CASEY R. MORRISSON ► Emily Browning

I - L'INNOCENCE- X ANS

Southampton. 24 mars 1992. Début d'une nouvelle histoire. Un éveil face à l'immensité d'un univers imparfait. Cette histoire avait un prénom, de douces syllabes qui résonnaient au travers de sa mixité. Casey. Joli prénom pour une tendre poupée, pour une gamine aux cils recourbés. Tendre pureté, elle était la seule de sa lignée. Un enfant non prémédité que les parents avaient gardé malgré la précarité de leurs banalités. Effectivement, les Morrisson n'étaient pas des gens aisés mais plutôt des employés qui se laissaient abuser par la société. Jobs à répétition, galères à perpétuité. Ils n'avaient rien des familles bourgeoises anglaises, au contraire, ils étaient l'opposé. Mais cette fille, ce petit angelot ils refusaient de s'en détacher. Alors ils l'amenèrent dans cette maison d'infortune où le confort n'était qu'un rêve idolâtré. Un petit appart délabré où sur les murs la moisissure régnait. Toute la ville était à l'effigie de ses ruines. Ancien paysage de guerre, la violence avait frappé chaque édifice, chaque bâtiment. Tout n'était que cendres. Pourtant petite Casey aimait la précarité de sa ville natale. La poupée était un éclat de joie parsemé qui se baladait où bon lui semblait avec cette insouciance et ignorance enfantine.  Elle n'avait aucune idée la gamine que tout cela n'était que pauvreté. Mais après tout, elle était destinée à cette galère perpétuelle alors peut être que ses premiers repères l'aideraient. Elle fut éduquée là bas avec son sourire béat. Vivant malgré la difficulté, luttant sans même y songer. La gamine des bas quartiers elle grandit dans les cendres de souvenirs, dans les mémoires encore à vifs.

II - L'IGNORANCE- X à XV ANS

10 années se sont passés sans complications. Des années d'insouciance où la gamine commençait à comprendre l'enfer de son foyer. Ses parents qui survivaient, qui luttaient à chaque instant de nuit comme de jour, ils se tuaient à la tâche pour élever cette gosse non préméditée. Même ils tentaient de lui offrir des cadeaux pour cacher la laideur de la vérité. Ils chérissaient cet enfant sans même en avoir les frais. Un sacrifice pour ce petit joyau qu'ils avaient conçu. Une cause perdue. Casey entama sa scolarité sans difficulté, elle était même plus douée. La gamine avait des facilités lorsqu'il s'agissait de mémoriser. Et elle garda ses capacités tout au long des années. Même si le lycée fut une épreuve pour cette dernière. L'adolescence et ces préjugés. Casey était naïve, trop gentille pour s'en sortir dans cette fosse aux lions. Elle n'avait aucune idée que le lycée était cette période d'essai où les esprits tentaient de déconsolider les fragiles et vulnérables. Elle s'était retrouvée moquée, humiliée par des faits inopportuns. Mais la poupée n'était pas de celle qu'on décourageait, elle était une battante timide qui cherchait toujours une possibilité de s'échapper. Elle s'adapta au climat pour devenir fracas. Pourtant son indépendance lui couta. Elle était l'étrangeté que l'on regardait avec une certaine proximité, la fille non fréquentable qui gardait ce sourire malsain. Une pauvre conne qui s'émerveillait de la nature et qui avait des bonnes notes, rien de plus, rien de moins. Certains la jalousaient, d'autres la détestaient car elle n'était pas conventionnelle, elle était différente. Loin de ces poupées gonflables qui ressemblaient plus à des pots de peintures qu'à de vraies personnes, loin de ces idéaux de filles de bourges. Elle était un cas à part, elle était un cas qu'on laissait à part.

