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On est uniquement éclairé avec les lumières de la ville, quelques barils enflammés délimitent la piste. Il y a foule, ceux venus pour admirer le danger, ceux venus parier, les frimeurs qui ne veulent pas mettre leur bijou en péril et il y a les fous comme moi. Les tarés qui se lancent sans hésiter, qui le feraient même gratuitement parce que ce n'est pas l'argent qui nous intéressent, du moins la majorité des coureurs. C'est l'adrénaline. Sentir ton bolide s'accélérer, le froid et le vent t'agressant le visage. La pression de connaître les enjeux, les dangers, la présence d'adversaires.
J'attends avec ma moto un peu en retrait, ma course ne commençait que dans une vingtaine de minutes. J'avais déposé une liasse de billets auprès de celui qui gardait les gains le temps de connaître le vainqueur. J'aurai pu préparer mon engin mais je le connais, j'y ai passé une bonne heure toute à l'heure. Alors j'attends sagement, assise contre mon bébé mécanique, un livre de psychologie à la main, étudiant pour le prochain cours. Même dans un univers dégoulinant de criminalité, je reste studieuse. Même avec mon mini-short, mon petit haut et ma veste en cuir, j'étais toujours la petite binoclarde qui étudiait dès qu'elle le pouvait. Les habitudes ont la vie dure comme on dit...
Un bruit se fait entendre, me sortant de mes révisions alors que mon regard se perdait sur la piste. Je me redresse pour constater avec indifférence qu'un motard est tombé au sol, le sol cruel a raflé sa peau, l'abîmant douloureusement. Sa tête est probablement dans un sale état, il ne portait pas de casque.
J'ai oublié mon casque chez moi. Quelle belle plaisanterie, comme quelque chose essayait de me dissuader de courir sur la piste. Rien à faire, je serai à la place de ces coureurs dans vingt minutes. J'ai déjà couru sans casque, j'en suis toujours sortie indemne. Il faut croire que malgré les avertissements et les punitions, le monde veut me garder.
Je me concentre de nouveau sur mon bouquin de psychologie, je dois bosser même si un mec est blessé gravement près de moi. Egoïsme ? Nan je suis comme autrui me demande de fonctionner. D'ailleurs j'entends en ce moment même un groupe le rapatrier à l'hôpital. Il ira bien ou pas, ici les gens s'en moquent. Ils veulent du divertissement interdis, ils veulent de l'action, sentir l'adrénaline sans être sur la moto, la peur dans leurs tripes si les flics arrivent. Ils ne viennent presque jamais c'est une belle blague qu'on raconte aux jeunes motards pour leur faire peur. On me l'a fait aussi et ce n'est pas réellement drôle.
Une main se pose sur mon épaule, me faisant sursauter. Je lève la tête et je vois le mec qui ramasse les gains, Came. Il me sourit, c'est un brave type je trouve et il est réglo même si son activité ne l'est pas.
"Hey Came, tout va bien ?" La première fois que je suis arrivée ici, j'étais la petite nouvelle étrangère qu'il fallait dégager. Came m'a fait courir dès la première course de la soirée et suite à ma victoire, j'ai très vite été acceptée ou ignorée des autres. "Y a un gars qui te cherche et il insiste pas mal." Je fronce les sourcils. Qui pourrait me chercher ici, à minuit juste avant une course ? Selon Came, ce n'est pas un coureur, du moins il n'en a pas l'air.
Je me lève lâchant un soupir. Je suis agacée, je déteste qu'on me dérange juste avant que je ne monte sur ma moto. On marche plusieurs minutes jusqu'à ce que Came me pointe un homme du doigt. "Oh nan pas ça..." Je le reconnaîtrais même si il était couvert de boue. On passe pas mal de temps ensemble, on se parle souvent, je le considère comme mon petit frère. Mais pour un petit frère, il est excessivement protecteur surtout depuis qu'il sait tout ce qui m'est arrivé en France. Jaysaël était adorable mais aussi assez imposant caractériellement, du moins c'est ce que je pensais.
Il était toujours de dos, Came me questionne du regard alors que mon visage s'est probablement décomposé. "S'il te plaît, le laisse pas me voir. Il peut pas me voir dans cette tenue, je t'en prie Came." Alors qu'il allait parler à Jaysaël, je vis celui-ci me remarquer et s'avancer à grand pas dans ma direction. Mes yeux s'écarquillent, mon visage devient rouge. Je viens de me rappeler que j'avais oublié mon casque, mon style vestimentaire ne ressemblait en rien à celui qu'il avait l'habitude de voir à l'université. Je me sentais mal et gênée...mais pas honteuse, cela faisait parti de moi.
Je demande à Came de nous laisser, que ça ira pour moi en fait j'en mène pas large, loin de là. Jay n'était jamais venu à une de mes courses, d'ailleurs je ne savais même pas comment il s'est retrouvé là. Mon ami me stressait et avant d'aller sur la piste, ce n'est jamais bon.
Je tente un sourire face à son regard quand Came est assez loin mais ce sourire se solde par une grimace timide. "Hey...qu'est-ce que tu fais là ?" Ma voix se fait petite autour du boucan ambiant même si il peut m'entendre. J'ai une idée du pourquoi il est là mais j'espère que ça ne va pas tourner en dispute. Je jette un coup d'oeil sur ma tenue avant de fermer ma veste pour paraître moins provoquante. "D'ailleurs comment as-tu su que je serai là ? Je veux dire, c'est pas comme si on disait à tout le monde qu'il y aurait une course à tel endroit. D'ailleurs si tu es là pour m'arrêter ça ne sert à rien...je viens de parier deux mille dollars, Jay." L'argent n'était qu'un prétexte, je me fous des dollars, ce que je veux c'est me mettre en danger.
Mais ça, Jay ne le supporte pas.
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