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J'viens de passer une salle nuit, j'ai pratiquement pas pu dormir, une nuit seule à l'accueil avec les quelques flics de nuit qui étaient là. Je baille, je m'étire et j'ai mal de partout. Ma conscience me joue des tours, j'ai pris le temps de réfléchir toute la nuit et je me rendais compte que j'avais peut-être fait une connerie, que j'étais allé trop loin hier en le faisant embarquer par les flics et je pouvais pas me résoudre à rentrer chez moi, dormir dans un lit alors que lui était là coincé sur une planche de bois tout seul. C'était impossible.. Mais comme il me l'a dit, les jeux sont fais, c'était la guerre entre nous autant que l'amour c'était la guerre et elle s'arrêtera que lorsqu'on crèvera de nos conneries. Pas avant, une guerre où la seule issue était la mort d'un de nous deux ou peut-être tous les deux. Je me lève et m'approche vers le flic au guichet, le visage fatigué, la tête dans le cul et les yeux affaiblis par le manque de sommeil. - Bonjour.. Est-ce que Noah d'Aremberg sort aujourd'hui ? Dit-elle alors que c'est moi qui l'ai envoyé derrière les barreaux hier, heureusement que c'était pas la même équipe qui est de garde aujourd'hui. - Il faut encore que quelqu'un paye sa caution mademoiselle. Il me dit en regardant sur son ordinateur. Je baisse la tête, prête à retourner à ma place et finalement je me rétracte pour reposer mes coudes sur le comptoir. - C'est possible d'aller le voir ?.. Je demande alors d'une voix mielleuse, je ne pouvais pas attendre une seconde de plus, j'aimerais tellement lui demander pardon, pardon de l'avoir fait enfermer ici mais mon ego m'en empêchera. Le jeune brun en face de moi hésiter une seconde, puis finalement se lève en acquiesçant. Enfin ! Mon cœur bat tellement fort, tellement vite, j'étais à la fois heureuse de pouvoir le voir et paniquer sachant pertinemment que j'étais pas la personne qu'il voudrait voir à ce moment-là. Je le suis à quelques pas derrière, appréhendant le moment où j'allais me retrouver face à lui, je mordille ma lèvre nerveusement et croise mes mains avec anxiété, ma respiration est bloquée et je me demande si j'fais bien de lui rendre visite. Le flic se met sur le côté pour me laisser entrer, la pièce est silencieuse, il repart en me faisant un signe de tête en guise de réponse à mon sourire de remerciement. J'approche doucement de sa cellule, je n'étais pas pressé d'arriver à sa hauteur ou en fait.. Si, je l'étais.. Non j'avais peur, mais tellement besoin de le voir. Je viens me planter devant les barreaux, déglutissant amèrement ma salive et je m'approche doucement, posant mes mains sur les barreaux, mon front collé dessus. - Je.. Je dis d'une petite voix tremblotante, pétrifié sans oser le regarder, la tête baissée. - Je.. Désolé.. Pardonne-moi du mal que je provoque, de te détruire, de vouloir que tu me détestes alors qu'au fond, moi je t'aime à en crever, même si tu l'sais pas, que je ne le dis pas, je t'aime plus que tout et j'ai envie de crever de t'faire subir ça.. Seul un mot à daigné sortir d'entre mes lèvres asséchées.
