It's been a long time - Mae

Trois mois ? Quatre peut-être ? Non Noah, arrête. Pourquoi je me la joue approximatif et détaché alors que je sais pertinemment depuis combien de temps je n’ai pas eu de nouvelle de Maëlys : Cinq mois, vingt-huit jours et trois heures. Depuis Décembre dernier et notre voyage au Népal. Tout avait été si parfait, si … génial. Je me suis sentie en osmose parfaite avec elle là-bas, c’est sans doute les meilleures vacances que je n’ai jamais passé. Mais voilà, le retour à Harvard et le silence radio a suivit. Je ne sais pas ce qu’elle a fait de son côté. J’ai cru la voir de loin quelques fois pendant les soirées de fins d’années organisées par l’université. Mais rien de plus. Et ça me fend le cœur. Affreusement. Je sais que je ne devrais pas me plaindre, que j’aurais pu moi-même lui donner des nouvelles, mais … mais j’ai toujours l’impression d’être trop lourd avec elle, de ne pas être désiré, de l’ennuyeux. Ça me fait rarement ça avec les filles, d’habitudes, je n’en ai rien à faire de ce qu’elles pensent de moi. Avec Maëlys c’est différent. Je me suis tellement ouvert à elle que … que je crois que ça me ferait mal qu’elle me déteste. Parce qu’elle ne détesterait pas seulement la carapace, mais le vraie Noah aussi. Et puis rien n’a été facile pour moi ces derniers temps. Je n’ai participé à aucun évènement, ni le summer camp, ni rien d’autres. Le départ de Solveig m’a foutu un violent coup au cœur, je me suis retrouvée seule. Et il a fallu ce soir pour que je me rende compte que j’ai passé mon temps à me morfondre sur des gens qui n’existent plus dans ma vie plutôt que de courir après ceux qui sont toujours là. Comme Maë. Alors, je me décide enfin à aller la voir. Je gare la voiture prés de la Cabot House. Je porte un costume gris anthracite, des chaussures de smocking et je suis coiffé comme à l’accoutumé, la raie un peu sur le côté. L’Eliot dans toute sa splendeur. Un bouquet de fleur à la main pour faire les choses bien. Histoire de. Surtout que celles-ci poussent sur les montagnes de l’Himalaya, on en a croisé plein durant nos longues marches ensemble. J’entre dans la Cabot d’un pas pressé, le bouquet dans une main, l’autre main dans ma poche. Je salue à peine les gens que je croise et fonce à la chambre de Maëlys. Je m’en souviens, parce qu’un soir au début de l’année elle m’a consolé, ici même, dans ce couloir. Arrivé à sa porte, j’hésite un instant. Peut-être qu’elle n’a pas envie de me voir. Peut-être que si elle ne m’a pas écrit, c’est qu’elle n’en a rien à faire de moi. Tant pis, je suis Noah d’Aremberg. Je frappe une fois, deux fois, trois fois. Et attend patiemment qu’elle vienne m’ouvrir. Du moins, je l’espère.

