Tourner la page ♠ Jasper

Une nouvelle vie commençait. Lyra n'avait pas débuté les cours mais elle avait hâte, pour le moment, elle devait emplir le vide de son temps et accessoirement travailler. En tant que freelance, le travail n'était pas régulier mais payait bien en général. Puisqu'elle était une étudiante harvardienne en devenir, on l'avait chargé de réaliser la séance photo d'un ancien président de confrérie maintenant prometteur. La Blasée avait parcouru les méandres d'Internet à la recherche de son visage, en bonne curieuse, elle avait ainsi contemplé les traits de Jasper Oscar Ellington puisque c'était son nom. Un type au Cv parfait, avec le sourire parfait et les yeux océans parfaits. La perfectitude quoi. Soupir aux lèvres. Mademoiselle Enthousiasme se pare de ses plus classiques attraits, un jean, un tee-shirt et les cheveux en bataille. De quoi émoustiller lorsqu'on frappe à  la porte du chevalier, appareil reflex en main. La porte  s'ouvre bientôt sur le Galant. « Salut. Je suis Lyra Strudwick , je viens pour la séance photo du Boston Business Journal. » Sourire ultra-bright sur la façade négligée mais ma foi fraîche, elle attend son sort  en relevant son objectif comme pour se justifier.

D'accord, disons que j'ai eu un passage à vide. Un vide qui ressemblait au sentiment amoureux, un truc qui te fait oublier jusqu'à ta propre essence. Disons que j'ai oublié que la personne la plus apte à m'apprécier à ma juste valeur, c'était L'Ellington. Celui-là même qui pose ses doigts sur l'ossature de ses traits, qui dessine sa mâchoire face à son miroir. Qui doute de son reflet, une seconde. Entre le nom et l'image, j'aurai préféré qu'on prime le premier. J'ai pas envie qu'on retienne mes yeux, mais combien mon intellect est brillant. Alors moi aussi, je soupire quand la porte nous sépare. Va jusqu'à elle, et l'ouvre avec le sourire qui va bien. « Salut. Je suis Lyra Strudwick , je viens pour la séance photo du Boston Business Journal. » Tu fais bien de lever l'appareil, puisque l'homme a besoin de cette confirmation matérielle visiblement. « Et je suis l’œuvre vivante que tu dois photographier. » Un sourire amusé aux coins des lèvres, la provocation est une belle parade pour cacher la légère faille dans l'égo. La laisse entrer dans l'appartement, le bras tendu vers l'univers tellement asptisé que Jasper semble avoir juste commandé des pièces entières chez les potes de Zlatan. On est pas loin de la vérité. « T'es.. en stage là-bas ? » Qu'il ose maladroitement, l’œil lorgnant sur l'apparence féminine. Ouais, il s'attendait pas vraiment à ça.

Le clair des prunelles observe, s'amuse puis s'exaspère, il a vraiment la tronche d'un prince disney ce mec, c'est un peu perturbant. « Ouais, ton père s'appelait Eric non ? » Référence à la petite sirène. Sans doute qu'il comprendra pas mais elle s'en fout, ça la fait sourire, l'ironie aux lèvres. La demoiselle pénètre dans les lieux enchanteurs et s'étonne pourtant au décor auquel elle s'attendait. C'est toujours plus impressionnant de voir ce genre d'endroit en vrai. Elle observe mais elle se sent observée aussi d'ailleurs et sa question ne tarde pas à tenter d'égratigner son ego, ce qui est un peu difficile quand on est déjà qu'une écorchure. « Pas vraiment. Tu sais sans doute comment ça marche, non ? » Elle lui prête un nouveau sourire en écho au sien. « Je bosse à la pige. » Autrement dit, ils vont pas non plus se payer le luxe d'un photographe de stars pour Jasper Ellington, n'en déplaise à Monsieur Parfait. Ses épaules se haussent. « Mais je suis encore étudiante en même temps, donc bon. On va dire que tu vas m'aider à progresser, et ça tu connais non ? » Elle avait lu les mérites de l'ancien président Dunster, sociable, encourageant, une vraie âme de leader. Alors, il semblait tout dédié à prendre les apprenants sous son aile démesurée. « Tu préfères l'intérieur ou la terrasse ? Je pense que la baie serait un bon compromis. » Parce qu'elle a un avis tout de même mais qu'elle ne veut pas le braquer, si ce n'est pas déjà fait.