Je regrette ma connerie, je ne pensais pas que tout ça irait si loin, c'était qu'un putain de jeu à la con pour moi, j'avais pas pensé aux répercussions que tout ça pouvait avoir ni qu'il m'en voudrait à ce point. Je sens alors une ombre s'approcher de moi, je n'arrive plus à bouger d'un poil et, mon regard fuit le sien. Je sens qu'il approche, doucement, comme s'il était prêt à me bondir dessus et c'est sûrement ce qu'il aurait fait s'il n'y avait pas eu ces barreaux entre nous.. - Mais.. Il ne me laisse même pas le temps de finir ma phrase qu'il me demande de partir, me stoppant dans mon élan, bloquant mes regrets, ma peine, je fronce les sourcils vers lui, il ne voulait rien entendre, je pouvais lire la rage sur son visage et la méchanceté qu'il peut garder en lui. J'avais jamais vu ce côté là de Noah et, j'ai encore plus mal, plus mal de savoir que j'étais vraiment allé trop loin, que je l'avais poussé à bout hier en inventant cette mise en scène ridicule pour me venger de lui, des sentiments que je pouvais avoir et de sa façon d'en avoir rien à battre. - Attend laisse moi par.. Et je me fige sur place, relevant les épaules et fermant les yeux tellement forts comme si j'attendais le moment fatidique où il me cognerait. En imaginant les scènes de violence entre mon père et ma mère, en un hurlement il avait remué tout mon passé.. C'était comme une habitude, comme si le fantôme de mon père venait de revenir et que j'attendais qu'il me tabasse encore une fois. J'étais tétanisé, mes mains n'avaient pas lâché les barreaux et avaient blanchi à force de trop serrer autour d'eux. Mon visage crispé, j'ai envie de fondre en larmes d'une minute à l'autre, mais la voix du flic me ramène à moi, me rappelle que non, mon père était mort, que ça n'était pas lui en fasse de moi et que je n'avais pas de quoi avoir peur.. Que je pouvais rouvrir les yeux. Ce que je fis, et je voyais un Noah enragé en face de moi, la bouche entrouverte je ne savais pas quoi dire, je n'avais pas répondu à la question du commissaire, j'étais resté bloqué pendant quelques secondes qui semblaient être une éternité pour moi. - Oui.. Ça va, ça va. Je répondis alors d'une voix des plus calmes, d'un faux sourire, un regard encore apeuré dans celui de Noah. - J'partirais pas d'ici.. Que je lui murmure entre les barreaux qui nous faisaient encore obstacle. Pas sans toi.
Je persiste, je reste là devant lui alors qu'il n'a qu'une seule envie et je peux la voir clairement là, au fond de ses prunelles, cette envie de vouloir me tuer, son regard n'a jamais été aussi intense, aussi dur et aussi noir qu'aujourd'hui. Il n'était pas le même, il était une toute autre personne, différente de ce que j'avais pu voir jusqu'à présent. Je maintiens mon regard malgré la chair de poule qui envahit mon corps tout entier, par l'angoisse et l'effroi, pas peur des coups non.. Peur qu'il ne veuille plus jamais me regarder, me voir, être là.. Peur qu'il me déteste vraiment, qu'il ne me donne plus signe de vie après ça parce qu'il est devenu indispensable à ma vie, que j'ai besoin de lui pour exister. J'entends des voix lointaines mais je n'y accorde aucune importance, mon regard est plongé dans le sien, mon cerveau est en surchauffe à force de trop penser et j'entends le verrou, je sursaute légèrement, un homme, imposant, je prends le temps de l'analyser un petit peu et je lance un regard à Noah. Son visage a changé, il est passé de la rage à la peur et je fronce les sourcils sans vraiment comprendre ce qu'il se passe, la tension dans cette pièce était devenue beaucoup plus palpable. Ce qui semble être son père passe près de moi, me bouscule avec dédain et me toise d'un regard arrogant. Il s'prend pour qui ce vieux connard ?! Bon okay j'avais légèrement envoyé son fils derrière les barreaux pour une nuit mais bon, ça il en savait rien.. Fin j'pense. Et je suis absorbé par le père et le fils face à face, je ne reconnais pas Noah, je ne retrouve pas en lui sa façon d'être sûr de lui comme il en a tellement l'habitude. Non, j'ai l'impression de voir un chaton sans défense face à un lion affamé, de voir ma mère face à mon père. La grille coulisse et laisse sortir la bête, je recule instinctivement comme appréhendant sa future réaction mais non, nada, que dalle, la première chose qu'il fait c'est de se justifier auprès de son père, je suis dans mon coin silencieuse. La voix du grand homme résonne, une voix ferme et sèche quand je vois sa main se lever brutalement, je fais automatiquement un pas en avant comme pour me mettre au milieu, mais tout se passe tellement vite que j'entends le bruit sourd de la gifle qui me fait sursauter. Je le regarde, la tête baissée et j'ai envie de pleurer, pleurer comme jamais je ne l'ai fait, mes lèvres tremblent et je regarde l'image de son père avec dépit, aversion antipathie.. Je le déteste, le déteste de lui infligé ce genre de châtiment. Je reste encore quelques secondes debout en face d'eux jusqu'à ce que son père fasse demi tour, je me décale légèrement, regardant la silhouette du coin de l'œil d'un regard froid quand il passe à proximité. Je n'ai pas le temps de dire un mot que Noah s'en prend à moi, je me recule légèrement, j'avais mal, tellement mal de ses mots, de ce regard que je voudrais effacer pour retrouver l'ancien mais je sais que c'est impossible.. Plus maintenant. - Attends.. J'attrape sa main au vol pour le ramener ici, je ne voulais pas qu'il s'en aille, pas comme ça. - J'savais pas j'te jure que j'savais pas que ça irait aussi loin.. Je serre son poignet du plus fort que je puisse à l'aide de mes deux mains, le regard sincèrement désolé.
