HENDRICK BAKER ► wouter peelen

Assis sur le bord de son lit, le cœur battant à tout rompre et les yeux picotant avec amertume, Hendrick attendait patiemment. Tout était silencieux. Trop, même. Mais il laissa ce manque de bruit l'envelopper, car il s'agissait là de la seule façon de le combattre. Son cœur résonnait contre sa tempe, mais il parvint à garder les yeux fixés sur le sol et ce, même lorsque sa mère entra dans la pièce, accompagnée par le seul bruit de ses talons. « Hendrick... », commença-t-elle. Sa voix était douce. Aujourd'hui, Hendrick se demande s'il s'agissait de la voix qu'elle prenait lorsque quelque chose tournait mal au bloc et qu'elle devait l'annoncer aux proches de son patient. Mais à l'époque, le garçon n'y voyait là qu'un moyen de le noyer un peu plus dans sa culpabilité. Il tenta d'avaler cette dernière, mais rien à faire, ce sentiment restait accroché à sa gorge. « Regarde-moi ». Encore une fois, sa voix était douce.  Tellement douce. Finalement, Hendrick releva le regard. Il rencontra un océan et ne pouvait s'empêcher de se demander si l’inondation était proche. Maintenant, Hendrick sait que les larmes avaient taché la chemise de son père bien avant qu'elle ne monte dans sa chambre. « Il faut que t'arrêtes, tu peux pas continuer à faire ça. Je sais pas qui va pas, je sais pas pourquoi tu continues de faire ça, mais ça suffit maintenant. Tu peux pas aller voir ta maîtresse et lui raconter des mensonges sur nous, d'accord ? ». Son désespoir n'était pas dissimulé et Hendrick ne se rappelait pas avoir déjà vu sa mère sous cet angle. « Tu peux pas raconter à la maîtresse que tes parents te battent ou que ta maman est morte, que papa est pilote d'avions ou que papi danse la macarena avec le chien... Promets-moi que tu vas arrêter ? » Ses mains plaquaient sur ses cuisses et les sourcils froncés, Hendrick n'était pas sûr de comprendre ce que sa mère lui racontait mais puisqu'elle semblait attendre une réponse, celui-ci se décida à hocher légèrement la tête.


Des boucles blondes vinrent lui chatouiller le nez et ce n'est qu'au bout de quelques secondes qu'il se rendit compte qu'il s'agissait là de ses propres cheveux. Un œil, puis l'autre. Les rayons du soleil vinrent agresser sa vision alors que d'une main souple, il repoussait les quelques mèches. Hendrick n'osa pas regarder le visage de la demoiselle qui restait collé à lui, cramponnée comme si de cette manière, elle pouvait éviter le dénouement final. Le dénouement fatal. « Pas la peine de paniquer, je sais que ça voulait rien dire », la brune finit par parler. Inconsciemment, une bouffée d'air s'échappa d'entre ses lèvres. Hendrick ne se voyait pas partir à la sauvette, c'était pas son genre. D'ailleurs, c'était l'une des raisons pour lesquelles personne n'osait le qualifier de connard. Pour un pro du mensonge, il était terriblement honnête. « Elle est au courant ? » Hendrick fit semblant de ne pas entendre, parce qu'il ne voulait pas penser aux répercussions de ses actes. Il était trop tard pour éprouver des regrets. « Tu peux me faire confiance », lui précisa la demoiselle alors qu'elle se redressait légèrement, son corps toujours plaqué contre le sien. Ses yeux, d'un miel appétissant le regardait avec attention. Il haussa un sourcil et détourna aussitôt le regard. « Elle est pas au courant », finit-il par avouer. C'était un sentiment étrange d'avouer à haute voix qu'il trompait sa petite amie. Leur relation était sérieuse, du moins autant que peut l'être une amourette de lycée. Sans doute aurait-il dû la quitter avant de s'aventurer aux plaisirs charnels avec d'agréables inconnues, mais il ne trouvait pas la force en lui de lui briser le cœur. Tout cela, ça voulait rien dire. Cette fille dont les lèvres n'avaient même pas attendu la fin de sa phrase pour retrouver la douceur de son torse, ne voulait rien dire. Rien ne faisait sens. Jouer au foot alors qu'il a toujours détestait ça. Réviser comme un con pour même pas finir avec la moyenne. Prendre des cours de théâtre dans le dos de ses parents. Vraiment, rien ne faisait sens.


« Je refuse ». Le timbre de son père était puissant, imposant. Il faisait trembler les murs autant que les mains de son fils. Mais Hendrick en avait assez. Il était à deux doigts de se rapprocher un peu plus de son rêve. En deux ans, le petit avait bien changé. Certains disent qu'il s'agit de maturité, d'autres pensent qu'il en a simplement eu marre de faire le con. En tout cas, depuis quelques mois, tout lui souriait. Ou presque. Les filles savaient encore maintenant qu'il ne fallait pas s'attendre à grand chose avec lui et il portait encore son maillot de soccer régulièrement, mais les choses allaient changer. Harvard. Voilà, ce qui allait changer. Hendrick était accepté et il ne laisserait pas sa chance passer. « Je refuse de payer des études à mon fils pour qu'il passe ses journées à faire l'idiot sur scène. Être acteur, non mais franchement, tu t'entends parler ? T'as quel âge ? T'es dans la vrai vie, là. Tu peux pas devenir acteur ou astronaute ou pilote de formule 1. Quand est-ce que tu vas le comprendre ? » Hendrick détourna le regard, comme il le faisait toujours lorsqu'une situation le mettait mal à l'aise et ne put empêcher sa mâchoire de se contracter. « C'est trop tard, j'ai déjà accepté. Je vais y aller, c'est tout ». C'était la première fois qu'il assumait réellement ce qu'il voulait devenir, ce dont il rêvait et mon dieu, ce que ça faisait du bien.


« Non, c'est la dernière année », dit-il avec un sourire. Sa grand-mère le regardait avec émerveillement alors qu'il lui parlait de ses études. Bien sûr, il redoublait sa dernière année et oui, c'est vrai, qu'il n'avait toujours pas décroché un rôle digne de ce nom, mais il gardait espoir. S'il le fallait, il courrait toute sa vie après son rêve. Jusqu'à ce qu'il se choppe un point de côté et déclare forfait. Ce qui, en toute honnêteté, n'était pas près d'arriver.