LAÏNA-DOAN L. A.-JÄGER ► dannie riel

La vie nous force à être forts en nous confrontant à des évènements qu’aucun d’entre nous ne devrait avoir à affronter. Je ne suis pas la plus à plaindre, évidemment ; et je ne souhaite même pas que l’on me plaigne. Nous avons tous notre vécu, nos petits tracas quotidiens. Certains ouvrent leurs bras à tous ceux qui proposent de leur donner un coup de main, mais je ne suis pas comme ça. J’ai ma fierté, quelque part. Je suis cette femme indépendante, à l’esprit particulièrement compétiteur et perfectionniste. Pourtant, Dieu seul sait à quelle point je peux être une crème dès lors que je fais face à des personnes qui, je le pense, en valent la peine. Je n’offre que peu ma confiance, encore moins aux hommes, car la vie m’a appris à me méfier sans trop en abuser pourtant. Je ne pense pas être l’une de celles qui partent dans l’extrême, au contraire ; je sais peser le pour et le contre peu importe la situation. N’est-ce pas l’une des qualités requise pour devenir médecin, en plus d’une intelligence certaine ?

Je suis cette femme caractérielle, lunatique, avec une pointe de provocation – une très grosse pointe – ; mais je n’en suis pas moins douce. Sans doute suis-je comme un renard : sournoise et pourtant si loyale à mes proches. Mon côté fêtarde m’a apprise à être d’une extraversion et d’une convivialité rares ; je suis toujours prête à partager un verre avec un parfait inconnu, du moment que ça en reste là. Je suis cette femme respectueuse, mais pourtant si exigeante, en amitié ou en amour, rêvant de ce romantisme presque mort à l’heure actuelle. Malheureusement, je me trouve souvent à gaspiller mon énergie et mon argent dans des achats peu importants, à savoir en maquillage et en vêtements. Je me ruine non seulement dans le milieu de la mode, mais aussi en nourriture ; parce que, malheureusement pour moi et pour celui qui aura le malheur de partager ma vie, je suis un véritable estomac sur patte. C’est comme une drogue. Ma drogue à moi. Mais, fort heureusement, je suis très sportive à mes heures perdues !

La nature était partie pour faire de moi ce dont je ne voulais pas. Grâce à mon père, d’origine chinois et suisse, et à ma mère, une bonne laotienne, j’ai été peu fournie physiquement parlant. Je me trouve être non seulement petite de taille, mais on ne m’a pas offert les attributs désirés par tant de femmes. Alors, armée de mon désir le plus profond de devenir l’une de ces femmes super sexys, j’ai économisé – je me suis privée – jusqu’au jour où j’ai eu l’occasion de passer sur le billard.

D’ailleurs, en parlant de mes parents… Ils m’ont inculqué une éducation plutôt stricte et m’ont fait intervenir très tôt dans tous les aspects de leur vie : je devais aider à la maison, à cuisiner, à faire le ménage, mais également intervenir dans le restaurant de mon père, à Berlin, pour lui venir en aide dès lors qu’il en avait le besoin. Je n’ai pas eu d’autre choix que de leur obéir au pied de la lettre. Ma mère, en bonne institutrice qu’elle était alors, portait une forte attention à mon travail scolaire. Elle m’a d’ailleurs poussée à apprendre de multiples langues tout au long de ma scolarité, ce qui fait de moi une espèce de polyglotte. Car je ne pense pas que parler à la fois allemand, français, chinois, laotien et anglais soit donné à tout le monde. J’ai quelques notions d’espagnol, mais rien de spécialement impressionnant. Mon père, de son côté, n’a jamais été très présent pour me soutenir étant donné qu’il a toujours été très occupé par son emploi. Mais quoiqu’il en soit, avec des parents comme les miens, difficile de ne pas frôler l’excellence scolaire. Ils ont très vite posé sur moi une forte pression, d’autant plus que je me trouve être leur seule enfant.

Grâce à une bourse notamment, due à cause de ma belle scolarité, j’ai eu l’occasion d’entamer des études de médecine à Harvard pour poursuivre mon rêve, il y a sept ans maintenant. J’ai eu le chic pour attirer plusieurs fois l’attention sur moi, mais je ne vais pas me plaindre : c’est une chose que j’apprécie tout particulièrement. J’apprécie d’ailleurs en faire trop, souvent, ce qui me vaut une réputation de fille à la fois superficielle et hautaine, mais surtout de fille facile. Mais que nenni !