LIAM B. DESCHANEL ► chad michael murray

Ok, donc là si j'ai bien compris, je dois vous raconter ma vie ? C'est ça ? Je ne comprends pas trop en quoi ça vous regarde mais si vous insistez, je peux bien vous livrer quelques éléments de mon existence, si ça vous fait plaisir.
Je suis né le 7 novembre 1990 à New York. Mon père est avocat, ma mère styliste. Autant dire que nous n'avons jamais manqué d'argent. J'ai aussi une grande sœur, Amber, qui est de deux ans mon aînée. Mon enfance s'est déroulée tout à fait normalement, sans artifice. Ce n'est pas la période la plus intéressante de ma vie étant calme mais c'est sûrement la plus belle. À quatre, nous vivions dans une belle et grande maison à Manhattan, quartier chic de New York. Mes parents avaient une belle carrière et je me suis toujours bien entendu avec ma frangine. L'argent rentrait et avec Amber, nous ne manquions de rien : ni de jouets, ni de loisirs, encore moins de vacances ou même de câlins. Tout pour être heureux. Nous grandissions normalement, sans problème particulier.
J'avais 10 ans en 2000 quand nous devions déménager pour le travail de mes parents. Mon père venait d'obtenir une affaire très importante et médiatisée tandis que ma mère avait une opportunité particulière pour lancer une nouvelle collection. Nous devions partir à Boston.
Quitter à New York m'a beaucoup ennuyé mais de toute façon, je n'avais pas le choix. Alors partons pour cette nouvelle ville qui, à priori, n'a pas l'air horrible.
En effet, cette vie qui démarrait était plutôt agréable et je me faisais rapidement des amis. Pour mes parents et Amber, tout se passait bien aussi. Nous étions ravis.

Mon adolescence s'était déroulée comme celle des autres. Je m'entourais d'une bande de potes et nous faisions des conneries. Rien de grave. On se testait seulement. À seize ans, on s'invitait à nos premières fêtes. On fumait nos premières clopes, vivait nos premières gueules de bois et flirtait avec nos premières filles. La vie banale, on se forgeait une personnalité. On vivait notre adolescence tout simplement. Surtout que d'ici peu, la vie sérieuse va démarrer.

En 2008, tout commence. L'entrée à l'université d'Harvard, non loin de Boston. Ma sœur y était déjà. On était très proches tous les deux, toujours scolarisés au même endroit. Les établissements les plus chics, bien entendu. On pouvait se le permettre vu les finances de nos parents. Mais aussi grâce à notre intelligence. Il est vrai que j'étais plutôt bon en cours et l'université était un véritable challenge. Je savais que j'y arriverais. J'avais des projets bien établis. Comme ceux qu'avaient eu mes parents. J'entrais en première année de relations internationales. Ce domaine m'intéresse énormément. En études mineures, j'opte pour le droit. Mon père étant avocat, je me devais de suivre un minimum son cursus qui me plaisait aussi, cela dit. Et à 22 ans, j'obtiens mon baccalauréat, mon bac+4.
J'étais devenu un adulte, un homme, un vrai. Je m'étais plutôt bien intégré dans l'université. Et j'avais une image. Comme beaucoup d'étudiants, je faisais partie de ceux qu'on jugent beaux gosses. Oui, je suis beau, je le sais et j'en profite. Pourquoi se mentir ? Je viens d'une classe aisée aussi, ça aide et j'en suis conscient. Pourquoi se mentir ? Je suis quelqu'un qui est plutôt sûr de soi, un peu prétentieux mais pas méchant. Je n'ai pas le désir de tomber amoureux. Je préfère réussir mes études mais surtout, profiter de la vie avec mes potes. Je poursuis donc mes études. Le niveau le plus haut sera le meilleur.