Pourquoi fallait toujours que ça parte aussi loin avec lui, pourquoi on était toujours contraints d'aller à l'extrême tous les deux, c'était notre façon à la con de se dire à quel point on déteste ce qu'on pouvait ressentir l'un pour l'autre ? Je t'aime à la mort. T'aimer me fait me détester, le montrer est détestable et pourtant je ne cesse de le faire. On est pas doué pour ça, je ne le suis pas, je sais pas comment ça marche, j'ai jamais su ce que c'était que de recevoir de l'amour ni même d'en donner ! Mon père ne m'avait fait cadeau que de sa haine, alors je fous tout en l'air, encore et toujours.. Je n'arrête pas de tout détruire, de tout mettre en cendre. Comme là, comme hier, comme ce genre de connerie que je peux faire sans réfléchir, sans penser aux conséquences et la seule chose qui me reste à faire à la fin c'est de m'en mordre les doigts bêtement. Parce que j'étais bête, parce que j'étais à côté de la plaque, dans ma werss, parce que le monde était trop pourrie, ma vie était chaotique alors je m'invente le mien. Là où tout était plus simple, mais la réalité de la vie m'a rattrapé, m'a obligé à redescendre de mon nuage en faisant ressortir ces putains de sentiments, cette sensation de merde de regret.. Contre ma propre loi je le rattrape, sachant pertinemment qu'il n'écoutera pas, que rien de ce que je pourrais dire recollera les pots cassés.. Il retire sa main de la mienne et mes ongles laisse une vilaine griffure sur son avant bras, tout se passe tellement vite et je vois son visage près du mien, si près du mien et j'ai eu à le voir un tas de fois mais les situations étaient différentes, son expression n'était pas la même et son regard.. Son regard je n'arrivais même plus à le reconnaître, les prunelles cherchent les siennes en vain, revoir une étincelle d'humanité, d'affection, n'importe quoi de rassurant, qui me dirait que tout n'est pas mort entre nous. Rien. Il n'y a rien, malgré mes recherches, malgré l'insistance de mon regard, malgré cette proximité qui me fait trembler. Je ferme brusquement les yeux quand il hausse le ton, quand il s'en prend à moi, je serre les poings, tellement mort qu'à l'intérieur le sang doit couler.. - No.. Il m'assaille d'accusations, je me mords la lèvre sans relâcher mon regard perçant dans le sien. Je me crispe à son approche, mon souffle se coupe et je suis en apnée durant tout le long de son discours, incapable de bouger, de parler, je ne fait qu'écouter, dos au mur, aucun moyen de s'enfuir et même si je le voulais, mes jambes ne suivraient pas le rythme. Mon visage se transforme au fur et à mesure, ses derniers mots se plante dans mon coeur comme une lame brûlante me transperçant.. J'ai mal et je saigne au plus profond de moi. Pas toi.. Ne me dit pas ça.. S'il te plait, pas toi. J'ouvre la bouche, aucun son ne sort, juste une inspiration mais rien n'arrive à sortir d'entre mes lèvres. J'ai cette boule au fond de ma gorge qui m'empêche de déglutir, douloureuse, je referme la mâchoire, contractée et je serre les dents, baissant la tête en la secouant lentement. - Tu crois vraiment que j'voulais aller jusque-là ?.. Que ça me fait vraiment plaisir d'avoir dû assister à ça ? Tu crois que j'avais pas envie de le tuer de mes propres mains pour t'avoir fait du mal devant moi ?! Devant mes yeux Noah.. La voix tremblante, basse et je fuis son regard. Je parle avec une franchise déconcertante sans réfléchir, sans prendre de recul. - Alors c'est ça l'image que t'as de moi ? C'est ce genre de fille que tu penses que j'suis ?.. Je demande en relevant la tête à demi vers lui. - Putain Noah.. Je.. Je.. Mon regard se perd sur ce qu'il peut y avoir autour de nous, cherchant la force, le courage de finir ma phrase. - Laisse tomber. Soufflais-je en essuyant une larme rapidement de la paume de ma main.
