ISAIHA J. BUCHANAN ► Henry Cavill

Le soleil était levé depuis peu quand sa mère vint le réveiller en douceur. « Isaiha, il est l’heure de te lever pour prendre ton petit-déjeuner. Aujourd’hui, c’est un grand jour pour toi » lui dit-elle avec douceur avant de le couvrir de baisers, ce qui le fit rire. « Oui mère, je me lève promis » rigola l’enfant d’une dizaine d’années. En quelques minutes à peine, Isaiha était habillé et attablé devant un imposant petit-déjeuner sous le regard fier de son père. Il y avait toute sa famille : les grands-parents, sa sœur ainée ainsi que sa jumelle. Les femmes s’activaient pour les servir et après une courte prière, toute la famille se mit à manger. « Fils, il est l’heure d’aller travailler » déclara la voix grave de son père et Isaiha hocha vivement la tête. Depuis qu’il avait quitté l’école après la huitième année comme le voulait la tradition amish, il lui tardait de commencer à travailler avec les hommes de la communauté. Le travail était vraiment une source de fierté pour leur communauté et il voulait vraiment rendre son père fier de lui. C’est ainsi qu’il commença à travailler auprès des animaux mais également aida son père dans la construction de leur nouvelle grange, la dernière ayant connu un malheureux incendie l’été dernier. « Père, j’ai entendu que le fils de monsieur Wiggins n’était pas revenu de son rumspringa.. Qu’est-ce qu’il va lui arriver ? » demanda-t-il avec une certaine crainte. La haute silhouette de son père se rapprocha de lui, posant un genou à terre et ses mains sur ses épaules frêles. « Mon fils, il faut savoir que nul n’est obligé de rester dans la communauté. Le rumspringa est là pour permettre à nos enfants de faire un choix en découvrant le monde moderne. Il arrive parfois que certains ne veuillent revenir alors, les anciens se doivent de prendre une décision pour le bien de tous » lui expliqua son père. « Cela veut dire qu’on ne le reverra jamais ? » demanda-t-il à nouveau. « Oui. Les amish bannis, s’ils ne veulent se mettre à genoux et expier leur faute doivent quitter la communauté. Ils ne pourront plus avoir de contact avec nous. Ainsi est la loi de notre peuple fils » lui apprit son parent. « Alors moi, je ne quitterais jamais notre peuple car je ne veux pas vous perdre père » décréta le fils qui fut aussitôt attiré dans une étreinte aimante et protectrice de son père.

La perte d’un être cher vous fait souvent réfléchir mais pour la première fois de sa vie, Isaiha se sentait révolté contre lui, contre sa grande sœur, contre Dieu, contre tout le monde. Son monde idéal volait en éclat. A dix-sept ans, l’amish pensait avoir vécu le plus dur en surmontant son rumspringa, en se confrontant au monde moderne qui l’avait laissé de glace ; mais rien ne l’avait préparé au drame qui touchait sa famille. Sa mère n’arrêtait pas de pleurer depuis quelques jours, son père s’enterrait dans son mutisme et sa propre douleur. « Pourquoi ne veut-elle pas revenir à la raison ? Si elle acceptait de se repentir de ses propos et se marier, elle pourrait revenir à la maison avec nous » s’exclama—t-il en serrant un peu plus sa sœur jumelle dans ses bras. « Je ne sais pas Isaiha mais elle est partie, on ne peut plus rien faire. Elle a fait son choix et elle ne nous a pas choisi » lui répondit-elle et il médita sur ses paroles. Isaiha était un amish convaincu, il n’avait jamais compris sa sœur ainée qui était en perpétuelle rébellion. Il trouvait cela totalement stupide de quitter la communauté pour un monde où la trahison, la corruption, la criminalité etc. sont présentes. A présent, elle avait été bannie, elle n’appartenait plus à leur famille. Elle avait tout quitté en brisant l’unité familiale. Savait-elle combien leur mère était malheureuse depuis son départ ? Lui-même souffrait de son absence mais il se devait d’être fort pour ses parents mais aussi sa sœur jumelle à laquelle il tenait plus qu’à sa propre vie. Casey était son trésor : sa sœur, sa confidente, sa meilleure amie. « Promets-moi que nous resterons toujours unis, que l’on ne quittera jamais la communauté. Ici, c’est notre maison, notre peuple, rien de bon nous attend dans le monde moderne. Notre place est ici Casey… Promets-moi que l’on ne se séparera jamais » lui demanda-t-il sur un ton suppliant. « Jamais. Je te le promets. Notre vie est ici de toute manière, la découverte du monde moderne n’a pas été ce que j’imaginais de toute manière » .


