilités, même au sein de sa fratrie. Il était l'enfant du milieu, ni le plus grand, ni le plus jeune. Celui qui est au milieu, celui qui vit sa vie. Il avait été l'enfant joyeux, souriant, intrépide et bavard et il était devenu un adolescent futé, intuitif, fréquemment sur la lune, rêveur, mais un gentil garçon, sans nul doute. Un garçon sans réelles histoires et qui n'avait jamais eut à vivre avec un tel poids, un tel secret et ce n'était même pas le sien. Il s'était pris de pitié pour sa mère. Sur le moment, elle avait semblé si honteuse et repentante qu'il avait concédé à garder son secret. Il avait voulu la croire, mais en la voyant faire comme si de rien n'était une fois son père rentré, il n'avait pas tardé à prendre conscience que ça allait être très compliqué. Il ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'il avait trahi son père d'une certaine façon et cette perspective le rongeait beaucoup. Il avait envie de se confier à son père, à son frère, à sa soeur, tout en n'osant pas car ils allaient en souffrir. Lui même aurait bien aimé ne pas savoir. Savoir, c'était douloureux. Alors il se mit à éviter la maison au maximum. Quand il sortait des cours (cours qu'il a toujours sut bien gérer, se reposant un peu sur ses acquis, sur ses facilités, mais réussissant néanmoins très bien), il reculait au maximum le moment de rentrer à la maison. Il passait son temps avec ses amis, amis d'enfance eux aussi désireux de mettre de la distance entre tous leurs problèmes et eux. Ils passaient leurs soirées à se défoncer, à fumer, avant de se laver à fond les dents et d'enchaîner pastille à la menthe sur pastille à la menthe pour essayer de se débarrasser de l'odeur avant de retourner chez maman et papa. D'une façon générale, Kendall n'avait jamais été un enfant gâté hyper propre sur lui. Malgré le milieu dans lequel il avait grandit, il avait toujours été très simple, tant dans sa façon de présenter que de se comporter. Lorsqu'il sortait avec ses parents, tout apprêté, il avait l'air du genre de garçons qui piétine les autres sous les semelles de leurs chaussures impeccablement cirées, mais ce n'était pas lui. Il était plutôt le garçon qui passerait sa vie torse nu et en short de bain avec du sable entre les orteils s'il le pouvait. Il avait un besoin d'authenticité, repoussant d'une main tous les artifices allant bon train dans son milieu.

Il avait toujours aimé les choses simples et n'avait jamais été dépensier à contrario de sa petite soeur notamment qui avait tout de la gamine bcbg qui veut s'habiller comme sa mère. Il voulait être spontané, indépendant, mener une vie à la hauteur de ses espérances, mettre son empreinte sur le monde. Garçon idéaliste, rêveur, à l'imagination débordante. Il aurait aimé redessiner le monde selon ses critères, mais à défaut de pouvoir réellement le faire comme il le voudrait, il était bien décidé à le modeler de sorte à en être satisfait. Il n'a jamais eut envie de devenir un clone de ses parents et la trahison de sa mère l'enfonça dans cette certitude. C'était ses parents et il les aimerait toujours, mais il se refusait à devenir comme eux. Il ne crachait pas sur son milieu, sur sa vie confortable, mais il voulait plus que ça. Il ne voulait pas de ces faux semblants, de ces mensonges dans lesquels il se retrouvait englué. Mais il était mineur, il vivait avec ses parents et à défaut de pouvoir se débarrasser de tout ce poids qu'on lui avait mis sur ses épaules, le poids de ce secret dévastateur, il se défonçait pour oublier, pour rentrer sans sentir le poids de la culpabilité l'écrasant de toute part.

Ses parents en étaient profondément insatisfaits. Leur fils dynamique avait désormais souvent le regard vide. Il avait toujours eut tendance à décrocher un peu, à être dans la lune, mais là, c'était flagrant et ils ne supportaient plus ça. Sa mère souffrait d'avoir perdu sa complicité avec lui. A une époque, son petit garçon venait toujours vers elle quand il avait un problème quelle que soit l'importance de celui-ci et voilà qu'il ne lui disait plus rien. Quant à son père, qui n'avait pas toutes les cartes en main pour comprendre les raisons de l'attitude de son fils au delà de la classique crise d'adolescence et qui avait le sentiment que ce dernier était en train de lui échapper, il le pris un jour directement, en lui demandant ce qui n'allait pas chez lui. Toute la famille était rassemblée dans le salon, ce même salon où des années plutôt il avait surprit sa main en train de coucher avec inconnu. Elle était là, assise bien droite dans le canapés tandis qu'il se faisait attaqué par son père. Et tout a coup, c'en a été assez. Il avait trop longtemps gardé ce secret, le moment était venu que ça sorte, que ça se sache et tant pis si leur famille devait en souffrir. En ce qui le concernait, le mal était déjà fait. Il tenta une dernière fois de pousser sa mère à la confidence, de la détresse dans ses yeux bleus, mais elle resta suspendu à ses lèvres, le suppliant en silence de se taire. Mais il ne se tut pas. Les mots se déversèrent douloureusement de sa bouche. Il annonça à son père qu'il avait été trompé il y a des années et qu'il le savait depuis l'âge de seize ans.

Le couple de ses parents n'y survécu pas. Son père demanda le divorce deux mois de thérapies plus tard. Kendall était à la fois soulagé et encore rongé par la culpabilité. Son père lui en voulait de s'être tût et il en voulait à sa femme d'avoir osé lui demander de se taire. Il n'aurait jamais dut vivre avec un tel poids, c'était ce qu'il lui avait dit ce fameux soir où toute la famille était réunie au salon. Tout ça remonte aux 18 ans de Kendall. A l'issu du divorce de ses parents, sa mère garda la maison de son enfance et son père partit vivre à Las Vegas où c'était plus pratique pour lui de toute façon, avec le boulot. De son côté, Kendall fit sa rentrée à l'université d'Harvard où il avait été reçu et où il allait étudier les mathématiques, sa matière de prédilection. C'était l'occasion pour lui de s'éloigner un peu du cocon familial explosé.

Depuis, les choses ne se sont pas franchement arrangées et la famille n'est pas franchement un sujet qu'il aime aborder. Son frère aîné a finit ses études, études qu'il avait fait pour sa part à Berkeley et est aujourd'hui à Vegas avec son paternel qui le prépare à reprendre l'entreprise familiale et sa petite soeur est avec lui à Harvard. Les rapports avec sa mère sont encore difficiles, de même que ceux avec son père. Et ça le pèse, ça le pèse beaucoup même s'il s'est fait à la situation. Il faut bien de toute façon. Alors il poursuit sa vie, tant bien que mal. Elève qui réussit, il est aussi ce garçon qui plane un peu, qui adore s'amuser et qui sort beaucoup. Il s'amuse, profite au maximum de la vie universitaire et tout ce que cette dernière a à lui apporter. Il veut s'amuser, découvrir qui il est, préparer son avenir en douceur. C'est ce à quoi il s'adonne jour après jour.