Le temps est vraiment capricieux. C’est fou comme dans certaines situations, deux secondes peuvent paraitre être dix heures. Je viens de frapper à la porte et voilà que je m’agite. J’ai l’impression que ça dure une éternité. J’ai même les mains qui deviennent moite et les essuies une à une sur mon pantalon en prenant soin de ne pas abimer le bouquet. J’avais envie de voir Maëlys. J’avais vraiment envie de la revoir. Depuis notre première rencontre dans le parking de l’université, j’ai toujours éprouvé une affection particulière envers cette jeune fille. D’abord, parce qu’elle est celle que je trouve la plus jolie esthétiquement, et ça je n’ai jamais cessé de le répéter. Ensuite, parce qu’elle n’a jamais joué avec moi. Je veux dire, la plupart des filles que je rencontre ont toujours une idée derrière la tête, s’amuse toujours à me provoquer, à me mener la vie dure. Avec Maëlys c’était différent, c’était … simple, facile, naturel. Elle avait un truc d’apaisant, et plus j’avais pris le temps de la connaitre au Népal, plus je me sentais bien quand j’étais avec elle. Ce qui expliquait le fait qu’elle me manquait, même si je n’avais jamais osé l’admettre avant ce soir. Perdu dans mes pensées, je me fais ramener à la réalité par le bruit de la poignet qui tourne et … face à moi, Maëlys. J’ai les yeux figé dans les siens, ça fait tellement longtemps. Je ne sais même pas quoi dire pendant quelques secondes, je reste juste là, paralysé. Jusqu’à ce qu’elle prononce mon prénom. Je baisse légèrement les yeux, secoue un petit peu la tête pour reprendre mes esprits et esquisse un sourire timide en lui tendant les fleurs : « J’aurais préféré te les offrir hier avant le bal mais … tiens ». Je la laissé récupérer le bouquet avant de mettre mes mains dans mes poches : « Je les ai trouvé chez un fleuriste tibétain, je ne suis pas sure qu’elles tiendront longtemps avec cette chaleur mais … je les trouvais jolies ». Tu parle trop, tu parle vraiment trop Noah. Signe évident de la gêne. Et pourquoi je suis gêné ? Je veux dire, elle m’a vu comme personne ne m’a jamais vu, h24, pendant une semaine. Il ne devrait pas y avoir de gêne, que de la complicité ! « Je vais bien, merci ... », me calmant enfin, répondant à son petit sourire que je trouve trop mignon. Quand elle ouvre la porte, je comprends que je peux entrer, j’entre alors : « Je te dérange en pleine sieste ? », d’un ton simple, amusant, pour détendre l’atmosphère. Parce que moi, je suis très tendu !

Pourquoi est-ce que je réagissais comme un gosse là ? Mains moites, silence gênant, regard fuyant. Je m’agace moi-même. Je veux dire, c’est étrange comme rapport, comme relation entre Maë et moi. On a beau avoir passé du temps ensemble, s’être confié l’un à l’autre (elle est la seule fille à connaitre l’histoire de mes tatouages), y compris une semaine de voyage, c’est toujours flou. Je n’arrive pas à savoir si nous sommes très complices ou si nous sommes toujours sur la retenu, deux inconnus courtois. C’est affreux comme sensation, je ne cerne pas du tout nos rapports, j’ai du mal à les saisir, à les comprendre, et ça me rend complètement nerveux. Moi, Noah, l’arrogant, le prétentieux, je suis nerveux quand elle me regarde et qu’elle m’invite à entrer. Elle m’a tellement manqué. Je lui donne les fleurs, je n’avais pas vraiment réfléchis à ce geste. Je les avais trouvé belle et c’était plus un prétexte qu’autre chose, je ne sais pas : « ça me fait plaisir », dis-je simplement avant de me diriger vers le lit de la jeune fille : « J’ai bon gout en matière de musique surtout », dis-je amusé, tentant de détendre l’atmosphère, faisant référence à notre première conversation dans l’avion. J’ai juste envie de me poser et d’être bien avec elle, sans toute cette gêne : « Si t’as un vase je t’aide à les mettre dans l’eau ? », je rajoutais alors que mes fesses venaient dans le même temps heurter le lit de Maë. Si elle a besoin de moi, je me relèverais, qu’à cela ne tienne. Elle finissait par poser le bouquet sur le bureau et aller ouvrir les fenêtres. Je baissais légèrement la tête en me massant la nuque, pour me détendre un petit peu, l’écoutant parler. Avant de me redresser, mes mains appuyées sur le matelas, légèrement penché en arrière : «  Je connais ça, j’ai vécu à peu prés la même chose ». Procrastination quand tu nous tiens ! Je venais m’appuyé maintenant avec mes coudes sur mes cuisses et reprenait : «  J’ai mis je ne sais pas combien de semaines à me mettre aux révisions d’examen, plus je me disais « je commence demain », moins j’en faisais » tandis que Maëlys finissait par s’asseoir à côté de moi. Je tournais le visage vers elle et la regardait cette fois : « Le mieux ça serait encore de se soutenir, que tu m’appelle quand tu as besoin d’aide, tu sais que je suis là …», j’achevais un sourire sincère, un brin mélancolique, qui voulait dire « j’ai attendu que tu m’appelle, pourquoi tu ne m’as pas donné de nouvelle, j’aurais pu être là pour toi aussi ». Je tournais la tête vers le sol, mes chaussures en un rire nerveux, laissant une fraction de  seconde passer. De silence, de non-dits, lourd. Avant de prendre mon courage à deux mains et d’avouer, sans la regarder : « Tu m’as manqué Maë …. ».