Même moi, je saisi le ridicule de la situation. On vient chez moi, pour me photographier. On passera le fait que j'ai essayé une quinzaine de pauses devant mon miroir, comme une pucelle qui se prépare pour le grand soir. Puis, je me suis auto-consterné, auto-jugé, auto regardé de mes prunelles naturellement, purement, désespérées. Même leur bleu ne semble plus aussi hypnotique. Alors, tu sais, ton Disney, ça me passe au-dessus. L'homme se contente d'une espèce de grimace, pas assez prononcée pour être flagrante. Juste suffisante pour témoigner du fait qu'il n'a rien comprit, mais qu'il craint de passer à côté d'une référence. Puis, même qu'il est un peu vexé, l'Ellington, qu'on recrute une débutante. Le tact ayant oublié de se pencher sur son berceau, il est prêt à asséner une nouvelle salve d'atteintes à l'ego de la photographe, mais, la Maline le ceuille de son compliment. Idiot qui tombe dedans, avec le sourire qui va avec. « Tu t'es renseigné sur ton sujet, c'est déjà ça. » Je prends toutes les fleurs, je m'en fais des bouquets. « Tu l'as déjà fais ? » La suit du regard, puis des pas, quand elle est dans l'appartement. Essaye de suivre ses prunelles sur leurs destinations. « .. des photos pour un magasine, j'entends. » Ouais, j'avais comme l'impression de balancer une question aux résonances étranges. « Je.. j'ai jamais posé, alors.. » Et comme on le sait, les premières fois ne sont pas les plus brillantes. Gonfle ses joues, les mains dans les poches, les épaules hautes. Gamin peu assuré. « Je te fais confiance, la baie c'est bien. » Ses lèvres se pincent, il tripote sa chemise blanche remontée sur ses avant-bras. « La tenue ça va, ou.. ? » J'ai envie de me jeter des trucs aux visages. Le roi est un bouffon quand il ne maîtrise pas.

C'était naturellement qu'elle avait fait des recherches sur le sujet du jour, à savoir le specimen en face d'elle. Elle apprécie le fait qu'il en soit flatté. C'est toujours plus évident d'amadouer un Orgueilleux. Pourtant, il ne semble pas avoir besoin de compliments derrière ses traits parfaits et ses prunelles précieuses. Mais ce genre d'individu semblent toujours avides d'attention. « Oui, je me renseigne toujours sur mes sujets. Président populaire de la Dunster House, major de ta promotion, Chef de l'entreprise familiale, on peut dire que tu n'as pas fait semblant pour ton passage à Harvard. » Elle lui sourit gentiment. « Je pense que le mien sera plus discret ou tout du moins pas connu pour les mêmes raisons. » Il fallait se rendre à l'évidence, l'élite ce n'était pas pour elle et ça ne le serait jamais. Elle n'était pas recommandable. Sa question lui arrache un sourire certes lubrique. Voilà que des idées peu recommandables passent dans le tortueux de son cerveau, allez savoir pourquoi ce genre de lien se fait, mais il y semble sensible ou bien y prendre le même chemin. Le céleste féminin se pose sur l'océan masculin, habile « Bien sûr. » rétorque sa voix fluette. « Plusieurs fois même et à différentes occasions. » Elle opine de la tête pour le rassurer , elle lui montre la baie vitrée, pour le laisser précéder alors que le Brillant semble avoir besoin de réassurance. C'est presque mignon. La Photographe le détaille de haut en bas, et s'approche de lui finalement. Elle attrape le col de chemise et y laisse glisser ses mains jusqu'au premier bouton qu'elle détache prestement. « Là c'est parfait. » Elle lui sourit une nouvelle fois avant de reculer. « Décontracté, mais pas trop. Du genre, tu vois je gère ? Je suis brillant mais swag quand même. » Elle laisse échapper un petit rire avant de déclencher l'objectif quelques fois pour tester l'exposition. « Allez Jasper, laisse-toi aller, on va juste prendre quelques clichés spontanés pour commencer. » Se laisser aller, ça n'a pas l'air d'être vraiment son genre, mais peut-être qu'elle peut lui apprendre pour cette fois.