JULIAN HAWKE ► Cesar Casier

When I was born

Je me demande si mes parents avaient prévu mon arrivée. Je n'en ai jamais eu l'impression. Qu'est-ce qui me fait dire ça? Ils n'ont jamais été violents ou méchants envers moi, non, bien au contraire. Ils... m'ignoraient complètement. Du moins, c'était mon ressenti quand j'étais enfant. J'ignore si ma mère m'a un jour tenu dans ses bras plus de cinq minutes ou si elle se contentait de me confier à notre gouvernante qui, il faut bien l'avouer, a mieux joué le rôle de mes parents qu'eux-mêmes. Quand nous partions en vacances, Rachel, notre gouvernante, nous accompagnait toujours pour prendre soin de moi alors que mes parents vadrouillaient je-ne-sais-où. Je vais donc essayer de vous raconter mon histoire de la manière la plus neutre possible car je ne ressens aucune haine ni même colère envers mes parents. Je suis juste... Indifférent.

Je suis né le 15 juin 1989 à Brisbane, en Australie. Pour nous, il s'agit presque du début de l'hiver avec la neige et les températures négatives en moins. Comme je le disais plus haut, Rachel s'occupait de moi, assumant le rôle de mère à la perfection. Elle me grondait quand je faisais une bêtise, me félicitait quand je faisais de bonnes notes et m'emmener jouer au parc ou à la plage durant mon temps libre. C'est elle qui découvrit que quelque chose n'allait pas quand je commençai à ramener de mauvaises notes à la maison. Je devais avoir entre 9 et 10 ans à l'époque. Elle en parla à ma mère qui est pédopsychiatre et qui décida de m'emmener chez une spécialiste. Elle me "diagnostiqua" rapidement de surdoué. Génial, une maladie chronique... Je changeai alors d'établissement, m'éloignant de tous les amis que j'avais eu en école publique, pour intégrer une école pour surdoués. Bon, le niveau était bien plus correct que mon école précédente mais bon... Je m'ennuyais toujours un peu. Quoi qu'il en soit, mes résultats remontèrent en flèche et ma scolarité se termina sans encombre.

Built it better

Puis vint le temps de la terminale. Je savais très exactement ce que j'allais faire: des études de relations internationales. Mon but n'est pas de suivre les traces de mon père, détenteur d'une entreprise australienne multinationale mondialement reconnue mais de faire ce qu'il me plait. Et ce qu'il me plait, c'est tout ce qui touche au droit, à la politique, aux négociations. Donc les relations internationales seraient mon choix. Quand j'annonçai ma décision à mes parents, je crois que je vis pour la première fois mon père arborer un véritable sourire. Je ne savais pas trop comment le prendre... Mais s'il était heureux, tant mieux. Pendant les vacances d'été qui précédèrent ma rentrée universitaire, je tombai malade. Moi qui ai une santé de fer, je peux vous assurer que j'ai cru mourir cette semaine-là (oui les filles, riez seulement...). Rachel, inquiète, m'obligea à consulter notre médecin de famille. Bon, si ça peut lui faire plaisir... J'eus droit à des prises de sang, des prélèvements de salive et d'autres liquides corporels que je vais garder secret pour ma dignité. Le jour de mon rendez-vous pour l'annonce des résultats, je sus à la tête du médecin qu'il n'avait pas de bonnes nouvelles à m'annoncer. Pas besoin d'être surdoué pour le deviner.

"Leucémie..."

Tourner dans le vide

Autant dire que cette nouvelle m'assomma. Moi, avoir un cancer? La bonne blague! Mais je ne pouvais me débarrasser de cette impression de perdre complètement le contrôle de ma vie. Moi qui adore contrôler les choses! Je subis une nouvelle batterie de tests avec ponction de moelle osseuse à la clé. Qu'est-ce que c'est? Pour faire court, on m'a ni plus ni moins enfoncé une grande aiguille (et ce n'est pas un euphémisme) dans la hanche pour me prélever un morceau de substance se trouvant dans mon os. J'entends encore le craquement de mon os quand l'aiguille s'est enfoncée dedans... Et le mal que ça m'a fait. Après tous ces examens douloureux, mon médecin m'adressa à un spécialiste, un oncologue, qui me parla d'un protocole de traitement pour mon cancer. Mais ce protocole ne se faisait seulement aux Etats-Unis, près de Boston. Je compris tout de suite ce que je devais faire: annuler mon inscription pour l'université du Queensland et faire une demande pour Harvard. Je crois que c'est une des seules fois que j'utilisai mon nom de famille pour arriver à mes fins. Ni d'une ni de deux, une réponse positive m'arriva dans les semaines qui suivirent et mon père fut surpris, quoi que enchanté, que j'intègre une telle université. Ah, j'oubliais de préciser: je ne mis pas mes parents au courant de mon diagnostic de leucémie: seule Rachel était au courant et je lui ai fait jurer de ne rien révéler. Je partis donc aux Etats-Unis à la fin de l'été, juste avant ma première rentrée à l'université d'Harvard.

Just like fire

Cette connerie de cancer m'embêta longtemps. Je me battis contre pendant environ 4 ans (jusqu'à l'âge de 22 ans environ) avant de l'abattre. Je sais aussi que je n'en serais jamais venu à bout sans l'aide de ma meilleure amie Pearl. Je l'ai rencontrée peu de temps après la rentrée, il y a un peu plus de 7 ans, et le courant est tout de suite passé entre nous. Normalement, toutes les femmes que je fréquente terminent dans mon lit à un moment ou à un autre. Mais pas Pearl. Elle est celle qui me modère, me calme, me ramène sur terre et surtout celle sur qui je peux compter en toute circonstance. Je savais que je n'avais pas intérêt à lui cacher ma maladie sous peine d'en voir de toutes les couleurs. Même si je suis de nature méfiante et à ne pas accorder ma confiance facilement à une personne que je connais à peine, j'annonçai mon diagnostic de leucémie à mon amie. Au lieu de me prendre en pitié (ce que je craignais le plus), elle me soutint durant ces quatre longues années, me voyant guérir pour parfois rechuter jusqu'à ce que je vienne à bout de la maladie. Je me rappelle avoir eu plusieurs fois honte de lui annoncer que mes cellules cancéreuses étaient de nouveau en hausse mais jamais elle ne désespéra ou ne me tourna le dos. Elle me vit dans les pires moments de ma vie (et dans les pires états, amaigri au possible et aussi nauséeux qu'une femme enceinte) et elle m'aida à cacher mon état aux autres qui se demandaient souvent pourquoi je manquais autant de fois les cours et surtout comment je faisais pour rafler les meilleures notes malgré ça. Secret!

Send my love

Même si je me tue souvent à clamer haut et fort que Pearl est ma meilleure amie et rien de plus, beaucoup de gens de notre entourage sont dubitatifs et je sais qu'ils attendent un jour qui n'arrivera sans doute jamais: le jour où nous serons en couple. J'ai beau ignorer toutes ces boutades mais une partie de moi bien enfouie ne serait pas contre l'idée d'une histoire d'amour avec Pearl. Mais tomber amoureux, qu'est-ce que c'est? C'est quelque chose qui ne m'est encore jamais arrivé et je crois bien être effrayé à l'idée de me laisser envahir par un sentiment très difficilement maîtrisable, voire pas du tout maîtrisable. Seul le temps me le dira. Mais pour le moment, je préfère profiter de chaque instant de la vie car plus que la plupart des gens je sais que la vie peut être très courte et s'arrêter à tout moment.