En janvier 2013 a eu lieu un drame. Un drame à l'université d'Harvard mais surtout un drame dans ma vie. Un chamboulement. Un enfer. J'avais seulement vingt-deux ans quand je devais chercher des livres à la bibliothèque pour compléter mes cours. Jusque là, rien d'affolant. Je croisais ma sœur, Amber, toujours étudiante ici. On s'échangeait quelques mots et je lui proposais de venir avec moi à la librairie de l'université mais elle avait un rendez-vous à l'extérieur. Comme nous le faisons souvent l'un envers l'autre, j'insiste un peu. On joue, on se taquine, on appuie sur l'affectif en se disant que si l'un fait ça, l'autre fera ça en échange. Et là, en l’occurrence, je souhaitais qu'elle m'accompagne pour pouvoir parler d'un truc sans importance mais que je souhaite quand même lui dire. Une soirée ou une connerie de ce genre, je crois. Elle finit par accepter et vient avec moi récupérer des bouquins. Après ces quelques minutes, Amber doit partir. Je ne voudrais quand même pas la mettre en retard à son rendez-vous. Déjà qu'elle n'est pas en avance, je ne vais pas exagérer... On se verra le soir-même à la maison de toute façon. Amber n'aimait pas les confréries non plus. Elle était aussi studieuse, en septième année de médecine où elle se spécialisait en pédiatrie. Elle était fêtarde, féminine. Elle adorait la mode alors avoir une mère styliste, c'était le rêve. Elles étaient très fusionnelles toutes les deux, d'ailleurs. Elle et moi aussi, on était fusionnels. Elle aimait les belles choses mais était beaucoup moins prétentieuse que moi. Sur certains plans, on se ressemblait. Sur d'autres, on se complétait. À l'université, tout le monde savait que nous étions frère et sœur. Les Deschanel, qu'on nous appelait. C'était elle l'aînée, mais c'était moi qui la protégeait. Elle, elle me remettait en place. « Aller, à ce soir crevette ! ». C'était le petit surnom affectif que je lui donnais. Et ce sont les derniers mots que je lui ai adressés.
Amber sortait de l'université pour rejoindre sa voiture sur le parking lorsqu'une bombe a explosée. Gravement touchée, elle a succombé à ses blessures assez rapidement. Amber est morte. À cause de moi. Si je n'avais pas insisté pour qu'elle m'accompagne, elle serait partie quinze minutes plus tôt et elle serait toujours là. Mais non, comme d'habitude, j'ai insisté lourdement.
Pour ma part, j'étais encore dans la bibliothèque lorsque les explosions ont eu lieu. Les dégâts dans le lieu ont été assez forts. De mémoire, je ne sais plus exactement comment j'ai réagi mais surtout, si j'ai eu le temps de réagir. J'ai été hospitalisé quelques jours pour des blessures pas forcément grave. J'ai eu de la chance, je crois.
Quand j'ai appris la mort d'Amber, j'ai cru mourir à mon tour. J'ai pleuré comme cela ne m'était jamais arrivé. C'était la première phase de ma réaction. Par la suite, je me suis renfermé sur moi-même. J'en voulais au monde entier mais surtout à moi-même. Je voulais qu'on me laisse tranquille. Finalement, je voulais juste qu'on me rendre ma sœur.
Imaginez mes parents. Qu'y a-t-il de pire que de perdre un enfant ? Je crois qu'aucun de nous a réussi son deuil. Il n'y a pas un jour sans que l'on pense à Amber et pas une semaine sans que j'aille sur sa tombe... Elle me manque tellement, putain.

Et maintenant ? J'ai vingt-cinq ans et je suis en huitième année de relations internationales (majeur) et droit (mineur). Je suis plutôt fier de mon parcours scolaire. Je suis aussi fier de l'homme que je suis devenu. Enfin, plus ou moins. Je suis un homme gentil, sociable, drôle. Je suis assez sportif mais moins fêtard qu'avant. La sagesse qui approche, peut-être ? Par contre, je suis toujours assez prétentieux et narcissique mais rien de bien méchant. Je suis juste conscient de ma beauté et de mon compte en banque, ni plus ni moins. Je reste studieux et posé. Posé et célibataire. Je crois que je n'ai jamais connu l'amour. Je dois en avoir peur. Je sais pas trop, en fait.
Au fond de moi, je reste un homme blessé, gâché. Malheureux. J'essaie de le cacher et j'y arrive plutôt bien. Je reste juste quelqu'un qui a tué sa sœur, c'est la réelle sensation que j'ai. Cette culpabilité n'a jamais cessée, ni même diminuée. Et je crois que ça ne changera jamais. Ma mère a renommée sa société de styliste : Amber clothing. Mon père se noie dans le travail.
Et moi ? Je survis. Derrière cette carapace de futur homme d'affaire, se cache peut-être quelqu'un de sensible et de doux. Mais cette facette là, je l'enfonce au plus profond de moi-même. Je suis un homme fort, un futur requin des affaires. Et je ne veux laisser plus rien me briser. Je le suis déjà de toute façon. Que me réserve l'avenir ? Je le crains... Mais tentons quand même.