« Un concert ? ça me va, dès que j’entends parler d’un truc chouette, je viens te chercher ! », Et je souriais en disant cela. Pour une fois que c’est elle qui sous-entendait qu’on pourrait faire un truc ensemble, j’en profitais, ça me faisait plaisir. Aussi loin que remonte mes souvenirs, depuis notre première rencontre, c’est toujours moi qui vais vers elle, toujours moi qui fait le premier pas. Plusieurs fois j’ai pensé que je ne l’intéressais pas, même amicalement. Elle était … distante souvent, difficile à cerner. Je ne sais pas pourquoi je me suis obstiné jusque là à conserver notre lien, à le prolonger, à l’approfondir. En tant normal, quand dans une relation je suis toujours celui qui prend les devant, ça me lasse et je laisse tomber. Mais là, non. Et là encore, après tout ce temps, c’est moi qui revenait : « Radiohead a enfin sorti son nouvel album, avec un peu de chance, ils passeront par Cambridge cet été ». Et je m’asseyais la regardant poser les fleurs sur le bureau, comprenant qu’elle s’en occuperait plus tard, et me rejoindre sur le lit. Je sais bien. Non, tu ne sais pas vraiment. Je ne crois pas que tu sache, sinon tu n’hésiterais pas une seule seconde à m’écrire ne serait-ce que pour me donner des nouvelles. Oui, ça m’avait blessé ce long silence : « Je n’ai pas l’impression que tu le saches vraiment … je veux dire, même si j’ai parfois était un gros con avec toi, je n’ai jamais cessé de t’apprécier. Et j’ai un peu l’impression d’être dans ce genre de relation où je dois toujours faire le premier pas … ». Voilà, ça sortait. De manière moins subtile. Une manière peut-être de clarifier la situation, je ne sais pas. Je ne sais même pas si elle m’aime bien ou si elle n’en a rien à foutre de moi ! « Je ne quémande pas ton amitié, loin de là. C’est juste que … je ne sais pas. On s’entend plutôt bien tout les deux, le Népal m’a fait un bien fou et je me suis éclaté avec toi. Mais j’ai l’impression que je suis qu’un pote de circonstance pour toi ». Ce n’était pas du rentre dedans. Sans doute pathétique. Probablement une manière maladroite de lui faire comprendre que j’avais peut-être envie qu’on soit plus proche. Et on ne disait plus rien. Et sans m’en rendre compte, le regard fixé sur le sol, je lui avouais qu’elle m’avait manqué. Je me serais tué sur place d’avoir osé prononcer ces mots au vue de sa réaction. Je me détestais d’être aussi pathétique, ce n’est pas mon genre, et pourtant avec elle, je suis comme un gosse. Un adolescent un peu attardé et maladroit. Elle répondait un truc qui ne ressemblait à rien, qui me vexer. Et j’étais vexé. Je ravale vite ma bile et ma fierté, retenant péniblement le soupir qui veut s’échapper de mes lèvres. Ah oui ? Je ne réitèrerais pas. J’en ai assez de passer pour un abrutis à ses yeux. Et nous dévions le sujet, je faisais en sorte d’ignorer tout le reste et de poursuivre : « Au Summer Camp oui … », je répétais avant de lever mes yeux vers elle : « Tout le monde m’a dit que c’était la folie, j’ai hâte d’y être ». Et je passais une main dans mes cheveux comme pour replacer ma mèche : « On aura l’occasion de passer du temps ensemble, si tu veux oui ».