NATE&FIDJI | empty pots make most noise

Fidèle à moi-même, je me rendais aujourd’hui une nouvelle fois à la bibliothèque histoire de me mettre bien dans mon apprentissage de cours et de pouvoir feuilleter mille et un bouquins auxquels je n’avais pas encore eu l’occasion de toucher. Je m’étais installée au fond, histoire d’être isolée pour ne pas avoir à supporter qui que ce soit. Mieux valait-il que je reste seule, à l’écart de plausibles fauteurs de trouble. Ou alors, ces derniers risqueraient de passer un sale quart d’heure étant donné que j’avais plus que besoin de me concentrer aujourd’hui. Quoiqu’il en soit, j’étais déterminée à brailler sur le premier qui oserait s’opposer à mon union avec les cours, qui scellerait ma réussite, forcément. Cela devait faire une vingtaine de minutes que j’étais là, à jongler entre mon ordinateur et les bouquins que j’avais pu emprunter dans les multiples allées de la bibliothèque.

Nate n’était pas vraiment un habitué de la bibliothèque. Il préférait faire ses cours tranquillement chez lui que dans ce lieu affilié «  aux grosses têtes ». Le Sportif y mettait rarement les pieds. Toutefois, aujourd’hui, il avait des recherches à faire pour son cour d’anatomie et il préférait emprunter les livres dont il avait besoin plutôt que de les acheter à quels jours de la fin de l’année. C’est ses écouteurs de mp3 sur les oreilles avec la musique bien trop forte, que le jeune homme s’approcha du rayon bien au fond, à la recherche de son livre. Chewing-gum en bouche, il faisait des grosses bulles bruyantes tout en marmonnant gaiement la chanson qu’il entendait dans ses oreilles. Pour ne rien arranger, ses chaussures grincées légèrement. Par maladresse il fit même tomber un livre !

Le nez dans un bouquin, je lisais attentivement et avalais chaque mot avec un grand intérêt. Il fallait absolument que je retienne un maximum d’informations pour être, comme d’habitude, au top – ou presque. Parce que dès lors que cela concernait les études, je me transformais en une autre Fidji. Au sérieux sans égal, et j’étais prête à bouffer tous ceux qui se mettaient en travers de ma route. Peu importe leur raison, j’appréciais bien trop être la meilleure dans mon domaine et ne pas l’être était d’une cruauté envers moi… j’étais capable de m’arracher les cheveux – ou presque, encore une fois. Or, quelque chose me sortait de mon étude. Un bruit agaçant. Puis deux. Puis trois. Je tentais tant bien que mal de ne pas y prêter attention, mais on aurait dit que c’était fait exprès. Purement et simplement. « Bon, ma foi. » soupirais-je. La musique, même passant par le biais d’écouteurs, si elle était forte, était plus que dérangeante dès lors qu’elle intervenait dans un lieu aussi silencieux que la bibliothèque. Et ne parlons même pas du mâchouillement de chewing-gum, des bulles, et des chaussures qui crissent bien trop. Je fermais les yeux, histoire de rester dans mon pacifisme habituel et de calmer mes envies de meurtre. Mais ce livre qui tombait était de trop. Je m’étais levée de ma chaise en un bond, et me dirigeais vers l’auteur du crime. J’étais certaine qu’il ne m’avait ni entendue arrivée, ni vue étant donné que je venais dans son dos. Pour le coup, je m’étais contentée de tapoter sur son épaule et attendais qu’il se retourne. J’aurais parfaitement pu arracher son écouteur de son oreille mais mieux valait-il que je reste calme, pour sa survie en tout cas.

Nate sentit un truc sur son épaule et se retourna pour voir de quoi il s’agissait. Il laissa échapper un «  Hum ? » surprit, juste avant d’enlever un des deux écouteurs de son oreille. La musique se répandit dans la bibliothèque, en effet elle était forte. Le jeune homme observait la jeune fille qui lui faisait face, continuait de mâcher son chewing-gum, se demandant ce qu’il avait, ce qu’elle lui voulait. Il ne la connaissait pas, donc il attendait de savoir ce qu’elle voulait. Il se demanda l’espace d’une seconde si elle n’était pas muette. Si c’était ça, il pouvait toujours attendre.