Un jeune homme de 23 ans se baladait aux côtés d’une jeune femme du même âge. On pouvait ressentir de loin le respect qui les unissait mais pour un œil non averti, personne ne croirait qu’on venait de leur annoncer leurs fiançailles. « Je tâcherai d’être une bonne épouse pour toi Isaiha » prit-elle finalement la parole. Ce dernier l’arrêta en posant sa large main sur son bras. Le couple se faisait face même si, elle, n’osait regarder son fiancé droit dans les yeux. « Je n’en doute pas un seul instant Anna. Sache que je te respecterai toujours en tant que femme et que je tâcherai de te rendre heureuse aussi longtemps que le seigneur nous permettra de vivre ensemble » lui dit-il avec tendresse en se laissant aller à lui caresser délicatement la joue. Il n’y avait point d’amour entre eux pour l’heure mais peut-être qu’au fil des années, ce sentiment naitra entre eux. En attendant, Isaiha lui apportera la protection, le respect et le bonheur qu’un mari est en devoir d’offrir à son épouse. « Je le sais. Je suis très chanceuse d’avoir été choisie pour devenir ton épouse Isaiha Buchanan. A tes côtés, ma vie sera sereine et heureuse car tu es un homme bon, travailleur et posé » lui répondit Anna avec la même tendresse dans le regard. Isaiha prit l’une de ses mains pour la poser sur son bras et reprit leur marche près de la rivière. Il se sentait bien, paisible. L’avenir s’annonçait calme et heureux, de quoi se féliciter du choix averti de son père. D’ailleurs, il lui tardait d’épouser la belle et douce Anna. En attendant, peut-être pourrait-il commencer la construction de leur future maison car il n’y avait rien de plus gratifiant que de poser les fondations de son foyer.


« J’ai perdu mes deux filles, je refuse de perdre mon fils » pleura sa mère alors qu’elle se trouvait contre la haute silhouette de son fils. La maladie l’avait considérablement affaibli mais pourtant, elle continuait de faire les travaux incombant à une femme amish. Isaiha était réellement fier de sa mère. Elle était son modèle et il espérait faire un mariage aussi heureux et complice que ses parents. « Fils, ta mère a raison. Nous avons déjà perdu trop de nos enfants, nous refusons de te perdre aussi » lui dit-il son père avec émotion. Casey était partie il y a un mois pour retrouver leur sœur ainée mais elle n’avait donné aucune nouvelle. Il était impensable pour lui de la laisser seule, dans la nature. « Je reviendrai père et je me mettrai à genoux devant les anciens pour quémander votre pardon et être ainsi accepté à nouveau dans la communauté. Elles le feront aussi, je ferais tout pour les ramener à la raison… Et à mon retour, si Dieu et les anciens le veulent, j’épouserai Anna » déclara-t-il avec fermeté. Etre banni à son tour de la communauté serait un véritable coup dur mais c’était un mal nécessaire pour le bien de leur famille. « Je réunirai notre famille » leur promit-il avec force. Trois jours plus tard, il prenait la route avec pour seul bagage, une petite valise et un peu d’argent donné par son père. La traversée de l’Ohio jusqu’à l’état du Massachussetts lui prit plus longtemps que prévu. D’après la dernière lettre qu’il avait reçu de Casey -dans le plus grand secret étant donné qu’il leur avait été interdit de communiquer entre eux ; lui été parvenue de Boston. Sa quête venait de commencer.


Arrivé depuis deux mois dans la ville de Boston, Isaiha avait dû trouver un logement en priorité et avait répondu à une annonce pour une colocation. Il avait besoin de retrouver une sorte de communauté pour se sentir bien mais surtout quelqu’un qui accepterait d’héberger un amish. Pour pouvoir payer son loyer, il avait trouvé une place en tant que fleuriste grâce à ses connaissances en botanique -savoir qu’il tenait de sa grand-mère paternelle ; Isa n’en oubliait pas sa quête pour autant et s’était même rendu chez un oncle, depuis longtemps banni de la communauté et qui avait fait fortune. Ce dernier lui avait avoué avoir reçu la visite de Casey qui s’était intéressée à Harvard et dont il avait financé les études. Son oncle lui fit alors la même proposition qu’il accepta au bout de quelques jours de réflexion. A lui seul, il ne pourrait devenir étudiant d’une telle université et si la générosité de son oncle pouvait l’aider, il serait fou de refuser. Aussi, depuis qu’il avait accepté, Isaiha prenait des cours du soir afin d’avoir le niveau d’un homme pouvant espérer intégrer Harvard. Heureusement, la nature l'avait doté d'une bonne intelligence et surtout d'une facilité à retenir les choses.