J'avais mal de l'intérieur.. Ce mal qui brûle tes tripes à en avoir envie de dégueuler, ce mal qui te consume petit à petit et qui te détruit. Je savais dès le début que cette rencontre mènerait à l'apocalypse, qu'elle anéantirait tout ce qu'il reste de moi en ne laissant que des miettes, des cendres, jusqu'à en devenir poussière. Je savais que lui et moi c'était jusqu'à la mort, parce qu'elle est notre seule issue au final, notre seule moyen de s'échapper, de pouvoir se libérer de l'emprise de l'autre et même cette finalité n'est pas certaine. Même mes cendres voudront se mêler aux siennes, à vie, pour l'éternité, bloqué dans ce tourbillon sans fin. Dans ce labyrinthe de sentiments incompris et meurtriers qui nous échappent. Je le déteste de me faire ce mal, de me blesser, de me toucher, me tirer une balle en plein coeur et je me déteste encore plus de lui avoir fourni le flingue avec lequel il venait de m'achever. Un seul regard de sa part me suffisait pour mourir là, j'étais bonne pour la morgue, j'étais bonne à pleurer toutes les larmes de mon corps jusqu'à ce que j'en puisse plus, jusqu'à ce que je me dessèche de toute cette peine qui me gagne au fur et à mesure qu'il ouvre sa bouche. J'aimerais plaquer ma main contre ses lèvres, boucher mes oreilles pour ne plus avoir à entendre tout ça.. Mais mes oreilles saignent autant que mon cœur, il n'arrête pas, il continue à me descendre encore et encore, à tirer toutes les balles qu'il reste dans le barillet pour qu'il ne me reste plus aucune chance de m'en sortir. Et sa vague de colère s'accroît, sa main encerclant la gorge, le souffle coupé, mes mains viennent se poser sur la sienne, je ferme les yeux. Fort. Tellement fort que j'aimerais disparaître. Et j'ai peur, mes ongles viennent planter sa peau. J'ai l'impression d'être impuissante, d'être en face de mon père et ses excès de colère incontrôlables, je perds mes moyens face à lui, comme je les perdaient face à mon père. Et mes démons reviennent soudainement, ils me hantent en plein jour. Je sens sa main se desserrer et ma respiration revenir, ma main sur mon cou, je le regarde apeuré dos contre le mur auquel je me colle. Mon visage se décompose au fil de ses paroles tranchantes, je ferme les yeux encore une fois, j'ai juste envie de crever là maintenant. J'aurais préféré crever que d'entendre ça.. - Dégage. Dis-je en déglutissant difficilement, le regard baissé. Il venait de baisser au point zéro en agissant comme l'être que je déteste le plus au monde. Il venait de tout détruire en une fraction de seconde sans s'en rendre compte. - DÉGAGE !! Hurlais-je les larmes pleins les yeux. Je ne voulais plus rien entendre, plus rien, plus un mot de sa bouche. Il avait fait trop de dégâts. Je regarde ses pieds, tournant les talons et s'éloignant petit à petit, me laissant là, vide, perdue, incomprise et dévastée.[/b]