Impossible de dormir avec cette chaleur caniculaire. Qu'elle idée brillante t'as eu de vouloir participer à ce camp. Tu sais pas, t'as eu cette soudaine envie de devenir plus sociable, de voir autre chose que les quatre murs ternes de ta chambre d'étudiant. T'étais couché dans ton lit, loin des autres. Tu connais quasiment personne, t'es pas le type populaire que tout le monde connait sur le campus, bien au contraire. Sauf ceux qui savent ce qu'ils veulent te connaissent. T'es discret pour filer de la coke, c'est surement pour ça que t'as autant de clients en si peu de temps à Harvard. Tu tournes et retournes dans l'espoir de trouver le sommeil mais impossible. Tu sues, tu meurs limite de chaud. Et puis ses putains de moustiques qui rodent autour de toi pour pouvoir te piquer. Tu soupires. Le camping et tout ça, t'as jamais vraiment tenter. Avec tes parents tu foutais rien le week end, vous restiez là, dans Cambridge, devant la télé. Rien de mieux à faire, une triste vie dans un pays sous la grisaille. T'as jamais réellement chercher à t'échapper d'eux. T'étais trop indépendant à l'époque, malgré le nombre de conneries que tu pouvais sortir sur eux. C'était ta manière de les rendre plus vivants dans l'esprit des gens, pour paraître mieux qu'tout le monde au lieu d'être juste dans la normalité des choses. Tu regardes les autres mecs dormir. T'es bien le seul à pas parvenir à pioncer. Soudain, tu vois une silhouette se dessinée. Quelqu'un sort. Victoire, tu vas pouvoir sortir toi aussi. Avec toute la douceur du monde, tu te lèves. Ton lit se met à grincer et tu grimaces. Tu veux être discret, pas alerter tout l'voisinage que tu te tires parce que tu peux pas fermer l'oeil. Tu cherches pas à t'habiller très classe, t'enfiles un Marcel, celui qui était posé sur le bord de ton lit et un short que tu trouves laid mais qui fera l'affaire pour ta balade nocturne. Après tout, personne ne te jugera parce que tu t'es habillé comme un plouc en pleine nuit.
La silhouette s'est éloignée, t’accélères le pas pour ne pas la perdre des yeux. T'es pieds nus, les cailloux s'enfoncent dans ta peau, ce qui t'arrache un léger rictus endolorit alors que tu continues d'avancer tant bien que mal. Tu sais pas trop où il va te mener, mais à en croire le chemin qu'il emprunte, il t'emmène au lac. Parfait, piquer une tête te feras le plus grand bien. Te rafraîchir les idées. Tu marches au milieu des arbustes en tout genre alors que ton regard se pose sur le ciel. Il n'est pas couvert pour une fois et tu peux percevoir entièrement le ciel ainsi que toutes les étoiles qui y scintillent. La lune est bien ronde et elle éclaire, au loin, le lac. C'est vrai que la nuit, tout semble différent. C'est loin d'être la vue que t'avais le soir, à la fenêtre quand t'étais encore chez tes parents. C'était loin d'être aussi envoûtant, gigantesque. C'est plutôt extrêmement laid, avec les différentes lumières qui gâchent la beauté de la nature. C'est fou, t'es pas du genre à aimer ça pourtant, mais là, crevant de chaud au milieu de la nature, tu trouves ça plutôt pas mal. Tu te sens légèrement impuissant voir ridicule face à l'immensité du ciel. C'est dans ses moments là que tu te rends compte que t'as beau te croire fort et tout l'bordel, tu n'es qu'un minuscule pion sur un échiquier géant. T'arrives rapidement au lac, l'ombre que tu as suivis jusque là a disparu dans l'eau, tu vois ses mouvements. La plénitude du lac est perturbée uniquement par les mouvements de nage de cet inconnu. Tu vois le tas de ses affaires et tu décides d'entreposer les tiennes près des siennes. Tu fais glissé ton short le long de tes jambes puis ton marcel le rejoint au sol. Tu laisses tout en bordel. Tu t'approches lentement de l'eau avant de plonger tête baissée dans l'eau fraîche illuminée par un rayon de lune. Tu te mets alors face au ciel et tu l'observes tel un gosse qui n'a jamais vu pareil spectacle auparavant. Tu tournes la tête et tu aperçois cet inconnu que tu as suivi. Ton coeur loupe un battement, se serre alors que tu le reconnais. Eion. Ce mec dont le visage te semble désormais tellement familier. Celui que tu pourrais passer des heures à regarder tellement les traits de son visage sont attrayants. Tu détournes le regard. Des papillons dans le ventre, la gorge serrée. Il te rappelle tellement ton ex, les débuts de votre relation, ses regards échangés tellement profonds. Tu ne dis rien, tu te contentes d'être là, en silence. Tu ne saurais pas quoi lui dire dans tous les cas. "tiens, toi aussi t'es là?" " oh bah en fait, je t'ai suivi" Tu saurais pas quoi lui dire même si c'était la fin du monde et que c'était l'unique personne qui pourrait te sauver. T'es impuissant face à lui, face à ses papillons dans le ventre que tu ressens à chaque fois qu'il est proche de toi. Et puis merde à la fin, t'as des couilles, prends les en mains. Tu te tournes vers lui et tu t'approches. « Salut mec. Oui, je t’ai suivi si tu veux tout savoir, j’arrivais pas à fermer l’œil avec ce putain de cagnard. Tu m’en veux pas trop ? Et puis dans tous les cas, la nature est à tout le monde. » Les mots sortent seuls de ta bouche. Ca se voit que tu es nerveux? Non. Du moins tu l'espères. Cette envie prenante de le voir autant que de l'insulter et de se tenir loin de lui, tu la connais que trop bien.