Son attitude laissait clairement à désirer, et son air dédaigneux me donnait envie de lui mettre un coup en plein milieu du visage pour lui remettre les idées en place. « T’as besoin d’aide pour faire plus de bruit encore ? » lançai-je en secouant la tête, tout en lâchant un petit tchip d’entre mes lèvres. « J’espère que t’es au courant que t’es pas seul ici. » Mais vu son attitude, aussi désinvolte soit-elle, ça ne le dérangerait pas, de ne pas être seul. Et de ce fait, de déranger tous ceux présents – qui, visiblement, ne souhaitaient pas plus que ça se mêler d’une affaire telle que celle-ci. « Ca a l’air dur à ton âge de te baisser pour ramasser ce que tu balances sans gêne au sol. N’est-ce pas ? » J’attendais impatiemment sa réponse, pour voir si oui ou non il avait justement besoin qu’on lui remette les idées en place et, qui sait, peut-être même qu’on lui refasse gentiment son éducation – sans pour autant mettre en doute celle donnée par sa famille, bien évidemment.

«  Hum ? Ah bon ? Je fais du bruit ? » Demanda Nate avec surprise, semblant étonner par ce qu’elle venait de dire. Il laissa le doute trôner une petite seconde avant de se mettre à sourire. Oui il savait qu’il faisait de «  bruit » mais il s’en ficher royalement. De un parce qu’on était dans une bibliothèque et pas dans un couvent. De deux parce bruit, bruit, c’était relatif. Il n’était pas si bruyant que ça. C’était juste un petit peu de musique et il l’entendait à peine dans ses oreilles. Elle faisait vraiment un flan pour pas grand-chose. «  Balance sans gêne ? » demanda-t-il toujours en faisant l’innocent. «  Définit Balance ? » demanda-t-il espiègle. «  Non parce que de mon point de vue c’était «  tombe par accident ». Tu sais ce que c’est un accident ? » lui demanda-t-il en souriant.  

Je soupirais alors que celui qui me faisait face jouait l’étonné. Comme s’il ne se rendait pas compte qu’il faisait autant de boucan qu’un éléphant ! J’avais l’impression qu’il me prenait plus pour une idiote qu’autre chose. « Je suppose que tu viens aussi d’apprendre que tu vis en société et pas en loup solitaire ? » Il me souriait, en pleine face, armé de toute son arrogance. Mal élevé, il l’était. Je doutais même qu’il ait eu des parents, ce pauvre type. Et comment avait-il fait pour mettre les pieds à Harvard avec un tel comportement ? La seule raison que je voyais, c’était une fortune familiale. « Je suis pas certaine que tes gestes ne soient que des accidents. Tu vas me dire aussi que le fait que tu mâches ton chewing-gum comme une vache, c’est un accident ? » Je levais les yeux au ciel. Ce type était une perte de temps, et Dieu soit loué, mes parents m’avaient suffisamment bien élevée pour que je ne lui en colle pas une.

«  La société ? …  »  dit-il en faisant mine de réfléchir à ce que c’était. «  Ah oui ! ça y est je vois ce que c’est ! » Dit-il avec un grand sourire. Il n’avait rien contre la jeune femme qui lui faisait face à vrai dire, aucune raison de lui mettre les nerfs en pelote. Mais la situation c’était imposé d’elle. Cela faisait rire net et c’était elle qui avait commencé à ce mettant en boule pour si peu. Il était curieux de savoir jusqu’où sa patience pouvait aller. Elle le prenait pour un con sans cervelle, irrespectueux. Alors allons y. Jouons au con ! Quand son interlocutrice lui parla de son chewing-gum, Nate déglutit avec insistance pour l’avaler. Avant de lui demander «  Quel chewing-gum ? » jouant les innocents, avant d’afficher un large sourire innocent. «  Maintenant il faut me laisser petite fille, tu me dérange. J’ai beaucoup de travail. A cause de toi je n’arrive pas à me concentré ! » L’hôpital qui se fou de la charité ? Certainement !

« T’es qu’un pauvre type. Mais ça, je suppose que tu le sais parfaitement. » Il m’exaspérait. Ou plutôt, sa bêtise m’exaspérait. Comment pouvait-on être un tel cas ? Je veux dire, c’est dingue quand même à quel point les jeunes aujourd’hui manquent cruellement de respect. Et de cerveau, aussi. Mais peut-être sa mère était-elle trop près de Tchernobyl et l’a-t-elle privé d’un magnifique cerveau. Ca devait sonner aussi creux dans son crâne que dans celui d’Homer. J’avais d’ailleurs pas pu m’empêcher de toquer sur son front avec mon poing. « C’est vrai, ça sonne creux. Malheureusement, je suis pas sûre que t’aies la capacité de travailler à proprement parler… » lançai-je. « Je veux dire, faut déjà avoir un cerveau pour ça, tu crois pas ? » J’avais fini par lui rendre ses faux sourires de dégénéré. « C’est bien la première fois que je vois quelqu’un travailler debout, au passage. »