III - LA DECADENCE- XVIII ANS à XX ANS

Puis finissant le calvaire du lycée, la gamine des bas quartiers commença à se raccorder à cette société. Sortant, buvant, papillonnant... Seule contre le monde, elle se perdait dans l'ivresse et dans la tendresse de corps étrangers. A toujours s'émerveiller de la nature des autres, de la beauté éphémère de cet univers. Elle avait cet appareil photo un peu pourri, un peu moisi qui lui permettait depuis 5 ans de tout capturer. Les paysages, les instants, les émotions, les souvenirs... Sa chambre était recouverte de tous ses clichés avec une certaine fierté. Casey était une artiste, une frivole qui aimait se réveiller avec ces images diverses de sa réalité. Une rebelle opprimée qui refusait de voir la laideur de la société. Pourtant sa vision du monde se stoppa le jour où le poids de l'univers s'accabla sur ses maigres épaules. Une nuit agitée. Trop de verres entassés. Futilité de la jeunesse, erreur de jeunesse. Cette soirée là, elle avait joué avec la dépravation, elle s'était amusée de son corps de tentation. Avec sa bande de potes, elle était partie loin des banalités, loin de sa timidité. Elle avait fuit le quotidien pour une semaine de débauche, et de pêchés. Une première dans la vie de la jeune pureté. Ils avaient bu, ils avaient baisé. Ils avaient profité de la liberté avec un certain excès. Mais dans ce monde, chaque excès avait un frais. Et ce soir, elle paya toute son innocence outrepassée, elle subissait tout l'horreur de la vie avec son déni. Les mains sur le volant, l'esprit absent, tout se déroula en un simple instant. La route qui disparaissait pour laisser place à la chaussée. Les rires qui se transformaient en cris. La bonne humeur laissant place à la rancoeur.

Puis le vide, le noir complet. Le néant de firmament. Tout devenait obscurité. Tout perdait de sa couleur. Le monde n'aurait jamais plus la même saveur.

Son corps fut retrouvée encastrer dans le pare-brise, pauvre poupée qui saignait, qui avait le visage fermé, la seule qui n'était pas attachée. La seule qui prit le tarif complet. On l'emmena à l'hôpital le souffle livide, le coeur dans le vide. Elle était bien abîmée la statue de porcelaine. Sa façade était épris de bouts de verres, sa carcasse plus qu'une plaie géante. Elle ne ressentait plus rien Casey elle dormait. Elle était sur cet équilibre fragile entre la mort et la vie. Dans une prison dorée où chacun de ses souvenirs revenaient dans un engrenage oppressant. Elle croyait qu'elle allait s'endormir, qu'elle allait partir sans ne rien laisser. Mais son espoir était bafoué. Elle allait vivre... Elle allait vivre qu'à moitié.

IV - L'ABSENCE- XX ANS à XXIV ANS

Vous savez vous ce que c'est de se réveiller sans se rappeler de la veille chaque journée? Que chaque lendemain semble être le même putain de jour. Vous savez lorsque vous vous rappelez plus de rien non pas à cause d'une gueule de bois? Lorsque tout vous semble fade, sans valeurs car vous savez votre condition de convalescent. Ce moment où vous réalisez que chaque jour que vous vivrez ne sera que le reflet d'une triste ritournelle. Vous oubliez tout puis vous recommencez. Vous recommencez puis vous oubliez. C'est devenu son calvaire à Casey. Elle vit dans cette prison intolérable où à chaque fois qu'elle se réveille, elle ne se rappelle plus rien. Les visages familiers, les relations qu'elle entretenait. Tout est flou, tout n'est que néant. Elle n'est plus rien à présent. Elle vit car elle aime la vie, mais tout n'est que folie. Elle n'est pas morte cette soirée là, mais elle a perdu une partie de soi. Elle a perdu sa précieuse mémoire, tous ses souvenirs qu'elle idolâtrait. Quand elle s'est réveillée elle ne savait plus rien. Alors ses parents prirent une décision de partir loin. De voir en cette malédiction un nouveau départ. Ils ont déménagé à Boston avec les moyens du bord. Jouant sur les économies mis de côté et quelques crédits accumulés pour juste s'échapper de l'Angleterre. Et ils offrirent à leur fille un immense cadeau. Des études dans l'une des plus grandes écoles. Harvard. Cela semblait impossible pourtant c'était réel. Ils pensaient pouvoir la réparer avec cette opportunité, lui offrir tout ce qu'elle désirait. Mais Casey n'était plus ce qu'elle était. Elle était encore plus différente, incapable de pouvoir gérer le néant de sa mémoire. La seule chose qu'elle n'avait pas perdu c'était son amour pour l'art. Alors elle lutta pour cette passion, trouvant dans celle ci un moyen de s'en sortir. Elle photographiait pour se rappeler, elle écrivait des pages entières pour tenter de garder sa mémoire. Mais la poupée était abimée et son corps en témoignait encore. Pourtant avec les années s'écoulant, elle réussit à trouver ses repères, à gérer son amnésie. Elle ne dort plus mais elle se bat plus. Contre les préjugés, contre la pitié. Elle tente de dissimuler son handicap avec sa naïveté et cela semble marcher.

Casey elle apprend à vivre encore une fois, en se cachant, en fuyant la vérité mais un jour la réalité va la rattraper.